Les populations aborigènes, premiers habitants du pays ont pendant longtemps été victimes de racisme de la part des Australiens : ils n'ont acquis le droit de vote qu'en 1962 et les territoires aborigènes colonisés ne leur ont été rendus qu'en 1976. Si beaucoup pensaient que les aborigènes se sont bien intégrés dans la société australienne, les actes racistes envers ces populations se sont accrus ces derniers mois.
C'est notamment cette semaine que la polémique s'est accrue après qu'un acteur Australien, Bjorn Stewart ait posté une vidéo devenue virale sur les réseaux sociaux. Dans la vidéo, on y voit l'acteur parodier les youteubeuses beauté en donnant des conseils pour se faire la « blackface ». La parodie n'a qu'un seul but : tourner en dérision et interpeller les australiens sur ce « maquillage » qui est en réalité un acte raciste.
La vidéo (à voir ici) reprend tous les codes classiques du tutoriel beauté que l'on peut voit sur Youtube : musique douce, générique girly. Puis la vidéo commence et donne le ton de la parodie « On m'a beaucoup demandé comment faire un blackface et comment ressembler à un aborigène. Donc, aujourd'hui, je vais vous apprendre comment faire un blackface ». L'acteur, lui-même d'origine aborigène, de la tribu des Kaku Yalanji continue sa vidéo en expliquant qu'il faut prendre du cirage et termine en disant « Et ce que nous ne ferons pas avec ce cirage, c'est faire un p*** de blackface, espèce de con ».
Les actes de ce type, les blackfaces sont un phénomène en hausse actuellement, de quoi mettre en colère plusieurs personnalités d'origine aborigène. Bjorn Stewart s'est d'ailleurs exprimé sur se sujet à la BBC en déclarant « Bien que l'acte parte d'une bonne intention, il est profondément lié aux stéréotypes raciaux ». C'est cela qui pose problème : l'acte parait tellement anodin que les australiens en ont oublié sa signification première : raciste ayant pour but de se moquer des aborigènes.
Les cas de blackface ont commencé à être médiatisés après l'Australia Day alors que deux blancs se soient peint le visage en noir pour ressembler à des aborigènes. Déjà, le 30 janvier durant l'Open d'Australie, une fan de Serena Williams a décidé de lui apporter son soutien en se peignant le visage en noir. Acte raciste? Certainement pas, plutôt un acte maladroit de la part de la supportrice.
L'affaire a continué le 20 février lorsque la basketteuse Alice Kunek a posté une photo sur le réseau social Instagram. Voulant imiter le rappeur américain Kanye West, elle a décidé de pousser la ressemblance jusqu'au bout en se mettant de la boue sur le visage. Liz Cambage, sa coéquipière d'origine Nigériane a tweeté "Choquée et perturbée" pour manifester son désaccord avec cette photo. Elle a depuis été retirée de son compte Instagram. Alice Kunek n'a visiblement pas réalisé le caractère raciste de cette photo. Elle s'en est expliquée toujours sur Instagram, en reportant sa photo, sans la boue avec la légende « Je suis désolée que des gens considèrent mon soutien à Kanye comme du racisme. Les gens qui me connaissent savent que je ne juge pas les autres sur leur couleur de peau ».
Bjorn Stewart s'est expliqué sur cette pratique qu'il a vivement condamnée, notamment l'ignorance des blancs à propos de l'origine de le blackface. « Nous somme fatigués des excuses, il n'y a pas d'excuses. Nous somme fatigués que les Blancs nous disent ce qui est offensant et raciste. Un grand nombre d'Australiens ne connaissent pas l'histoire du blackface et ne savent pas qu'il a servi à stigmatiser et ridiculiser un peuple ». En effet, il est important de rappeler que l'usage du blackface vient du 19ème siècle, où les blancs se peignaient la tête en noir pour se moquer des esclaves. Les derniers spectacles en Australie se sont arrêtés il y a seulement une cinquantaine d'années. Jusqu'aux années 1960, les australiens se moquaient ouvertement des aborigènes dans leurs spectacles.
Pour Catriona Elde spécialiste des identités culturelles australiennes à l'université de Sydney, l'ignorance et le racisme ordinaire expliquent ces pratiques. Les australiens blancs pour majorité ne côtoient pas d'aborigènes et ont des familles qui acceptent ce genre d'actes pourtant racistes. Selon Catriona Elde, ceci explique pourquoi certains "résistent et disent qu'ils continueront à faire ces choses... parce qu'ils pensent que c'est inoffensif et amusant"
Simon Arrestat, lepetitjournal.com/sydney, jeudi 03 mars 2016