L’hostilité envers les populations asiatiques n’a jamais été aussi élevée, comme en témoignent les évènements survenus récemment à Atlanta. La faute à une pandémie dont la Chine est considérée comme seule responsable et surtout à des clichés racistes qui ont la vie dure.
Le « crime de haine » commis par Robert Aaron Long, 21 ans, qui a vu la mort de 8 personnes dont 6 femmes d’origine asiatique dans 3 salons de massage d’Atlanta, aux Etats-Unis, est révélateur de la hausse du racisme anti-asiatique liée à la crise sanitaire. Le Covid-19, découvert en Chine, a provoqué une vague de haine injustifiée contre les Asiatiques et personnes d’origine asiatique partout dans le monde, un discours alimenté par certains médias et personnalités politiques. Lorsque Donald Trump parle de « virus chinois », ou que le Courrier picard titre, le 26 janvier 2020, « Coronavirus en Chine – Alerte Jaune », des raccourcis et amalgames erronés sont faits, mettant en danger les communautés asiatiques aux quatre coins de la planète. Comme en témoigne l’appel à « agresser chaque Chinois » circulant sur les réseaux sociaux fin octobre 2020.
Une inquiétante hausse des chiffres et de la violence du racisme anti-asiatiques
Une étude menée par le forum « Stop AAPI Hate » a révélé, le 16 mars, qu’entre mars 2020 et février 2021 aux Etats-Unis, près de 3 800 personnes asiatiques ou d’origine asiatique ont été victimes d’actes de haine. Les violences commises à Atlanta il y a quelques jours ne sont donc pas une exception, mais bien le révélateur d’un phénomène ancré dans nos sociétés. « Depuis le début de la pandémie, on me regarde bizarrement dans la rue » affirme David, Français d’origine chinoise. Les Chinois – et plus largement les Asiatiques – ont été à plusieurs reprises ouvertement désignés comme les coupables de la propagation de l’épidémie de Covid-19.
En février 2020, un bar italien de Rome avait provoqué un scandale. A l’entrée de son établissement, on pouvait lire, placardé, « En raison de mesures de sécurité internationale, toute personne venue de Chine ne sera pas acceptée ici », alors-même qu’aucune mesure de réglementation sur le sujet n’avait été adoptée par le gouvernement.
Les violences allant jusqu’à la mort se font plus fréquentes : un expatrié thaïlandais de 84 ans est mort à San Francisco après avoir été violemment poussé. A Brooklyn, une femme chinoise a été brûlée vive. Dans un article de la BBC sur le racisme au Pays de Galles depuis le début de la pandémie, un étudiant chinois en journalisme à Cardiff confie que « Cela a augmenté ma préoccupation pour ma sécurité, à laquelle je n’avais jamais pensé avant, car je considérais le Royaume-Uni, et particulièrement le Pays de Galles et Cardiff, comme des endroits sécurisés ».
De nombreux actes de violence ont été recensés dans d’autres pays, comme celui d’un expatrié sino-américain roué de coups à Madrid. L’Australie n’échappe pas à cette tendance inquiétante. Selon une étude réalisée par le Lowy Institure, 18% des Chinois-Australiens déclarent avoir été menacés ou attaqués, et 31% avoir été traités de noms injurieux.
Une forte mobilisation de la communauté asiatique sur les réseaux sociaux
Depuis plusieurs années déjà, la communauté asiatique organise des campagnes de sensibilisation – notamment le forum Stop AAPI Hate – pour alerter sur le racisme anti-asiatique et encourager les victimes à porter plainte, afin d’attirer l’attention des pouvoirs publics. Depuis le début de la pandémie, de nombreuses campagnes ont été visibles sur les réseaux sociaux. Les hashtags #StopAsianHate et #IAmNotaVirus – en France, #JeNeSuisPasUnVirus – sont devenus viraux sur Twitter et Instagram, de même que des slogans comme « Asian is not a virus, racism is » (Être asiatique n’est pas un virus, être raciste si).
Un phénomène qui ne date pourtant pas d’hier
Bien que les évènements d’Atlanta aient terminé d’amener sur le débat public la question du racisme anti-asiatique, la violence dont cette communauté fait l’objet n’a pas attendu le coronavirus pour exister. En 2016, le meurtre de Chaoling Zhang, un Français d’origine chinoise, à Aubervilliers, avait provoqué d’importantes manifestations contre les agressions récurrentes de personnes asiatiques ou d’origine asiatique dans les rues, estimées à une agression tous les deux jours en Ile-de-France.
Derrière ces violences physiques se cachent des violences verbales vécues quotidiennement par la communauté asiatique. « Rouleau de printemps » ou « crâne d’œuf » ne sont qu’un exemple de propos à caractère raciste, justifiés comme étant de l’humour, qui trouvent leur origine dans l’époque coloniale. Si certains clichés comme l’appétence des Asiatiques pour l’informatique ou les sciences peuvent paraitre anodins, il ne faut qu’un pas, et une pandémie, pour qu’ils mettent en danger la vie de ces communautés. Comme le rappelait ainsi la journaliste Linh Lan Dao, lors d’une conférence organisée par Asialyst, sur les ressorts du racisme anti-asiatique en France : « pleins de personnes vont voir, dans les médias, l’association entre le Covid et les Chinois. A force de voir cet amalgame, ils vont l’intégrer et développer une hostilité envers les personnes asiatiques, et c’est là que des personnes se font agresser et tabasser ».