Christelle Samson, consule adjointe en charge du service social, a un parcours bien atypique. À travers des missions à Chengdu ou à San Francisco, elle a acquis une vraie expertise de l’aide sociale pour les expatriés ! Aujourd’hui installée au Royaume-Uni, elle revient sur ses nouveaux défis, notamment la nouvelle taxation des lycées français et l’impact sur les bourses scolaires : “Pour les familles boursières, nous pouvons garantir que les montants sont recalculés en conséquence de la nouvelle TVA.”


Parlez-nous de votre parcours.
J’ai d’abord étudié le chinois avant de poursuivre un master en relations internationales en Chine. Ma carrière a débuté à Chengdu en tant que VIA pour UbiFrance (aujourd’hui Business France, ndlr). J’ai ensuite rejoint le consulat de Chengdu comme agent visa, ce qui m’a permis de passer le concours interne du ministère des Affaires étrangères.
Une fois le concours réussi, j’ai intégré le ministère et commencé à la Direction générale de la mondialisation (DGM), avant de rejoindre le service des bourses scolaires à la Direction des Français à l’étranger. Par la suite, j’ai travaillé deux ans au cabinet du ministre Jean-Yves Le Drian, où je supervisais principalement la validation des textes réglementaires avant signature. J’ai ensuite été nommée cheffe de chancellerie à San Francisco, où je gérais les passeports, le registre, les élections (15 bureaux de vote à deux personnes !), ainsi que les affaires sociales. Enfin, en septembre 2023, j’ai pris mes fonctions de cheffe du service social à Londres.

Quelle est la différence entre le titre de "consule adjointe" et "vice consule" ?
Aucune ! Il n’y a aucune différence fonctionnelle, seulement une question d’ancienneté. Ces titres correspondent à des grades internes, qui évoluent avec le temps et des examens professionnels. J’étais vice consule à San Francisco avant de devenir consule adjointe au Royaume-Uni, mais mes missions sont restées les mêmes. C’est un peu comme à l’armée, où les grades évoluent, sans toujours modifier les responsabilités.
Quelles sont les particularités des affaires sociales au Consulat du Royaume-Uni, notamment par rapport à vos postes précédents ?
Le Consulat général de France à Londres est beaucoup plus grand que celui de San Francisco. Ici, chaque chef de service a une mission bien définie, tandis qu’à San Francisco, mon rôle était plus transversal.
Au Royaume-Uni, le volume de dossiers est bien plus important en raison du grand nombre de Français résidant sur place ou de passage. Comme dans tous les consulats, nous traitons des situations variées : agressions, décès, hospitalisations, rapatriements médicaux, psychiatriques ou pour indigence, etc. Mais la proximité avec la France change beaucoup la dynamique par rapport à San Francisco, où les flux de Français étaient différents.D’ailleurs, aux États-Unis, les affaires d’agression étaient souvent plus violentes et impliquaient des armes à feu. À Londres, même si la ville a ses problèmes - et nous entendons en ce moment beaucoup parler des vols à l’arrachée - je ne ressens pas une violence particulièrement plus marquée qu’ailleurs.
Comment est organisé votre service ?
Nous avons un petit service au consulat, composé de trois agents permanents et d’une vacataire qui nous aide lors des périodes de forte demande, comme en ce moment avec les bourses scolaires. Nous sommes donc quatre/cinq à gérer les aides sociales. Il n’y a pas de spécialisation par sujet, car l’essentiel est la transversalité et la continuité. Si un agent est absent, un collègue prend le relais sur son dossier. J’ai la chance d’être entourée d’une équipe formidable, dynamique et sincèrement dévouée à l’accompagnement de nos compatriotes face à toutes sortes de situations difficiles (décès, hospitalisations, agressions sexuelles, victimes de violences conjugales, enfants victime de maltraitance, etc.).
En 2024, nous avons répondu à environ 6 000 sollicitations, par téléphone, e-mail ou courrier, en plus de l’accueil des personnes qui se présentent spontanément au consulat.
Y a-t-il des aspects du service social du consulat que les Français méconnaissent ou sollicitent peu ?
Les affaires sociales sont plutôt bien identifiées grâce à une bonne communication. Le dispositif STAFE (à destination des associations) était méconnu il y a quelques années, mais les associations se l'approprient désormais. Nous accompagnons d'ailleurs beaucoup d'entre elles dans la compréhension des critères de financement.
