Le marché immobilier espagnol a le vent en poupe, que même la crise du Covid-19 n’a pas arrêté. Des Français, experts dans ce secteur, nous racontent les raisons d’un tel dynamisme, le profil des acheteurs ainsi que les nouvelles tendances et les perspectives suite à la pandémie.
Le secteur de l'immobilier est sans conteste l'un des principaux moteurs de l’économie espagnole. Seule la crise de 2008 avait réellement touché de plein fouet l’Espagne, ce qui avait provoqué une chute significative des prix dans tout le pays. Depuis lors, ces derniers ont commencé à se récupérer, mais comme le signalait récemment la responsable d’études du site immobilier Fotocasa, "nous sommes encore 37% en dessous du pic des prix maximums".
Les perspectives pour cet important secteur sont donc très prometteuses et Safti, l’un des acteurs du marché immobilier français les plus actifs, l’a bien compris. Le réseau de conseillers indépendants en immobilier, créé en France il y a seulement onze ans, a débarqué en Espagne en 2018. Et le fait qu’un des cofondateurs soit d’origine espagnole n’y est pour rien !
Espagne: le 4e plus grand marché d’Europe
"Le marché immobilier en Espagne est très intéressant – explique Renaud Léglise, Directeur du développement Safti Espagne. Il s’agit du quatrième plus grand marché d’Europe en volume, le premier étant la France, suivi de l’Allemagne et l’Italie. C’est donc un marché très porteur, avec un énorme potentiel, pas aussi mature que le français par exemple. En plus, l’Espagne a été particulièrement frappée par la crise immobilière et nous avons vu qu’à partir de 2015, il y avait une phase de croissance du marché".
Et le moins que l’on puisse dire, c’est que Safti a gagné son pari. En à peine trois ans, la filiale du groupe français connaît une croissance extraordinaire, avec un chiffre d’affaires qui a augmenté de 300% en un an.
2021: année record
"L’année 2020 n’a pas été si mauvaise et l’activité ne s’est pas interrompue –signale Renaud Léglise. Mais ce qui est clair, c’est que le premier semestre 2021 a été spectaculaire avec une augmentation de 18,5% des ventes par rapport au premier semestre 2019 dans le secteur immobilier en Espagne. L’année n’est pas encore terminée, mais tout porte à croire qu’il s’agira vraiment d’une année record depuis la crise, et ça, on l’a vraiment senti chez Safti. Il y a un gros boom de l’activité, en particulier depuis la réouverture des communautés autonomes".
Le potentiel du marché français en Espagne
En plus, Safti a vite compris le potentiel du marché français en Espagne et, depuis 2020 il a recruté et formé une centaine de conseillers francophones, ce qui veut dire que 20% de son réseau sont des Français. Ils sont présents surtout dans les villes et provinces où la clientèle française est le plus implantée : Catalogne, Pays Basque, communauté de Valence, Andalousie, Madrid, les îles Baléares et les Canaries.
Pas que le soleil: 7 raisons d’investir dans l’immobilier en Espagne Est-il encore judicieux d'acheter un logement en Espagne ? Des experts répondent à cette question et expliquent pourquoi ce pays du Sud de l’Europe reste une excellente destination pour acheter un bien immobilier, que ce soit comme placement financier, habitation secondaire ou principale, ou un mélange des deux. Découvrez dans cet article les avantages qui font de l’Espagne un endroit privilégié pour investir dans ce secteur. |
Kasaz: tribulations d’un Français à Barcelone
Pratiquement à la même époque, en 2014, débarquait à Barcelone un jeune Français qui allait révolutionner le secteur. Sébastien Marion, qui a indéniablement le nez pour les affaires, venait de vendre sa start-up à King, la multinationale qui a développé Candy Crush. Il commence alors à chercher un appartement, et c’est là que commencent ses problèmes.
"Ça a été le délire, un vrai calvaire ! – se souvient Sébastien Marion. On pouvait trouver la même annonce plusieurs fois, avec différents prix. Il y avait aussi ces fausses annonces pour attirer le client, sans parler des arnaques. En plus l’interface des plateformes immobilières les plus connues était catastrophique, et vraiment pas pratique".
L’entrepreneur voit alors une opportunité et, fort de son expérience personnelle, il crée en décembre 2017 Kasaz, la première plateforme immobilière qui assure une fiabilité à 100%, et dont l’objectif est de faire gagner du temps et faciliter la vie des utilisateurs. Le maître-mot est la confiance, grâce à une totale transparence.
