On s’en plaint souvent, les touristes américains. Ils sont bruyants, se montrent sans gêne et jettent des regards candides et fascinés sur cette vieille Europe qu’ils ne comprennent pas toujours. On les aime, on ne les aime pas, toujours est-il qu’ils étaient 5.6 millions à avoir visité la botte en 2019.
L’Italie, une destination mille et une fois rêvée par les Américains
Ce n’est un secret pour personne, il fait bon vivre en Italie. La gastronomie, les paysages, l’architecture parfois millénaire et sa langue musicale en font l’une des nations les plus visitées d’Europe. En 2017, la terre de Dante et de Pasolini était le 4e pays européen à être choisis comme lieu de villégiature par les touristes étrangers. Les voyageurs états-uniens représentaient alors 3% du tourisme étranger en Italie, derrière L’Allemagne (14,1%), la France et le Royaume-Uni. Ils adorent Venise, vénèrent la Toscane et surtout se recueillent à Rome, où bon nombre des bâtiments de leurs institutions ont trouvé leur inspiration.
L’héritage de l’immigration
De leur paese natale à Ellis Island, nombre d’Italiens ont effectué la grande traversée entre la fin du XIXe et le début du XXe siècle. Conduits par le désir de vivre comme les Irlandais avant eux, le Rêve Américain, mais aussi par la nécessité de voguer loin de la pauvreté, ils furent plus de 4 millions à immigrer du sud de la péninsule et de la Sicile vers les États-Unis, entre 1880 et 1924.
Absorbés puis digérés par l’Amérique, ils ont emporté avec eux un peu de leur Italie natale, l’ont diffusée dans tous les pans de la culture populaire américaine avant de définitivement se fondre dans la masse du peuple états-unien. Aujourd’hui, les Américains d’ascendance italienne sont le 5e groupe ethnique le plus large du pays, et nombreux sont ceux qui chérissent encore cet héritage culturel, et notamment en effectuant un « voyage retour ».
Le romantisme chaleureux de la tablée italienne
Si les Français pensent être les seuls à être dépeint de manière caricaturale dans la culture populaire américaine, sachez que les Italiens sont également victimes de clichés tenaces nés de la rencontre entre Américains et immigrés italiens. Les pâtes, les lasagnes, et bien entendu la pizza comptent parmi les mets préférés des Américains qui vouent un véritable culte à la gastronomie italienne. On ne compte plus les restaurants italiens ayant investi le pays de l’Oncle Sam, au point que certains plats servis et dit italiens ne sont en fait que des versions américanisées de plats italiens, revisités et adoubés par les gourmets locaux.
Dans la télévision et le cinéma Américain, manger français est un marqueur social associé à la bourgeoisie. Pour manger français il faut en avoir les moyens, pour entrer dans un restaurant français, il faut en avoir le « style » au risque de détonner. C’est le romantisme bourgeois, la French Touch et son je ne sais quoi qui plaît tant aux étrangers. En revanche, manger Italien est davantage associé à la classe moyenne, en d’autres termes, c’est accessible. Le design chaleureux des intérieurs des restaurants italo-américains en font les lieux idéaux des premières rencontres ou de celles de la dernière chance.
La Belle et le Clochard de Disney (1955), La Fièvre du samedi Soir de John Badham (1977), À table de Stanley Tucci et Campbell Scott (1996), ou Les Sopranos (1999) sont tout autant de films et de séries américains faisant du restaurant italien un espace de communion amical, familial et romantique. Beaucoup d’Américains en se rendant en Italie souhaite retrouver cette chaleur qu’ils associent à la péninsule, ou du moins à une version plus authentique de ce qui fait partie du paysage culturel hérité des immigrants italiens.
La Mafia et la Toscane salvatrice dans le cinéma italien
Le Parrain (1972), Les Incorruptibles (1987) et Les Affranchis (1990), sont considérés comme des classiques du cinéma américain. Déjà populaires durant la Grande Dépression dans les années 1930, ils ont dans un premier temps été remplacés par les films antinazi de la Deuxième Guerre mondiale, avant de revenir en force dans les années 1950, époque à laquelle ceux que l’on appelait dans le jargon, les « mobsters », ne soient mis sous les feux des projecteurs.
Cristallisant le portrait du gangster Italo-américain se jouant des rouages d’un système déjà corrompu, ces films ont forgé l’image d’une Italie figée dans le temps, dans un passé se situant justement entre la fin des années 1800 et le début des années 1990, période durant laquelle l’immigration italienne fut la plus importante.
Le pourcentage d’Italo-américains impliqués dans des organisations criminelles fut relativement mineur, toutefois, la médiatisation de puissantes figures de la pègre, telles que Lucky Luciano ou John Gotti a contribué à alimenter l’imaginaire culturel de la mafia dans le cinéma américain. Cette vision négative des communautés d’origine italienne a d’ailleurs été vivement critiquée par cette dernière, qui s’est souvent retrouvée piégée dans le cliché du voyou en costume, charmeur, menteur et surtout voleur, comme si le crime était inscrit dans l’ADN des Italiens.
Mais pour les Américains, l’Italie et son peuple ne riment pas uniquement avec crime et corruption. C’est aussi l’amour, le romantisme, la passion salvatrice à l’image de Sous le soleil de Toscane d’Audrey Wells (2003) ou des Lettres à Juliette de Gary Winick (2010). Dans ces films, le voyage en Italie se veut salvateur. C’est à la fois un voyage où l’on découvre l’autre, sa culture et ses traditions et un séjour où l’on se découvre soi-même afin de se construire un avenir meilleur.
Les Américains aiment l’Italie. C’est en quelque sorte leur pays de cœur, un lieu où ils se sentent accueillis avec une bienveillance et une chaleur communicative qu’ils ne retrouvent nulle part ailleurs en Europe.