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Okupas : le squat, une spécialité valencienne ?

La Communauté valencienne est actuellement confrontée à une montée en flèche du phénomène de squat, connu sous le nom d'okupación" en espagnol. Une situation qui alarme la Generalitat par son importance, car elle pourrait compromettre les efforts déployés par l'autorité régionale dans le parc locatif qu’elle met en place.

un squat d'okupas à valencia vu du ciel un squat d'okupas à valencia vu du ciel
Casa Okupa Barcelona / Photo : NtabaresNtabares, CC BY-SA 4.0
Écrit par Efflam Sionneau
Publié le 23 octobre 2023, mis à jour le 3 avril 2024

La sonnette d’alarme a été tirée récemment par la Entitat Valenciana d´Habitatge i Sòl (EVha), entité reliée à la Generalitat qui développe les politiques de logement dans la Communauté valencienne. Administrant un parc de plus de 14.000 logements publics, l'EVha a signalé au gouvernement valencien une augmentation notable du nombre de squatters - "okupas" - occupant illégalement ces habitations. 


Près de 200 nouveaux squats en 2022 dans la Communauté valencienne

L'Entitat Valenciana d´Habitatge i Sòl (EVha) fait face à une augmentation jugée inquiétante du nombre de squatters dans son parc locatif. En 2019, sur les 14.600 logements administrés par l'EVha, 1.300 étaient occupés par des locataires irréguliers. Aujourd'hui, ce nombre atteint environ 1.800, avec 189 nouveaux cas recensés pour la seule année 2022. Plus alarmant encore, le nombre de nouveaux squats a bondi de +33% entre 2021 et 2022.

La grande difficulté rencontrée se trouve dans la situation d'urgence de nombreuses familles, avec des mineurs à charge, qui occupent ces squats mais qui ne peuvent pas être laissés à l'abandon. Afin d'apporter une réponse à cette problématique, un programme de régularisation des squatters a été mis en œuvre en 2017. Il propose une approche au cas par cas, prenant en compte plusieurs critères tels que la situation de vulnérabilité des occupants, la durée de l'occupation, la présence d'enfants mineurs ou encore si les occupants sont victimes de violence de genre.

L’EVha a déjà indiqué ne pas disposer des ressources nécessaires pour mener à bien ce travail. En réponse à ce défi, un nouveau service a été lancé en 2022 visant à mettre en place des mesures d'accompagnement social pour faciliter l'insertion lors de l'attribution des logements. Cependant, à ce jour, cette initiative n'a pas permis de renverser la tendance à la hausse des occupations illégales.

un coeur transpercé d'une flèche tagué sur le mur d'une okupas
Photo : Whyterice, CC BY-SA 3.0


Communautés espagnoles : qui squatte le plus ?

Selon les chiffres du Ministère de l’Intérieur espagnol, la Catalogne est la communauté dans laquelle le plus grand nombre de plaintes ont été déposées pour des occupations présumées de biens en 2022, avec 7.005 cas, soit 41,9% du total national. Elle est suivie par l'Andalousie, avec 2.502 plaintes (15%) et la Communauté valencienne avec 2.024 (12,1%). La Communauté de Madrid, pour sa part, est loin derrière, avec 1.501 plaintes pour ce motif, soit environ 9% du total national. 

 

Squats en Espagne : une mise en perspective nécessaire

Si l'on évoque souvent une hausse des squats ou "okupas" en Espagne, il est essentiel de distinguer le nombre de plaintes de celui des occupations illégales avérées. En effet, toutes les plaintes ne correspondent pas nécessairement à des cas confirmés d'occupation. Ainsi, le chiffre réel pourrait être inférieur aux préoccupations exprimées.

Pour mettre la situation en perspective, considérons le panorama national : l'Espagne compte près de 27 millions de logements. Parmi ceux-ci, seules 16.700 plaintes relatives à des squats ont été enregistrées, soit seulement 0,06% du parc total des logements. À l'échelle nationale, ces chiffres indiquent que la situation est loin d'être aussi alarmante qu'elle peut parfois être présentée.

Squat en Espagne: Quelle est l'origine de l'okupa?

 

Okupación : la Catalogne devance la Communauté valencienne 

Et quand on regarde le pourcentage pour chaque région, la Communauté valencienne est certes en haut du classement mais n’est pas la région la plus mal lotie. Cette proportion est nettement inférieure à celle de la Catalogne, qui affiche un taux de 0,18%, signifiant que près de deux logements sur mille font l'objet d'une plainte. À l'inverse, la Communauté madrilène présente un taux légèrement plus bas, à 0,05%.