Vérifier l’info pour générer de la confiance
"Chaque appartement qui veut être publié sur Kasaz est vérifié dans les moindres détails -explique son fondateur- afin d'éviter les informations incorrectes contenues dans les annonces. Pas de fausses annonces, pas d’escroqueries, pas de doubles. Et pas de mauvaise surprise non plus en ce qui concerne les mètres carrés, puisque toutes les mesures des propriétés sont vérifiées avec le cadastre. Les plateformes traditionnelles n’ont aucun intérêt à vérifier les informations, car plus elles publient d’annonces, qu’elles soient justes ou non, plus elles gagnent de l’argent".
Top 10 des portails immobiliers
La plupart de ces procédés de vérification sont automatisés mais lorsqu’il y a un doute, c’est une personne qui vérifie. Et cette philosophie de transparence et de précision de l’information plaît indéniablement. Après avoir démarré sur les chapeaux de roue à Barcelone, Kasaz s’est très vite étendue et elle est maintenant présente depuis un an sur tout le territoire. En moins de trois ans, la plateforme est entrée dans le top 10 des portails immobiliers les plus visités en Espagne.
Objectif France
Et Sébastien Marion ne pense pas s’arrêter en si bon chemin. "Il y a réellement de grandes opportunités pour nous -affirme-t-il- car ce genre de problématique n’est pas exclusive à l’Espagne. Elle s’applique également à la France, l’Italie ou le Portugal, des pays où l’exclusivité sur les biens n’existe pratiquement pas, entraînant une perpétuelle compétition entre les agences. Notre prochain marché pourrait être la France, d’autant que l’ex PDG de Seloger.com est dans notre comité directeur".
Exclusivité en agence : les pays latins rechignent
Comme l’explique le fondateur de Kasaz, dans les pays latins l’habitude est de mettre l’appartement en vente dans plusieurs agences, raison pour laquelle la qualité de l’information n’est pas toujours au rendez-vous, à commencer par une adresse du bien très approximative. En revanche, aux USA, les appartements sont mis en exclusivité et le marché est donc beaucoup plus transparent, avec en plus pléthore d’informations pour l’acheteur (qui inclut même l’indice de criminalité du quartier, par exemple).
Personal shopper de l'immobilier
Dans un tout autre registre s’inscrit une Française, experte chevronnée du secteur, Patricia Guillaumet. Spécialisée dans l’immobilier de luxe, elle dirige avec son associée l’agence Colomba Real Estate depuis une dizaine d’années. L’objectif était clair : se différencier d'une concurrence féroce et sans âme, en offrant à chaque client cet accompagnement personnalisé dont il a besoin, du début à la fin, tant dans la location que la vente. En définitive, un concept de "personal shopper" de l’immobilier, qui séduit ses clients et marche à merveille, même en ces temps de pandémie.
Je n’ai jamais autant vendu
"Je n’ai jamais autant vendu -raconte Patricia Guillaumet. J’ai énormément travaillé cette année et ça continue ! Les journées sont ponctuées de plusieurs visites. Nous avons bien sûr des Anglais et des Allemands mais nous recevons énormément de clients français, d’autant que l’agence est située à côté du Lycée Français de Madrid. Mais c’est surtout le bouche-à-oreille qui marche le mieux et beaucoup nous viennent après recommandation".
Le profil des clients et ce qu’ils recherchent est très varié. "Nous avons beaucoup de clients qui ont toujours vécu à l’étranger, en expatriation, et lorsqu’ils arrivent à Madrid pour quatre ans, ils achètent un appartement ou une maison pour y vivre et qu’ils loueront ensuite. Il y a aussi le cas des expatriés qui arrivent à Madrid et qui louent d’abord une belle maison puis décident d’acheter. On a aussi des parents qui achètent un petit appartement pour leurs enfants qui viennent étudier à Madrid et qu’ils utiliseront après comme pied-à-terre et location courte durée en Airbnb".
Acheter à distance
La pandémie n’a pas non plus été vécue par Patricia Guillaumet comme un arrêt des activités. Son agence en a au contraire profité pour offrir de nouveaux services. "Avec la pandémie -se souvient-elle- nous avons commencé à faire de plus en plus de visites virtuelles par vidéo conférence, et nous avons même fait une vente entièrement par vidéo conférence, pour un client qui vivait au Brésil et venait vivre à Madrid. Dans le cas des locations, cela se fait beaucoup, parce qu’évidemment c’est très pratique, mais pour les ventes c’était la première fois et ça s’est très bien passé". Là encore, le facteur confiance était primordial.
