Députée, élue alors même que les femmes n’avaient pas le droit de vote, Clara Campoamor n’a eu de cesse durant son mandat de défendre l’égalité femmes-hommes. C’est d’ailleurs à elle, -et quasiment exclusivement à elle-, que les Espagnols doivent le droit de vote des femmes, dont on fêtait le 90e anniversaire ce lundi.
Certaines personnes marquent l’Histoire au fer rouge, par leur trajectoire et leur destinée. Clara Campoamor fait partie de ces rara avis, luttant contre le déterminisme d’une époque conservatrice, prenant l’histoire à contretemps.
Forcée à arrêter l’école à 13 ans pour subvenir aux besoins de sa famille depuis la mort de son père, elle passe tout de même son bac à 32 ans, et obtient quatre années plus tard son diplôme d’avocate, lui permettant d’exercer à Madrid. Elle est d’ailleurs la seconde femme à entrer au Barreau de Madrid, un mois après une certaine Victoria Kent, qu’elle retrouvera quelques années plus tard sur le terrain politique…
Parallèlement à la profession d’avocate, elle se rapproche de la politique par ses multiples engagements associatifs féministes, et sa participation en tant que secrétaire de rédaction au journal conservateur "La Tribune". Suite à la proclamation de la Seconde République en 1931, elle est élue députée dans l’Assemblée Constituante pour le Parti Radical, une formation centriste, alors même que les femmes ne pouvaient pas voter.
Si ses engagements pour l’égalité femmes-hommes furent multiples, c’est notamment pour son rôle dans la légalisation du suffrage féminin qu’elle est connue. Sur ce point, elle s’oppose à sa consœur Victoria Kent, députée socialiste. Comme en France, les Socialistes espagnols s’opposaient au droit de vote des femmes ; argument avancé par la gauche : les femmes votent selon ce que les curés leur suggèrent… et donc pour les conservateurs !
Grâce à elle 6,5 millions d'Espagnoles peuvent voter dès 1933
Campoamor remporte néanmoins le débat le 1er octobre 1931, permettant en 1933 à 6,5 millions de femmes de voter. Ironiquement, elle n’est pas réélue, les Espagnols donnant la majorité à une assemblée conservatrice.
À l’éclatement de la Guerre Civile, en 1936, elle s’exile en Suisse et n’est jamais autorisée à rentrer, accusée de franc-maçonnerie par le régime franquiste. Après quelques années passées en Argentine, elle meurt à Lausanne d’un cancer, sans ne jamais avoir pu rentrer en Espagne.
Pionnière des luttes pour l’égalité de genres, le gouvernement a annoncé aujourd’hui la réactivation Prix Clara Campoamor, récompensant les femmes dans le cadre de leur activité parlementaire.