Fondée dans les années 60 à Madrid par la congrégation religieuse de Poitiers, l'antenne espagnole de l'Union Chrétienne de Saint Chaumond, plus connue comme Saint Chaumond, est paradoxalement encore peu connue de la communauté française expatriée.


Ses résultats académiques, qui placent l'établissement à la 3e position dans le classement des lycées français de l'étranger dans le monde, méritent pourtant que l'on y porte une attention accrue. D'autant qu'outre les excellents résultats scolaires, la structure peut se prévaloir d'une actualité particulièrement prometteuse, avec l'inauguration de nouveaux bâtiments en septembre dernier, l'ouverture des inscriptions aux jeunes garçons depuis la rentrée dernière et l'augmentation généralisée des effectifs. Ancienne élève de l'établissement, la religieuse franco-espagnole Sœur Esquivias en a pris les rênes en 2023, avec pour mission de structurer et moderniser certains aspects de l'école. Elle invite non sans humour les Français de Madrid à "lever le voile" pour venir découvrir la réalité de Saint Chaumond, au-delà des clichés et des idées reçues.
Des changements à Saint Chaumond Madrid
Sur les quelque 850 élèves scolarisés au sein de l'antenne madrilène de l'Union Chrétienne de Saint Chaumond, seuls 5% environ sont issus de familles françaises. Un paradoxe, pour une école fondée à l'origine pour répondre aux besoins d'expatriés français partis s'installer dans la capitale espagnole et souhaitant inscrire la scolarité de leurs enfants dans la continuité de l'enseignement prodigué en France au sein d'un établissement religieux sis à Poitiers. Un paradoxe, certes, mais aussi un succès certain auprès du public madrilène, qui s'est avéré au fil des générations particulièrement fidèle à l'institution et qui continue, aujourd'hui encore, à grossir majoritairement les rangs des élèves. "Le public que nous accueillons n'a pas changé depuis les années 60", estime Sœur Esquivias, "et nous bénéficions de la grande fidélité dont font preuve les familles qui ont connu une scolarité au sein de la structure". La directrice de l'établissement parle en connaissance de cause, y ayant elle-même obtenu son Bac à la fin du siècle dernier, avant de poursuivre ses études en France, et d'obtenir son Capès en 2005. Directrice d'une autre antenne de Saint Chaumond, celle de Beaumont sur Oise, de 2013 à 2023, c'est donc en véritable connaisseuse de l'institution qu'elle officie désormais à Madrid. "Je retrouve beaucoup d'éléments que j'ai moi-même vécu ici en temps qu'élève", sourit-elle, "et notamment la joie qu'on respire au sein de cette école".