Ces Français d’Espagne qui investissent dans l’économie "propre" lepetitjournal.com a échangé avec plusieurs Français, souvent pionniers en Espagne, et qui ont longtemps prêché dans le désert pour que leur projet voit le jour. Ils travaillent dans tous les secteurs de l’économie, et ont depuis fait des émules. Ils nous racontent leur expérience et parlent du futur. |
Chercher un logement comme pour soi
Une autre agence immobilière que les Français connaissent bien à Madrid est Immomadrid, fondée il y a plus de 20 ans par une Française, et reprise par Céline Larchevêque Quilichini, elle-même expatriée, et qui connaît donc bien les besoins de ses clients : "Ayant moi-même déménagé plus de 15 fois, je m'attache à dénicher le futur logement des nouveaux arrivants avec la même motivation que lorsque je cherchais un bien pour ma propre famille".
2/3 de clients français
Étant une structure locale, elle s’est aussi spécialisée dans le haut-de-gamme afin d’apporter la valeur ajoutée de la qualité du service avec des biens conséquents. Les deux tiers de son activité se font avec des Français et le reste, avec des Espagnols ou des étrangers. "Nous aidons beaucoup d’expatriés qui arrivent avec leur entreprise -explique Céline Larchevêque. En général ils commencent par une location haut-de-gamme puis cela se transforme en achat. Une fois ici les Français réfléchissent à investir".
Travailleurs nomades
Pour elle aussi, depuis la pandémie, certaines choses ont évolué et le profil de ses clients aussi. "Nous avons de plus en plus d’entrepreneurs –raconte Céline-qui ont la possibilité de travailler où ils veulent, d’autant que c’est fiscalement intéressant pendant cinq ans, et qu’il y a ici une qualité de vie indéniable. Ce genre de travailleur nomade cherche des villes comme Lisbonne, Madrid ou Barcelone. Le Covid a été clairement un accélérateur car il a fait réfléchir les gens sur leur façon de vivre. Mais indépendamment de cela, c’est une tendance générale qui répond au profil des personnes de 35-40 ans qui veulent plus de flexibilité. Ce n’est pas un épiphénomène".
Un nouveau profil d'acheteur international
C’est effectivement un phénomène qui s’accélère, et que le service d’étude de La Caixa avait souligné en parlant du rebond des transactions immobilières après la fin du confinement : "La progression de la campagne de vaccination dans les pays européens et la mise en œuvre du passe sanitaire de l'UE stimulent la demande refoulée des étrangers, qui attendaient de pouvoir voyager pour acheter leur maison en Espagne. En outre, les nouveaux modèles de travail accélérés par la pandémie, comme le télétravail, permettent aux travailleurs européens de s'installer en Espagne pour de plus longues périodes afin de profiter du climat méditerranéen tout en télétravaillant, de sorte que le marché présente désormais un nouveau profil d'acheteur international".
Des expats qui retournent en Europe
Outre ces Français qui sont arrivés en Espagne pour la qualité de vie, Céline Larchevêque constate également une autre conséquence du Covid : "Je reçois beaucoup d’expatriés lointains, pour lesquels l’éloignement de l’Europe devenait de plus en plus difficile. Il s’agit d’expatriés qui vivaient en Argentine, au Mexique, au Pérou et qui cherchent à être plus près de Paris, et Madrid est un point de chute plus « soft » que d’aller directement à Paris. Certains Français, qui avaient leurs enfants dans un lycée français à l’étranger, arrivent même à Madrid sans avoir encore de travail, mais ils veulent retourner en Europe".
Les Français ne sont d’ailleurs pas les seuls à fuir l’Amérique Latine. Son agence reçoit de plus en plus d’étrangers fortunés venant d’Argentine, du Venezuela ou de la Colombie, par exemple, mais aussi beaucoup de Libanais.
Les gens veulent un jardin !
On le constate. La pandémie n’a affecté en rien son secteur, au contraire. "Ce sont les biens bas-de-gamme et tous ceux qui sont sortis sur le marché en provenance de locations Airbnb qui ont le plus souffert – explique la responsable d’Immomadrid. Il en est de même pour les logements qui n’ont pas de sortie à l’extérieur. Ce sont des biens qui se sont moins vendus. Par contre, tout ce qui est appartement avec grande terrasse et maison avec jardin, et bien ça a explosé ! Le marché est très dynamique. Novembre est normalement un mois assez tranquille et cette année, on n’a pas arrêté. Et les prix augmentent comme on le voit dans les quartiers de Salamanca, Chamberi ou de Conde Orgaz".
