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« Ritratto di una vita », Annie Ernaux dans les yeux de Sara Durantini

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Écrit par Anaïs Lucien-Belliard
Publié le 20 décembre 2022, mis à jour le 20 décembre 2022

Vendredi 11 novembre, la romancière Sara Durantini était à Rome pour présenter Annie Ernaux, Ritratto di una vita (Portrait d’une vie). Publié chez Dei Merangoli Editrice, il s’agit de la première biographie en langue italienne revenant sur le parcours et la vie de la Prix Nobel de littérature 2022. Illustrée de superbes aquarelles bleues qui s’égrènent parmi les pages, ce récit romanesque se conclut par un émouvant entretien entre les deux femmes, au domicile de l’écrivaine française. Dans un entretien accordé à Lepetitjournal.com, Sara Durantini évoque la genèse de son projet et son rapport à l’œuvre d’Annie Ernaux.

 

Il y a un peu plus d’un an, Audrey Diwan était à Rome pour la Première romaine de L’Evènement, poignante adaptation du roman d’Annie Ernaux et vainqueur du Lion d’Or à la Mostra de Venise. Pour beaucoup, et notamment les plus jeunes, ce film fut l’occasion de redécouvrir l’œuvre de la célèbre femme de lettres française. Intemporelle et engagée, l’écriture d’Annie Ernaux magnifie par sa précision la condition féminine ; elle trouble par son réalisme et bouleverse pas sa force et sa beauté.
Le Ritratto di una vita de Sara Durantini dévoile dans un style romanesque les grands moments qui ont traversé la vie d’Annie Ernaux. C’est la découverte d’une sœur morte et inconnue, l’inéluctable désagrègement d’une relation mère-fille, les premiers flirts, une première fois douloureuse, en soi la fin de l’enfance et l’entrée dans le monde adulte et les défis de l’être féminin. Ce sont des instants beaux, cruels parfois et toujours intenses dans leur mise en scène. Revenant sur son propre rapport à la littérature, mis en perspective avec celui d’Ernaux, Durantini nous parle de l’écriture comme d’un devoir mené par l’ « urgence » et la « nécessité » de raconter ce qui doit être lu, entendu et partagé.

L’écriture féminine, une révélation et des perspectives

La biographie de Sara Durantini débute avec un souvenir personnel, la réminiscence d’un cadeau d’adieu qui selon ses mots devait laisser en elle une « marque indélébile » qui ne devait plus « jamais la quitter » : Je ne suis pas sortie de ma nuit (Gallimard, 1997). À l’époque où elle reçoit ce roman, Durantini n’a qu’une vingtaine d’années, elle est étudiante et commence tout juste à se familiariser avec l’écriture féminine. C’est son premier « Ernaux » et c’est une révélation née du désir de transmission qu’elle partageait avec sa professeure de littérature française, qui lui fit ce présent littéraire et qui comme elle l’explique, participa à « sa formation en tant que femme et écrivaine [...], lui ouvrant de ce fait, les portes de l’autobiographie féminine. »
La romancière italienne entretient une relation très personnelle avec l’œuvre de son aînée. Au-delà de la proximité littéraire et de l’engagement pour la cause féminine qui les unie, il y a dans leur histoire et parcours de nombreuses similitudes. « Je connais le milieu ouvrier et paysan, je suis née et j'ai grandi dans ce milieu », explique Durantini, avant d’ajouter : « Je connais les réalités des petites villes de province ainsi que le sentiment de honte, la peur pour son corps qui doit rester intact et « propre » surtout pour une femme. »

Raconter la vie d’une femme dont l’œuvre est déjà en partie autobiographique

Ritratto di una vita porte en lui la même fibre de l’œuvre d’Annie Ernaux. Sara Durantini nous y déroule la vie d’une Annie qui tout en nous étant familière, en raison de ses nombreux ouvrages à caractère autobiographique, nous demeure malgré tout inaccessible. Imaginant avec « une certaine distance » comme elle l’affirme, les évènements qui ont traversé la vie mouvementée de l’écrivaine française, l’auteure nous offre un angle de vue original qui respecte « la manière dont ils ont été vécus et se sont déroulés. »

« Prenez et lisez car ceci est mon corps et mon sang qui sera versé pour vous »

Dans son « portrait d’une vie », Sara Durantini peint avec beaucoup d’intelligence et d’émotion le lien très charnel qui accompagne les différentes étapes de la vie littéraire d’Annie Ernaux ainsi que sa capacité à narrer « une expérience féminine individuelle et collective. » Pour elle, Ernaux est « un corps littéraire qui a fait de l’écriture sa vie et de sa vie l’écriture » comme en témoigne cette célèbre citation issue du roman La Honte (1997) et que l’on retrouve dans Ritratto di una vita : « prenez et lisez car ceci est mon corps et mon sang qui sera versé pour vous. »

Annie Ernaux, un cadeau précieux et un héritage son frontière

Pour Sara Durantini, les livres d’Annie Ernaux « sont l’un des plus grands legs qu’un écrivain puisse faire à l’humanité, un acte de foi ». Pourtant, en réalisant cette première biographie italophone, c’est la romancière italienne elle-même qui manifeste sa foi et son désir de voir cet héritage transmis et partagé aux générations futures. Un cadeau français en italien qui célèbre l’œuvre de la Prix Nobel de littérature 2022, Annie Ernaux.

 

Anaïs Lucien-Belliard
Publié le 20 décembre 2022, mis à jour le 20 décembre 2022

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