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Insultes à l’employeur sur les réseaux sociaux : quelles sanctions pour les salariés

Dans l'univers immatériel des réseaux sociaux, le salarié peut-il toujours exercer son droit de critique, même en exprimant des jugements ou des opinions au contenu offensant, à l'encontre de son employeur ou de ses collègues ? Le traitement du salarié « guerrier du clavier » est-il différent selon que les propos soient publiés sur Facebook ou sur une discussion privée sur WhatsApp ? Le salarié qui dénigre son entreprise est-il susceptible d’être licencié ?

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Écrit par Lia Meroni
Publié le 17 juin 2024

A noter, selon le caractère « ouvert » ou « fermé » des réseaux sociaux où le salarié publie ses messages à contenu offensant, le licenciement est légitime et dans l’autre illégitime.


Le salarié peut-il critiquer son employeur ? Oui, mais dans certaines limites…

Il faut tout d’abord préciser que le droit de critique se traduit par l'expression d'un jugement ou d'une opinion qui, en tant que tel, ne peut être strictement objectif.

Il s’agit d’un droit consacré au niveau constitutionnel, plus précisément à l’Article 21 de la Constitution italienne, qui reconnaît à chacun le droit d'exprimer librement sa pensée par la parole, l'écrit ou tout autre moyen de diffusion.

Faisant référence à la relation de travail, ce droit reçoit également une protection particulière par le Statut des travailleurs, qui, à l’Article 1, consacre le droit des salariés, dans les lieux où ils travaillent, de manifester librement leur pensée, dans le respect des principes de la Constitution.

Bien que consacré au niveau constitutionnel, le droit de critique doit nécessairement se coordonner avec d’autres intérêts dignes d’une égale protection constitutionnelle, par exemple la protection de la personne humaine, sa dignité et sa réputation.

Il est donc évident que le salarié ne peut pas exercer le droit de critique à l’égard de son employeur ou de son lieu de travail de manière libre et absolue, mais il doit respecter certaines limites, qui sont représentées, en plus des intérêts constitutionnels susmentionnés, par le devoir de loyauté, consacré à l’Article 2105 du code civil italien et les principes généraux d'équité et de bonne foi dans l'exécution de la relation de travail.

À cet égard, la jurisprudence a bien spécifié les limites au droit de critique de la part du salarié, en prévoyant que « l'exercice du droit de critique dans le cadre de la relation de travail est soumis aux mêmes limites que celles généralement prévues pour la libre expression de la pensée : la continence formelle (la critique doit être mesurée et civilisée) et la continence matérielle (c'est-à-dire la véracité des propos, bien que sous le paramètre subjectif - et réaliste - de la vérité perçue et non de la vérité absolue). Ces limites doivent être appréciées de manière appropriée, même lorsque la critique est formulée dans le cadre d'une action syndicale » (Cour de cassation, chambre sociale, arrêt du 10 juillet 2018, n. 18176).

Facebook et Whatsapp : le caractère « ouvert » ou « fermé » des réseaux sociaux entraîne des conséquences différentes

Si le salarié publie un message au contenu « fort » ou « coloré » (dans le sens de « offensant » ou « dénigrant ») contre son employeur, ses collègues ou son lieu de travail, il faut bien regarder le « lieu virtuel » où le message a été publié (par exemple, Facebook ou un chat privé sur Whatsapp entre collègues).

Il est évident que si le message « fort » ou « coloré » est publié sur Facebook (qu’on pourrait définir comme un social network « ouvert »), il peut être lu par un nombre potentiellement illimité de personnes. Si, en revanche, le message « fort » à l’égard de l’employeur est publié sur un chat « réservé » de collègues (qu’on pourrait définir comme un social network « fermé »), il peut être lu par un groupe restreint de personnes.

On peut donc facilement comprendre que le bien juridique de la réputation de l’employeur est entachée de manière différente.

En fait, si le message offensant ou dénigrant contre l’employeur est publié sur un lieu virtuel « ouvert » (comme Facebook), alors le bien juridique de la réputation de ce dernier est fortement entachée, en considération du fait qu’elle est exposée à l’opinion d’un nombre illimité de personnes.

Par conséquence, la publication d’un message offensant ou dénigrant sur Facebook peut légitimer le licenciement pour faute grave du salarié.

En revanche, si le message offensant ou dénigrant contre l’employeur est publié sur un lieu virtuel « fermé », dans le sens où il est accessible à un groupe restreint de personnes (comme un chat privé sur Whatsapp), alors le bien juridique de la réputation de l’employeur est entachée de manière plus légère par rapport à la première hypothèse. En fait, le caractère « fermé » du chat Whatsapp permet de faire rentrer le message dans le cadre du droit à la correspondance, dont la liberté et le secret sont inviolables, au sens de l’Article 15 de la Constitution italienne.

