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SECURITE – Rome est-elle une ville dangereuse ?

Écrit par Lepetitjournal Rome
Publié le 1 janvier 1970, mis à jour le 5 janvier 2018

Depuis quelques mois, Rome n'est pas épargnée par la violence et le crime, faisant régner sur la ville une atmosphère d'insécurité permanente. Dans ces conditions, vivre à Rome est-il dangereux ? Les autorités sont-elles efficaces et que faut-il craindre vraiment ? LePetitJournal.com de Rome a enquêté pour vous

En Italie comme ailleurs, la sécurité est un point qui attire l'attention de tous les citoyens alors que dans les grandes villes, la lutte contre le crime et les violences est en tête de liste des promesses politiques. L'argument est d'autant plus valable pour des étrangers qui débarquent dans un environnement dont ils ont tout à apprendre. Pourtant, Rome a laissé transparaître un certain laxisme alors que la violence s'est révélée au grand jour ces derniers mois. La ville est peut-être plus exposée que les autres, eu égard à la présence des ministères de l'Etat italien mais aussi des mannes financières que rapporte le tourisme.

Black Blocs en manifestation (Source : wikimedia)

Qui n'a jamais entendu le discours classique de l'insécurité à Rome ? Au centre-ville, dans les transports en commun ou même dans les bars et restaurants, il est plutôt conseillé d'être attentif à ses biens personnels. Le portrait est pourtant plus nuancé que celui brossé par ces on-dit quand on s'adresse à un Romain. Lorenzo, étudiant qui fréquente les endroits branchés de la capitale est sans équivoque à ce sujet "Dans le centre, on remarque que la police est souvent présente et à toute heure. L'interdiction de consommer de l'alcool sur la voie publique est même plutôt bien respectée. Je ne me sens pas du tout en insécurité" déclare-t-il. S'il convient de rester vigilent, il est quand même rare que des vols ou des violences aient lieu sans raisons, surtout dans les zones les plus fréquentées de la capitale.

Tensions sociales sur fond de crise

 

Cela n'a échappé à personne, l'Italie vit une époque austère et le pouvoir d'achat de millions de familles modestes est directement atteint. Dans cette conjoncture, les tensions sociales peuvent à tout moment créer des remous comme ceux du 16 octobre dernier. Des Black Blocs, appellation donnée aux radicaux qui utilisent volontiers la force pour revendiquer leur désapprobation envers le capitalisme, se sont déchaînés Via del Corso. Les vitrines des magasins ont été brisées, les voitures incendiées et la chaussée s'est transformée en un amas de déchets sous les yeux de riverains estomaqués. "On se serait cru dans une scène de guerre" raconte une mère de famille.

Les Black Blocs de Rome   

Si regrettables soient ces actions, les Black Blocs n'attaquent généralement que les symboles d'un capitalisme responsable des crises actuelles et donc en premier lieu les banques et grandes chaînes commerciales. Si les affrontements avec la police ont parfois été très musclés, aucun civil n'a été touché, ni même visé, par ces saccages. Même chose le 14 décembre 2010, quand des manifestants avaient incendié des voitures en apprenant que Berlusconi avait recueilli la confiance du Parlement. Ces heurts sont généralement très ciblés et il suffit alors de se tenir éloigné du convoi des manifestants et d'éviter les lieux sensibles, comme les abords du Parlement et des ministères, lorsque sont annoncés ces grands mouvements, pour ne courir aucun risque.

Le fléau du crime organisé ?

 

Rome a connu des heures sombres, celles des "années de plomb", durant lesquelles les crimes étaient monnaie courante entre la gauche radicale et l'extrême droite. Dans les années 1980, la "Bande Magliana", très liée à la mafia italienne et à l'extrême droite, régnait sur la ville par son pouvoir et sa corruption. En retrait depuis une vingtaine d'années, deux homicides découverts il y a quelques jours à Ostie seraient l'?uvre de cette bande organisée, selon les dires de la police. Pour tenter de connaître cette organisation, le film italien à succès Romanzo Criminale, sorti en 2006 dans les salles françaises, vous brossera un portrait fidèle et très détaillé de la réalité du crime organisé romain. Ces deux homicides posent tout de même quelques questions sur l'action de la municipalité actuelle.

Scène du Film Romanzo Criminale (Source Wikimedia)

Evidemment, c'est l'opposition au maire de Rome, membre du Peuple de la Liberté de Berlusconi, qui tire à boulet rouge sur l'attentisme des autorités en place. Vannino Chiti, vice-président du Sénat italien et membre du Parti Démocrate dénonçait dans les journaux italiens "l'infiltration mafieuse sous-évaluée" ainsi que "la radicalisation du crime organisée ces dernières années à Rome". Les rapports des juges antimafia indiquent en effet que la mafia, en premier lieu la ?Ndrangheta calabraise, est très présente dans la banlieue romaine. Elle a accaparé des profits énormes grâce à l'immobilier, le commerce et les finances en faisant pression sur les pouvoirs politiques en place dans la capitale italienne, sans que personne ne s'en rende compte. La révélation de ces rapports et les deux homicides ont donc tiré la sonnette d'alarme.

Des mesures suffisantes ?

Invité à réagir, le maire de Rome Giovanni Alemanno, n'a pas manqué de s'emparer du sujet pour rassurer sa population. Réelle intention politique ou simple effet d'annonce, l'ancien membre du Mouvement Social Italien s'est en tout cas rendu au ministère de l'Intérieur dès la nomination d'Anna Maria Cancelleri par Mario Monti pour s'entretenir avec elle à ce sujet. Le maire de Rome en est ressorti satisfait et a déclaré qu'il avait obtenu "plus d'hommes et de moyens" dans la lutte pour la sécurité. Il a aussi annoncé vouloir combattre le "pizzo", somme réclamée à tout commerçant par la mafia pour obtenir sa protection.

Gianni Alemanno, maire de Rome (Source : Wikimedia)

Il a souvent été reproché à ce disciple de Berlusconi de privilégier les quartiers cossus et touristiques de la ville, au détriment des faubourgs laissés pour compte. Dans le centre-ville, la police assure sa mission sans fausses notes. L'image du 16 octobre dernier, quand la police s'est opposée aux Black Blocs pour protéger les commerçants reste dans les mémoires comme le confirme un riverain "ils sont intervenus au bon moment, sans violence et avec courage. Ils ont montré qu'ils sont clairement du côté de la population". Malgré cela, il s'avère que seuls les Carabiniers sont vraiment respectés. Pour Mario, militaire de carrière, il n'y a aucun doute à ce sujet "le costume fait vraiment la différence. Un Carabinier qui se promène attire tous les regards sur lui". Pourtant, la police italienne et romaine est impuissante face à la corruption, au développement du marché noir et au pouvoir de la mafia qui n'a jamais été aussi riche. Peu nombreux sont ceux à croire en son efficacité et même pour certains en sa bonne foi. Si l'image d'une Rome sûre et sans danger en pâtit, la capitale reste néanmoins une ville tranquille si on prend soin de s'occuper de ses affaires et si l'on évite les situations "étranges" qu'elles soient professionnelles ou relationnelles.

Jean-Marie Cornuaille (www.lepetitjournal.com/Rome.html) Lundi 5 décembre 2011

 

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Publié le 5 décembre 2011, mis à jour le 5 janvier 2018
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