La Communauté valencienne n’est donc pas la championne de l’okupación, une couronne qui revient à la Catalogne, chez qui le squat est parfois plus qu’un moyen illégal de trouver un logement, mais aussi un outil de lutte politique pour certains mouvements, notamment celui des gauches alternatives.


La nouvelle mairie de Valencia durcit le ton

À droite de l’échiquier politique, ce phénomène fait grincer des dents. C’est le cas pour la nouvelle maire de Valencia, María José Catalá (PP), qui a déjà fait des annonces. Promettant d’être intransigeante envers les okupas en finançant un bureau qui pourra répondre 24h/24h pour aider les propriétaires touchés, ainsi que la création d’une nouvelle section de la police locale ou en refusant le padrón municipal à toute personne en situation irrégulière (ce qui rend difficile l’accès aux aides sociales). 

Qui est María José Catalá, la nouvelle maire de Valencia ?

Selon elle, "c'est une question qu'il faut combattre, légalement et formellement, avec tous les moyens dont nous disposons”. La maire a déclaré que de nombreuses compétences relèvent de l'État, "mais tout ce qui dépend du conseil municipal doit être fait”. L’alliance PP-Vox, aujourd’hui à la tête de la Comunitat, a donc érigé ce thème en un de ses sujets de préoccupation majeure. Une tendance que l’on retrouve aussi en ce moment en France avec des lois de plus en plus répressives envers les squats.

Du côté de la gauche, ce sujet a longtemps été épineux. Bien que les précédents gouvernements aient évité une approche répressive systématique, ils ont néanmoins dû condamner les actions des squatteurs. Une prise de position trop favorable à ce mouvement risquerait en effet d'encourager sa propagation à une échelle plus large.

 

Le délogement, un nouveau business 

À Valencia, comme dans les autres régions touchées par le phénomène, des entreprises spécialisées dans le délogement ont vu le jour ces dernières années. On y trouve par exemple des entreprises privées comme “FueraOkupas” ou “Desokupa express”, qui assurent pouvoir déloger les okupas en 48 heures maximum, alors que la voie civile “prend entre un mois et deux ans”.

Le processus est pour le moins flou. “FueraOkupas” met en avant sur son site ses employés, des lutteurs, boxeurs et autres “gros bras”. Mais elle annonce ne pas utiliser la violence pour déloger les occupants. Une méthode ? La négociation. En discutant avec les okupas, ils les incitent à quitter les propriétés en échange de certaines sommes, négociées au préalable avec les propriétaires lésés. Ces montants, pouvant se chiffrer en milliers d'euros selon la propriété, pourraient, selon certaines sources, inciter des individus à user du phénomène okupa comme levier financier. Un cercle vicieux où okupas et entreprises spécialisées se renforceraient, en fin de compte, mutuellement.

Dans un article de la BBC, Lucía Martín, conseillère à la mairie de Barcelone, clame que ces entreprises utilisent leurs “gros bras” pour intimider et pousser à partir du logement : “Ce que nous avons vu, ce sont des cas d'intimidation et de menaces. Ils ont essayé de forcer des familles vulnérables à partir par la force". Or la loi espagnole protège contre tout type d’agressions, physiques ou autres ; ce qui questionne sur le bien-fondé de telles méthodes. Dans le contexte tendu de l'immobilier espagnol, ces pratiques sont en tout cas de plus en plus scrutées et critiquées.


Loyers en hausse et logements vides 

À Valencia, les personnes en recherche de logement sont confrontée à un phénomène troublant : près d'un demi-million de logements, soit 14% de la totalité dans la Communauté, restent inoccupés tout au long de l'année, selon les chiffres de 2021 de l'Institut national de la statistique (INE), avec une proportion similaire au niveau national. Des groupes de défense soutenant la pratique des okupas mettent en avant cette réalité, arguant que cette rétention de logements par certains propriétaires contribue à l'inflation des loyers.

Face à des loyers de plus en plus chers et des propriétaires jugés peu coopératifs, l'okupación émerge ainsi comme une forme de résistance et de revendication contre cette dynamique du marché immobilier. Plus qu'une simple question économique, la crise du logement en Espagne prend des dimensions politiques et sociales, sans solution miracle à l'horizon.

 

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