Par conséquent, la publication d’un message ou d’un commentaire offensant ou dénigrant sur un chat privé et réservé sur WhatsApp peut n’avoir pas un poids disciplinaire et donc ne pas légitimer aucune sanction.

Cette distinction entre le caractère « ouvert » et « fermé » des réseaux sociaux a été consacrée par un arrêt du Tribunal de Florence du 16 octobre 2019, qui s’est prononcé sur l’illégitimité du licenciement imposé par l’entreprise à la salariée, qui avait enregistré et envoyé sur un chat privé sur Whatsapp, dénommé « Collègues de travail » une série de messages au contenu offensant, dénigrant, menaçant et raciste, adressés à son employeur et supérieurs hiérarchiques.

De la même manière, en se prononçant sur les légendes au contenu extrêmement vulgaire qui accompagnaient des photos de l'entreprise publiées sur Facebook per le salarié (« comment on travaille à l’entreprise XXX, entreprise de m*** »), le Tribunal de Milan a jugé légitime le licenciement pour faute grave imposé à ce dernier, en reconnaissant le caractère injurieux  - et pas simplement inélégant ou incommode -  des légendes, qui étaient susceptibles de porter atteinte à l'image de l'entreprise (Tribunal de Milan, chambre sociale, arrêt du 1° août 2014).

Le fait que le salarié se soit justifié en disant qu'il était « nerveux » et qu'il avait écrit sur Facebook une « chose stupide, une blague » n'a pas suffisamment convaincu le Juge du Travail, qui a estimé qu'il était impossible de considérer le comportement du salarié comme une réaction purement émotionnelle ne constituant pas une atteinte grave à la dignité de l’employeur, étant donné qu'aucun incident particulier, aucun motif particulier de tension qui aurait pu justifier la réaction du salarié ou atténuer la gravité de l'épisode, n'avait été joint ou déduit.

Salarié licencié pour avoir dénigré l’entreprise sur Facebook après la réintégration : un arrêt récent de la Cour de cassation du 17 mai 2024

Par son arrêt du 17 mai 2024, la Cour de cassation a affirmé de manière très claire que le post au contenu vulgaire publié sur Facebook à l’égard de l’employeur par le salarié, après sa réintégration dans son poste de travail et avant la reprise de l’activité professionnelle, constitue un motif légitime du licenciement pour faute grave.

La Cour de cassation a considéré que « la relation de travail est rétablie à la suite de l'ordonnance de réintégration dans le poste de travail, qui réactive les obligations restées en suspens à la suite du licenciement illégitime du salarié », avec pour conséquence qu'un acte fautif commis dans le laps de temps qui s'écoule entre la lecture de l'ordre de réintégration et la reprise effective du travail doit être apprécié d'un point de vue disciplinaire.

En considération du caractère ouvert de Facebook, du nombre indéterminé de personnes susceptible de lire le post et de l’atteinte à la réputation de l’employeur et à l’image de l’entreprise, le licenciement a été jugé comme parfaitement légitime, même s’il s’agissait du deuxième licenciement.

Mais qu’en est-il de l’usage des émoticônes de la part du salarié sur le chat WhatsApp, qui, en cas de contentieux, peut rendre particulièrement difficile l'interprétation du « ton » des messages offensifs ou dénigrants adressés à l'employeur ?

Le Tribunal de Parme a considéré illégitime le licenciement pour faute grave imposé à la salariée qui, dans le chat WhatsApp entre collègues, avait fait des commentaires négatifs à l’égard de son employeur, dont certains étaient assez lourds, mais ils étaient entrecoupés d'émoticônes qui rendaient les insultes “plus moqueuses qu'offensantes” (Tribunal de Parme, arrêt du 7 janvier 2019, n. 237).

Le Tribunal de Parme a affirmé que “Il ne fait aucun doute que les commentaires sont exprimés sur un ton coloré qui témoigne d'une rancœur et d'un manque d'estime à l'égard de l'employeur, mais ils semblent s'inscrire dans le cadre du droit de critique”.

Dans cet arrêt il est particulièrement intéressant de voir comment les émoticônes (en particulier les “smileys”) ont complètement changé l’issue de l’audience et ont sauvé la salariée, car ils auraient atténué le caractère offensant des messages, échangés entre un nombre restreint de collègues.

De la même manière, le Tribunal de Rome a jugé que les “smileys” (ou des émoticônes affectueux) que la salariée avait échangé avec son employeur et ses collègues sur le chat WhatsApp ne permettaient pas de constater une condition de sujétion psychologique et de malaise, mais au contraire une relation de familiarité et de courtoisie entre ces derniers.

 

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