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Société - L’affaire Yara ranime les cauchemars italiens

Écrit par Lepetitjournal Rome
Publié le 13 décembre 2010, mis à jour le 14 novembre 2012

 

Yara Gambirasio a disparu, tout comme Sarah Scazzi était introuvable avant que l'on apprenne son assassinat. Dès lors, toute l'Italie se met à fantasmer sur un crime horrible, une histoire sordide, et les hypothèses se succèdent en cascade. Mais les dérapages des médias italiens semblent avoir fait jurisprudence. Le déballage public a laissé place à une enquête moins houleuse

(source:wikimedia)
En ce 26 novembre 2010, près de deux mois après la terrible révélation du meurtre de Sarah Scazzi en direct à la télévision, un nouvel enlèvement est annoncé. Une jeune fille, Yara Gambirasio, est portée disparue par sa famille. Vue pour la dernière fois une salle de sport distante de quelques centaines de mètres de son domicile, elle n'a plus donné de nouvelles depuis. Les journaux s'emparent du sujet et c'est toute l'Italie qui replonge dans le cauchemar. Chaque média va alors faire des hypothèses pour passionner une Italie adepte des enquêtes policières transformées en séries télévisées. Pourtant, malgré les audiences record de ces talk shows, ce sont bien les dérives de l'information qui sont remises en question. Les réalisateurs de l'émission qui a révélé le meurtre, ainsi que sa présentatrice, ont focalisé la majeure partie des critiques. Mais c'est bien tout le paysage audiovisuel italien qui semble avoir changé de comportement.  

Le rôle des médias pointé du doigt

La mise en scène des révélations par une télé réalité en direct, "Chi l'ha visto", en présence de la mère de la victime avait indigné bon nombre de personnes. Mais c'est aussi le siège des médias devant le domicile des parents, de l'oncle et de la cousine présumée coupable, qui ont interpellé. Chaque mouvement et chaque parole devaient être enregistrés pour nourrir le feuilleton quotidien d'un drame désormais public. Malgré les critiques à l'encontre de la présentatrice Federica Sciarelli et de ses réalisateurs, ces dérapages n'ont pas cessé tout au long de l'enquête.

Dans l'enlèvement de Yara, disparue depuis plus de deux semaines, les choses se passent différemment. La famille a demandé le silence et du respect qu'il lui sont dûs dans ces moments difficiles. Même si la télévision italienne ne peut s'empêcher d'essayer de résoudre l'enquête par elle-même, point de harcèlement et plus de prudence cette fois. On en appelle désormais à la justice, qui doit faire son travail dans le calme et la sérénité.

L'émission populaire de seconde partie de soirée, "Porta a Porta" reflète bien cette tendance. Cette émission examine la politique et l'actualité à travers le regard d'invités, et peut être considérée comme un reflet réaliste de la société italienne. Alors que l'actualité nationale évoque jour après jour l'évolution de l'affaire Yara, le présentateur reste plutôt discret sur ce sujet. Peu d'émissions sont consacrées à la jeune fille ou à l'élucidation de son crime, ce qui prouve que certains médias ont pris un peu de recul. 

La pression sur la police
Privés de scoop, sans images ni déclarations de la famille, les médias s'en remettent donc à la police. La seule source d'information vient des communiqués sur l'avancée des recherches. Mais comme l'enquête piétine, la police se doit de fournir un minimum d'informations. A la moindre piste révélée, la presse enquête sans s'assurer en amont de sa véracité. Un jeune Marocain a ainsi été inculpé alors qu'il s'agissait d'une erreur de traduction. Une veste noire retrouvée pourrait être celle de Yara, mais on s'aperçoit qu'elle est bien trop grande pour la jeune fille. C'est le crime parfait qui semble avoir été commis, si bien que les médias considèrent déjà Yara comme victime d'un homicide. Les derniers faits divers ont démontré que la frontière entre la fiction et la réalité a été déplacée. Dans ce show où la victime n'est qu'un prétexte pour faire de l'audience, c'est le respect pour la vie humaine qui a disparu. La souffrance des hommes est devenue un spectacle pervers où le voyeurisme a pris la place de la pitié et de la compassion, du latin cum patior, souffrir avec.

Jean-Marie Cornuaille. (www.lepetitjournal.com/rome.html) lundi 13 décembre 2010

lepetitjournal.com rome
Publié le 13 décembre 2010, mis à jour le 14 novembre 2012

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