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Parlez-nous des bourses scolaires et de leur actualité.
Première chose à savoir, les bourses concernent les enfants français scolarisés dans une école homologuée par l'AEFE. Le dépôt des dossiers se fait en deux périodes : la première, jusqu'au 3 mars, puis une seconde en août-septembre. Une nouveauté cette année : une plateforme en ligne permet désormais de déposer son dossier numériquement. C'est un gros progrès, bien que nous soyons encore en phase d'adaptation.
L'augmentation des frais de scolarité a-t-elle un impact sur les demandes ?
Il est vrai que beaucoup de familles s'inquiètent de cette hausse de 20 %, due à la nouvelle imposition par les autorités britanniques d’une TVA sur les frais de scolarité dans les écoles privées.. Pour les familles boursières, nous pouvons garantir que les montants sont recalculés en conséquence. Pour autant, il est encore trop tôt pour mesurer l'impact exact sur le nombre de demandes.
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Pour le reste des aides sociales que peut octroyer notre service, elles sont malheureusement très limitées en raison du cadre strict qui s’applique. La plupart des aides françaises sont soumises à une condition de territorialité, ce qui signifie qu’il faut résider en France pour en bénéficier. À l’étranger, les aides que nous pouvons attribuer sont peu nombreuses et presque toutes conditionnées à un plafond de revenus, appelé taux de base, fixé à 650 euros au Royaume-Uni. Concrètement, seules les personnes gagnant moins de 550 livres peuvent y prétendre. Nos actions sont donc contraintes par les directives en vigueur et le budget alloué au ministère des Affaires étrangères.
Nous avons évoqué les cas d’agressions, ou de pertes de papiers. Que dois-je faire s’il m’arrive quelque chose ?
Pendant les heures d’ouverture du consulat, c’est simple : il suffit de se présenter à l’accueil en expliquant votre situation : agression, perte de documents, etc. S’il s’agit de remplacer un passeport perdu ou volé, les agents du service de l’administration des Français pourront vous aider à obtenir les documents nécessaires, notamment un laissez-passer vers la France. Si le problème dépasse la simple délivrance d’un laissez-passer, un agent du service social viendra à votre rencontre pour vous accompagner et vous guider dans les démarches. Notre rôle est d’accompagner les Français du Royaume-Uni face à tous les accidents de la vie.
En dehors des heures d’ouverture, une ligne d’urgence est disponible 24h/24, 7j/7. Petite précision : une question sur les délais de délivrance d’un passeport n’est pas une urgence ! Bloquer la ligne pour ce type de demande empêche ceux qui rencontrent une véritable difficulté d’obtenir de l’aide rapidement.
Venez-vous également en aide aux ressortissants français arrêtés sur le sol britannique ?
Oui, absolument, et de nombreux ressortissants français se font arrêter au Royaume-Uni. Actuellement, à notre connaissance, 110 Français sont incarcérés au Royaume-Uni, souvent pour des délits graves, notamment le trafic de drogue. Il y a probablement un attrait pour l’argent facile, sans nécessairement penser aux conséquences, qui peuvent s’avérer dramatiques. Une fois arrêtés, ils sont souvent perdus et comprennent mal ce qui leur arrive.
Il arrive souvent que des familles signalent une disparition avant d’apprendre que la personne a été arrêtée. Dans ces cas, nous coopérons avec la police britannique pour localiser et contacter la personne, afin de nous assurer qu’elle a bien accès à un avocat et éventuellement à son traitement médical. Les autorités britanniques doivent nous informer de toute arrestation d’un Français, mais si ce n’est pas le cas, il est essentiel que la famille ou la personne arrêtée nous prévienne immédiatement. Cependant, nous ne pouvons pas intervenir auprès de la justice britannique, qui est souveraine : il nous est impossible de prendre un avocat à la place de la famille ou de faire libérer la personne. En revanche, nous fournissons une liste d’avocats francophones disponibles en France et au Royaume-Uni, consultable sur le site du consulat.
Notre rôle est de garantir que les droits de la personne arrêtée sont respectés, ce qui est généralement plus simple au Royaume-Uni que dans d’autres pays où les droits des détenus peuvent être moins bien protégés…
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