Édition internationale
Radio les français dans le monde
--:--
--:--

VIOLENCES FAITES AUX FEMMES - La législation espagnole en avance sur celle de la France... et du reste de l'Europe

Écrit par Lepetitjournal Valence
Publié le 1 janvier 1970, mis à jour le 10 décembre 2012

Si les choses ne vont pas changer en une journée, le 25 novembre est chaque année, l´occasion de rappeler une réalité, à renfort de chiffres terribles, avec pour objectif, de faire prendre conscience de ce qu´il convient d´appeler un fléau. Quelles sont les mesures et les résultats en France ? En Espagne ? Interview de Jorge Cabré, ministre des Affaires sociales et de la justice de la Communauté valencienne

En France, 1 femme sur 10 est victime de violences conjugales. 122 femmes sont mortes l´an dernier sous les coups de leur conjoint, soit un décès tous les trois jours. Entre 75.000 et 100.000 personnes sont violées chaque année mais 10% seulement portent plainte. En Espagne, 46 femmes sont mortes cette année suite au même type de violences, dont 6 dans la communauté valencienne. Il ne s´agit là "que" des violences physiques. Il y a aussi, les insultes, les humiliations, violences psychologiques, sourdes, invisibles de l´extérieur, mais violences réelles et tout autant destructrices, pouvant elles aussi entrainer jusqu'à la mort, les violences sexuelles, économiques? Les victimes sont de toutes classes sociales. Pour endiguer ce fléau qui peut toucher toutes les femmes, les gouvernements français et espagnols ont mis en place des mesures. La tâche est complexe, longue, et pourtant essentielle pour l´ensemble des sociétés.

"Violences faites aux femmes" : Cause nationale en France en 2010, prises en compte en Espagne depuis 1996
La loi française de juillet 2010 relative "aux violences faites spécifiquement aux femmes, au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants", celle du 6 août 2012, relative au harcèlement sexuel, et la prévision de la création d´un Observatoire national en charge des violences faites aux femmes, représentent des avancées certaines. Mais si, par exemple, la loi de 2010 prévoit comme mesure phare une ordonnance de protection, avec une décision de l´éloignement de l´agresseur prise dans les 24 heures, et le port d´un bracelet électronique, force est de constater qu´elle n´est pas appliquée de façon uniforme dans tous les tribunaux, et que le manque de formation spécifique sur ce sujet complexe et dévastateur, des professionnels, policiers, médecins, magistrats?, fait encore cruellement défaut. Cette loi a été inspirée par la législation espagnole, en avance sur ce sujet, qui dès le milieu des années 90, avait soulevé ce problème au rang de fléau national.

En Espagne : "tolérance zéro"
En France, il existe de nombreuses disparités entre les différents départements. Dans certains d´entre eux le dispositif n´est aujourd'hui, purement et simplement pas entré en vigueur, comme l´a rappelé la ministre des Droits des Femmes, Najat Vallaud-Belkacem. En Espagne, toutes les communautés indépendantes sont soumises à la loi nationale et, visiblement plus unanimement sensibilisées que nos départements, elles l´appliquent, avec la mise en place de réseaux et de centres d´aides spécifiques à ces violences, propres à chacune d´entre elle. Si la Catalogne est la région la plus touchée, la communauté valencienne, précurseur dans ce domaine, dispose, quant à elle, du plus important réseau d´Espagne.

"Dénoncer son mari est difficile"
Jorge Cabré (photo lepetitjournal.com), ministre de la Justice de la communauté valencienne, ancien élève de l´Alliance française de Valence, a fait de ce sujet son cheval de bataille. Ancien procureur, il se dit extrêmement mobilisé et sensibilisé, car confronté à de multiples cas de violences aux femmes au cours de l´exercice de ses fonctions précédentes. "Ce n´est pas un problème parmi d´autres. C´est un véritable fléau auquel nous devons sensibiliser tout le monde. Nous n´avons pas tous les chiffres de la maltraitance, mais il y en a trop. Il n´y a pas que des morts. Il y a les violences physiques, psychologiques, économiques, culturelles, religieuses, mais quelle que soit leur forme, elles sont inacceptables". Crée en 1996, el Centro Mujer 24 Horas, est un service public, gratuit à disposition des femmes victimes, 24h sur 24, à Valence, Alicante, Castellón et Denia (qui fonctionne lui de 8h à 22h). A ce jour, 28.913 appels ont été reçus par le centre Mujer 24 Horas et 1.725 cas de femmes victimes, ont été traités depuis le début de l´année. "Nous recevons des femmes de toutes classes sociales, de toutes nationalités. La perception de la violence est différente selon les cultures, mais malgré ces différences, toutes ces femmes ont besoin d´aide et de protection, de réponses adaptées et personnalisées. Dénoncer son mari est difficile, il faut protéger la victime qui dénonce. Et la crise économique est un facteur aggravant. Nous disposons d´un groupe spécial de policiers formés pour les victimes de violences faites aux femmes, des juges, des fiscalistes, tous spécialisés".

"Briser le silence complice de la maltraitance"
Loin de se satisfaire de tout cet arsenal, le ministre, entouré de collaborateurs eux aussi tous issus du domaine de la justice et connaissant parfaitement le sujet, a présenté et fait signé un nouveau texte de loi, plus complet, le 14 novembre dernier : "En Espagne, il y a la loi nationale, au dessus de toutes, que les communautés appliquent, mais chaque communauté peut aussi faire sa loi si elle vient enrichir la loi nationale. Ce nouveau texte, est une loi 'spécial Valencia', mais c´est une loi pour toute la société. Nous sommes fiers, car c´est la première loi établie dans un aussi large consensus, entre la Société Civile et tous les groupes parlementaires. Elle a deux objectifs principaux. Tout d'abord aider, soutenir et protéger les femmes victimes de violence et tous ceux qui dépendent d´elle. Ainsi, avec cette loi, l´enfant lui aussi victime du père dans ce cas, a des droits propres et reconnus. Deuxièmement, parvenir à une sensibilisation maximale de la société, et briser le silence complice de la maltraitance est une priorité. Nous mettons en place tout le mécanisme de la loi pour que cela devienne un protocole".

La loi de la Communauté Valencienne présentée à Bruxelles
Alors qu´elle n´était qu´un projet, cette loi novatrice, Jorge Cabré l´a portée et défendue à Bruxelles, en mai dernier. "Pour beaucoup de pays membres, c´est se mêler de ce qui se passe dans la sphère privée. C´est une loi très en avance, et bon nombre d´entre eux ont reconnu que pour mettre en place une telle loi au niveau européen, il fallait d´abord que les lois nationales progressent. Même la Norvège, traditionnellement avant-gardiste dans le domaine des droits des femmes, ne voyait pas comment faire cette loi pour l´instant. Nous, nous l´avons faite et nous allons l´appliquer". Lundi 19 novembre 2012, un pacte a été signé avec 52 entreprises de la communauté, qui se sont engagées notamment à faciliter l´embauche des femmes victimes de violences, en contact avec le centre Mujer 24 Hojas. Forte de son expérience, l´Espagne entend bien démontrer l´importance et la faisabilité de l'application d´une loi complète contre les violences faites aux femmes, au niveau européen.

Cécile PANISSAL (www.lepetitjournal.com- Espagne)  lundi 26 novembre 2012

http://www.sinmaltrato.gva.es
112 Urgences
016 Ministère
091 Police
Centres 24 heures : 900 58 08 88

lepetitjournal valencia alicante
Publié le 26 novembre 2012, mis à jour le 10 décembre 2012
Pensez aussi à découvrir nos autres éditions