Les temps changent pourtant et si l'Union Chrétienne de Saint Chaumond, Congrégation fondée en 1652, est ancrée dans la tradition et la continuité, l'établissement madrilène, pendant de longues années dédié exclusivement à l'accueil des jeunes filles, a connu sous la direction de Sœur Esquivias quelques bouleversements -et pas des moindres. En septembre dernier, une vingtaine de petits garçons ont ainsi été admis en Petite section, formant la première génération à conjuguer au masculin l'apprentissage prodigué par Saint Chaumond. Ils devraient être une soixantaine de plus dès l'an prochain et sont appelés à terme à faire doubler les effectifs de l'école, sur le cursus allant de la Maternelle au Baccalauréat. "Cette ouverture aux garçons correspond à une forte demande des familles", explique Sœur Esquivias. Avec cette ouverture, Saint Chaumond met ainsi fin au parcours du combattant des parents dont la descendance à la fois masculine et féminine obligeait à la scolarisation des enfants dans différents centres pédagogiques. "Nous allons garder la séparation des sexes à partir du Primaire", éclaircit la directrice, "grâce aux nouveaux bâtiments que nous allons construire à cet effet, et dans lequel on retrouvera, adaptée aux garçons, la 'photocopie' du projet jusque-là décliné auprès des jeunes filles". De même, les nouvelles installations, inaugurées en septembre dernier après deux ans de travaux, constituent donc un véritable trésor pour l'avenir et la gestion des effectifs croissants. Elles illustrent aussi assez bien la manière dont Saint Chaumond s'est au fil des ans développée, dans un quartier caractérisé par une architecture de petites maisons indépendantes, que la Congrégation a progressivement acquises, avec pour résultat des espaces à taille humaine, faits de salles diaphanes et de bâtiments bas, unis par des patios intérieurs. Bref, "un lieu sûr et de confiance, au sein duquel nous cultivons une véritable relation de proximité avec les élèves", dans le culte des vertus chrétiennes... et du travail.
Culte des vertus chrétiennes... et du travail
Classée 3e du Palmarès 2025 des meilleurs lycées français à l’étranger réalisé par Le Figaro, dans la catégorie des établissements accueillant entre 500 et 1000 élèves, Saint Chaumond peut se targuer de 100% de réussite, 100% de mention et 57% de mention Très Bien au Baccalauréat. "On n'est pas à la course aux résultats", nuance pourtant Sœur Esquivias. "Ce qui nous importe, c'est que les enfants s'épanouissent et acquièrent une très bonne méthodologie de travail". "Saint Chaumond est un établissement où les élèves travaillent beaucoup", reconnaît la religieuse, "et cela porte ses fruits". "Ici les mots 'effort' et 'persévérance' ne sont pas des paroles désuètes".
Notre souhait est d'accueillir un plus grand nombre d'expatriés français dans l'établissement
D'autant que "la réflexion, la logique et la capacité de raisonnement sont des compétences que nous promouvons", renchérit Sœur Esquivias, "dans la lignée de l'enseignement français que nous prodiguons, qui favorise l’autonomie des élèves et développe leur capacité d’argumentation, l’esprit d’analyse et l’esprit critique". De fait, membre partenaire de l’AEFE, Saint Chaumond jouit de l’homologation dans les deux systèmes éducatifs, français et espagnol, ce qui permet aux élèves d’obtenir le diplôme du baccalauréat qui est reconnu dans ces deux pays -mais aussi des passerelles assurées dans les établissements publics ou privés de l'Hexagone. Et si les inscriptions en Petites sections sont déjà pratiquement bouclées pour la rentrée prochaine, "il y a encore des places au lycée", annonce la directrice. "Notre souhait est d'accueillir un plus grand nombre d'expatriés français dans l'établissement", fait-elle savoir.

"Nous invitons les familles françaises de Madrid à venir nous connaître", poursuit la directrice, "et de ne pas s'arrêter aux idées reçues". Et de faire valoir le caractère "vincentien" de la congrégation, qui porte l'ouverture à l'autre au cœur de son approche. "Catholique veut dire universel" défend-elle, "et ce n'est pas parce que nous sommes un établissement catholique que nous n'acceptons que des élèves catholiques". "Notre volonté est de former les enfants dans les trois dimensions de la personne : le corps, l'âme et l'esprit", décrypte Sœur Esquivias, "et nous nous attachons à leur inculquer des vertus et un véritable savoir-être".

L'ouverture à l'international constitue évidemment une priorité, avec notamment la possibilité de partir dès la Sixième en échange dans un établissement français de la Congrégation, mais aussi dès la Cinquième en Irlande, en Grande Bretagne ou aux USA, et ce sur des périodes allant d'un trimestre à une année entière. "On tient à ce que nos élèves voient d'autres cultures, d'autres milieux sociaux aussi, et qu'ils élargissent leurs horizons", déclare Sœur Esquivias. Quant aux langues, elles sont elles aussi au cœur de l'apprentissage : "Les élèves finissent leur scolarité en étant quasi quadrilingues français, espagnol, anglais, italien, avec les certifications officielles correspondantes", assure la religieuse. Concernant l'usage des nouvelles technologies enfin, "Chez nous, tout n'est pas à portée de click", tranche la directrice, qui préfère privilégier l'usage des manuels scolaires à celui des tablettes. "S'il est vrai que le numérique fera plus tard partie de leur quotidien, il est important que pour s'y épanouir en tant qu'adultes, les élèves soient aujourd'hui bien structurés, raison pour laquelle nous nous évertuons à lutter contre la culture de l'instantané", explique-t-elle. Et de conclure : "L'important, c'est de former l'adulte de demain, de promouvoir sa capacité d'analyser, de comprendre et d'avoir son propre jugement".
Sur le même sujet
