“L'égalité femmes-hommes sera la grande lutte du quinquennat”, déclarait Emmanuel Macron en 2017. Cinq ans après, le président sortant renouvelait cette promesse s’il était de nouveau élu. Depuis, le bilan français reste pourtant mitigé, contrairement à sa voisine, l’Espagne, qui est régulièrement citée en exemple. Moins de féminicides, plus de budget, des lois plus adaptées : voici trois différences entre les deux pays voisins en matière de lutte contre les violences faites aux femmes.
L’Espagne est particulièrement en avance en matière de prévention et d’application des peines. En 2004, le pays s’est notamment doté d’une loi contre les violences de genre, qui fait aujourd’hui référence en la matière.
Moins de féminicides en Espagne
La première différence notable, c’est le nombre de féminicides plus bas en Espagne qu’en France. Certes, l’Espagne compte moins d'habitants que la France. Mais proportionnellement, ce chiffre reste toujours inférieur à celui de l’hexagone.
Depuis 2004, les féminicides ont chuté de plus de 24% en Espagne. Avec 43 féminicides en 2021, l’Espagne a enregistré son chiffre le plus bas depuis 2003, année où elle a commencé à comptabiliser les données sur le sujet. C’est trois fois moins que la France, qui en comptabilisait 122 la même année. Pire encore, ce chiffre a même augmenté de 20% par rapport à 2020, où 102 femmes avaient été tuées par leur conjoint ou ex-conjoint, selon un bilan du ministère de l'Intérieur. Ces chiffres sont néanmoins à nuancer, car ils "correspondent davantage au niveau du nombre de morts violentes au sein du couple observées avant l'épidémie de Covid-19", précise l'étude du ministère de l'Intérieur. La France aurait donc retrouvé son taux habituel de féminicides observé ces dernières années.
En Espagne, plus de budget pour lutter contre les violences faites aux femmes
En plus des lois progressistes, le gouvernement espagnol alloue un budget important à la lutte contre les violences faites aux femmes. En 2017, le pays annonçait débloquer 1 milliard d’euros répartis sur 5 ans pour lutter contre les violences faites aux femmes, soit environ 200 millions par an.
En France, il est difficile de chiffrer ce même montant, car il s’insère dans le budget plus globale alloué à l’égalité homme-femme, d’un montant de 530 millions en 2019. En novembre 2018, cinq organisations (le Conseil économique social et environnemental, le Haut conseil pour l'égalité, la Fondation des femmes, le Fonds pour les femmes en Méditerranée et Women's Worldwide Web) ont publié un rapport intitulé "Où est l'argent contre les violences faites aux femmes". En additionnant le budget des dispositifs d'accueil, des places d'hébergement, des intervenants sociaux en commissariats et gendarmerie, elles estimaient que la part allouée à la prise en charge des femmes victimes s'élevait à 79 millions d’euros. Un chiffre que le secrétariat d'Etat considère comme incomplet et ne comprenant pas toutes les actions contre les violences faites aux femmes.
Mais pour donner une idée, la France a dépensé 5 euros en 2019 par habitant pour traiter les violences conjugales quand l’Espagne en débourse 16.
Plus de sensibilisation, plus de plaintes et plus de peines
Ce budget supérieur permet, entre autres, une meilleure sensibilisation de la population, la mise en place et l’application de moyens de lutte contre ces violences. 8 femmes espagnoles sur 10 disent avoir récemment entendu une campagne de sensibilisation aux violences de genre, contre 5 sur 10 en moyenne en Europe. En découle alors plus de dénonciations de ces violences, bien qu’on sache qu’elles restent sous-déclarées, en France comme en Espagne. Par exemple, on y dénombre près de 170.000 plaintes annuelles pour violence machiste en Espagne, alors qu’en 2021, 220.000 déclarent chaque année subir des violences en France et que seules 18% d’entre elles portent plainte.
Concernant l’application des peines, depuis la loi de 2004, l’Espagne est dotée de tribunaux, 107 sur les 3.500 existants, se consacrant exclusivement aux violences faites aux femmes. Et cela se ressent dans la prise de mesures de protection. Plus de 25.000 ordonnances de protection ont été délivrées en 2020, contre seulement 3.000 en France sur la même période. En matière de surveillance électronique, plus de 100 fois plus de bracelets anti-rapprochement ont été distribués en Espagne qu’en France en 2021.
Ces différences ne sont que quelques-unes parmi tout un système mis en place par l’Espagne pour lutter contre les violences faites aux femmes. Néanmoins, le pays a lui aussi encore des progrès à faire. Par exemple, l’externalisation à des structures privées des centres d’écoute, avec le 016, numéro de lutte contre les violences faites aux femmes. En 2020, le gouvernement français avait annoncé vouloir faire la même chose pour la ligne d’écoute 39 19, en lançant un marché public, avant que le projet soit abandonné après une mobilisation des associations féministes.