Comme de nombreuses femmes, Nathalie des Isnards s'est déjà retrouvée dans une longue file d'attente devant les toilettes pour femmes. Elles sont 60% à déclarer faire régulièrement la queue à l'extérieur contre 11% des hommes seulement. Les WC seraient donc un symbole de l'inégalité hommes-femmes ? Découvrons Madame Pee, une innovation écolo et durable.
Comment vous est venue l'idée de vous lancer dans l'aventure des urinoir(e)s pour femmes ?
L'idée est venue assez simplement de mon expérience personnelle. Je vais régulièrement à des festivals, je fais pas mal de course à pied et j'ai vécu un nombre incalculable de fois la galère de la file d'attente aux toilettes et ce qui me choquait particulièrement au-delà de l'attente, c'était la différence entre les hommes et les femmes. Et puis il y a eu cette fois précisément où je suis allée à un concert, j'ai passé trente minutes dans une file d'attente et j'ai raté le début du concert ! C'est né d'un constat d'injustice entre les hommes et les femmes, depuis j'ai lancé cette initiative en 2017.
Quelle est la particularité de cet urinoir ?
La première particularité est que c'est une cabine qui n'est pas complètement fermée, elle est ouverte en bas et en haut. Il y a des portes battantes pensées pour la rapidité tout en conservant l'intimité dont on a besoin. Concernant les exigences d'hygiène particulières aux femmes, la cabine est sans contact, c'est à dire qu'il y a possibilité d'entrer dans la cabine, de l'utiliser et de ressortir sans avoir touché quoi que ce soit et ça fait gagner énormément de temps. On divise par trois le temps moyen passé dans une cabine traditionnelle. Il faut savoir qu'une femme qui entre dans une cabine perd un temps fou à élaborer des stratégies de contournement pour éviter de toucher quoi que ce soit, pour éviter de s'en mettre partout et pour essayer de trouver un endroit où accrocher son sac ! Nous avons travaillé tous ces points avec des psychologues et des ergonomes pour vraiment comprendre les éléments essentiels pour les femmes.
Un élément qui ne laisse pas indifférent est la grille déposée au dessus de la lunette et l'absence de chasse d'eau. Comment ça marche ?
La grille est déposée sur une lunette en forme de bec entièrement pensé pour les femmes. Cette forme particulière est anti-projections et permet une position en demi-squat qui est LA position pratiquée par plus de 90% des femmes quand elles urinent en dehors de chez elles ! La grille est là pour rappeler que les urinoirs ont pour fonction de récolter de l'urine seulement.
Il n'y a pas de chasse d'eau d'abord pour des raisons écologiques. On ne peut plus se permettre de jeter six à neuf litres d'eau pour tirer une chasse. De plus, il y a des filières en Recherche et Développement qui travaillent sur la transformation de l'urine en engrais et en fertilisants avec qui nous souhaiterions collaborer.
Madame Pee est une entreprise qui se développe, est-ce que les autorités ont l'intention d'implanter des cabines dans les endroits publics type centres commerciaux, parcs etc...?
Paris en a déjà implanté dans un jardin public, le jardin Tino Rossi près de Jussieu. C'est clairement un marché. On a démarré par l'événementiel parce que c'était le marché le plus « prêt », qui touche une population plutôt jeune, plutôt ouverte à la découverte et plus sensibilisée sur ce sujet, et puis on s'est aperçus que ça a pris extrêmement vite, on est à plus de 100,000 usagères pour l'été dernier. Les urinoirs ont commencé à être utilisés dans des cadres plus familiaux, en coupe du monde ou même dans les centres aérés. Ce n'est pas parce qu'on ne fait pas pipi de face et debout qu'on n'a pas le droit à des infrastructures adaptées ! L'initiative s'exporte déjà et est présente au Royaume-Uni et au Portugal !