C’est un fait. Les conditions essentielles à l'achat d’un bien immobilier sont désormais les espaces ouverts et extérieurs : une terrasse, un jardin, un patio... D’ailleurs, sur les différents portails immobiliers, la recherche de logements avec terrasse ou jardin a bondi de 40% après le confinement, alors que celle d'appartements a baissé de 14%.
Entrepreneurs français, ils illustrent les opportunités en Espagne post Covid La pandémie a définitivement changé la donne non seulement dans la vie quotidienne ou le travail, mais aussi dans les perpectives de marché en Espagne. Des Français ayant créé leur boîte il y a moins de 5 ans dans différents secteurs de l’économie espagnole expliquent leur expérience et leur vision du marché actuel. |
Projet éthique et immobilier
Le haut-de-gamme peut aussi rimer avec impact positif pour la société et c’est comme ça qu’une Française, Julie Plottier, a créé il y a quatre ans l’agence Withfor, la première agence immobilière éthique de Barcelone, convaincue que les concepts éthique et immobilier peuvent et doivent aller de pair.
"Nous avons été précurseurs –affirme avec fierté Julie Plottier- et maintenant c’est devenu à la mode. Et la cerise sur le gâteau, c’est que nous venons de recevoir la certification de renommée internationale Bcorp qui est très compliquée à obtenir, et nous sommes donc la première agence immobilière B-corp en Espagne. Cela va nous aider pour la suite, pour encore améliorer la façon de travailler à tous les niveaux, vis-à-vis de l’équipe, des clients et des fournisseurs". Autrement dit, traiter les clients internes et externes comme on aimerait être traité.
Pas seulement des mots
Cette démarche éthique et solidaire passe également par la création d’un fonds social appelé Withfor Family, alimenté par 1,25% de chaque opération qu’ils réalisent. "Notre engagement en tant qu'entreprise éthique -affirme Julie- est aussi de redistribuer socialement et, à partir de là, de générer un impact positif sur notre société. Ce fonds est directement destiné à promouvoir des projets qui profitent à la communauté, toujours sur la base de l'honnêteté, de la transparence et de l'engagement".
Withfor travaille pour l’instant sur Barcelone et la Costa Brava, mais son projet est de continuer à grandir pour atteindre toute l’Espagne. Pour Julie non plus, pas de pause avec le Covid. "Nous n’avons jamais arrêté de travailler raconte-elle. Par contre il y avait moins d’étrangers et ça nous a permis de nous tourner vers un marché plus local. Aujourd’hui, il y a beaucoup plus de mouvement et les étrangers reviennent, en particulier les Français".
Non, les prix n’ont pas baissé !
Quant au prix de l’immobilier, Julie Plottier est très claire : "Le message de la presse était que les prix ont chuté et ce n’est pas vrai ! Il y a juste eu une certaine stagnation qui a aussi permis de régulariser les prix. Et maintenant, cela repart". Son agence reçoit également de plus en plus de sud-américains fortunés et dont les conditions de vie sont devenues très compliquées dans leur pays.
Travailler sur la plage
Avec le confinement, Julie a également détecté une nouvelle tendance qui s’accélère. C’est la qualité de vie. "Beaucoup décident de faire leur valise pour s’installer en Espagne afin d’y travailler. Ils pensent que c’est plus agréable de travailler au soleil, près de la mer. On a aussi des jeunes qui ont un contrat de travail en France et qui viennent faire ici du télétravail. C’est très différent de l’expat traditionnel qui vient travailler".
9.800€/m2 à Paris vs 2.600€ à Madrid
L’Espagne reste donc une excellente destination pour acheter un bien immobilier, que ce soit pour y vivre et travailler ou comme placement financier. Les prix sont plus abordables et restent donc extrêmement attractifs et ce, d’autant plus si on les compare avec le reste de l’Europe. Rappelons que fin 2019, il fallait débourser en moyenne 9.800€/m2 pour acheter un logement à Paris ; 15.600€/m2 à Londres; 4.500€/m2 à Lisbonne ou 4.700€/m2 à Lyon, alors qu’à Madrid, les prix moyens avoisinaient les 2.600€/m2; à Barcelone, 3.300€/m2 et à Valence, 1.600€/m2. Il reste donc de la marge. Or, comme le signalait récemment l’Institut National de Statistique INE, les prix des logements atteignent des sommets depuis la fin de l'année 2019, avec une augmentation pendant 29 trimestres consécutifs. Et ça, les Français l’ont bien compris.