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PHILIPPE ZELLER - Nouvel ambassadeur de France auprès du Saint Siège

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Écrit par Lepetitjournal Rome
Publié le 1 janvier 1970, mis à jour le 30 septembre 2016

Le nouvel ambassadeur de France auprès du Vatican, Philippe Zeller, a pris ses fonctions le 1er juin dernier. Pour le petitjournal.com, il revient sur son parcours de haut fonctionnaire de la République, il précise les différentes missions de l'Ambassade de France auprès du Saint Siège, et il nous parle des événements récents qui ont marqué l'actualité.

 

LePetitJournal.com Rome : Pour commencer, pouvez-vous nous présenter votre parcours ?

Philippe Zeller : Je suis né à Lyon où je suis resté jusqu'au lycée, puis j'ai été admis à HEC à Jouy en Josas, avant de passer ensuite le concours d'entrée à l'Ecole Nationale d'Administration. C'est un parcours universitaire similaire à celui qu'avait suivi le Président Hollande (HEC, ENA), mais nous n'étions pas dans les mêmes promotions. 

Ainsi à ma sortie de l'ENA en 1978, promotion Pierre Mendes France, j'ai privilégié le Ministère des Affaires Etrangères, avec la possibilité de servir à l'étranger.

J'ai donc alterné au cours de ma carrière 3 types de fonctions :

- Au sein du Ministère, j'ai exercé des fonctions de gestion, comme celle de responsable des affaires budgétaires et financières, ou de directeur de l'administration. Il faut savoir qu'aujourd'hui, 14 000 personnes travaillent au Ministère, dont 4 000 diplomates. Ce chiffre s'élevait à 25 000 avant les mesures de restriction qu'a connues la Fonction Publique d'Etat depuis une vingtaine d'années.

- J'ai servi plusieurs fois à l'étranger, d'abord aux Seychelles en 1984, où j'étais chargé de notre coopération bilatérale avec ce pays, puis j'ai été numéro 3 de notre ambassade à Rabat jusqu'en 1988. Plus tard, en 2004, j'ai été ambassadeur de la France en Hongrie, puis en Indonésie et au Timor Leste, puis au Canada que j'ai quitté début 2015.

- En France, j'ai également exercé la fonction de conseiller diplomatique du Ministre de la Recherche et de la Technologie, Hubert Curien, ce qui m'a fait découvrir le monde scientifique. J'ai également une expérience originale, celle d'avoir été Préfet de l'Ariège, avant 45 ans. En effet, un échange est possible entre les corps diplomatique et préfectoral. Par ailleurs, j'ai aussi été chargé de mission sur l'adoption internationale, et j'ai participé à la préparation de la COP 21, en étant plus particulièrement en charge de l'Asie.
 

LPJR : Vous avez donc un parcours très diversifié ?

PZ : Oui, il existe des passerelles, et j'ai donc à présent 41 ans de fonction publique ! 
 

LPJR : Pouvez-vous rappeler les principales missions de l'Ambassade de France au Vatican ?

J'ai coutume de dire qu'il y a 4 grands piliers :

1. Le premier bien sûr est la représentation de la République Française auprès du Saint Siège. Il s'agit de la plus ancienne ambassade de France ! Elle date de François 1er, même s'il y a eu une interruption entre 1904 et le lendemain de la première Guerre Mondiale (avant les accords du Latran). 

Le Saint Siège est une institution universelle mais aussi un Etat reconnu sur la scène internationale, 180 Etats sur 200 ont développé des relations diplomatiques avec le Vatican. Réciproquement, un nonce apostolique représente le Saint Siège auprès de la République française.

Cette fonction couvre de nombreuses activités : la présence aux occasions publiques comme hier soir, le 200ème anniversaire de la gendarmerie vaticane, ou récemment la canonisation de Mère Teresa. J'ai également la responsabilité d'organiser des visites auprès du Saint Siège : par exemple quand le Président de la République a téléphoné au Pape François juste après l'assassinat du Père Hamel, puis a émis le souhait de rencontrer le Saint Père. Il s'agit du coeur du métier d'Ambassadeur, préparer cette visite tant sur la forme que sur le fond. Pareillement, si le Pape envisage un voyage officiel en France, l'ambassadeur s'occupera du programme officiel de la République. La semaine prochaine, nous attendons la visite d'une vingtaine de députés de l'Assemblée Nationale.

J'ai également la responsabilité d'expliquer aux autorités françaises le fonctionnement du Saint Siège et d'assurer une synthèse des propos du Pape - à la fois sous l'angle pastoral (nous avons un prêtre à l'Ambassade) et sur les aspects pouvant avoir des conséquences sur le fonctionnement de la société.  Il ne s'agit pas de juger mais de faire connaître les positions et d'analyser les écarts; un exemple, sur le sujet des migrations internationales, décrypter les gestes du souverain pontife en regard de la réalité politique publique. Inversement, j'explique aux autorités du Saint Siège la position de la France en Ukraine, en Afrique, les relations avec l'Islam, ? les sujets étant souvent liés aux déplacements du Pape.
 

2) Le 2ème pilier est celui d'observateur de la vie de l'institution religieuse à Rome, expliquer à Paris les grandes orientations du Pontificat.
Le Pape François a en effet un style très différent de son prédécesseur qui était très théologien, François est le Pape des périphéries, de la pauvreté, des migrants. Il n'est pas inutile de rendre compte de certaines évolutions doctrinales de l'Eglise, par exemple l'exhortation Amoris Laetitia, quand le Pape rappelle des positions ou bien les fait évoluer. D'autre part, Rome est une ville qui accueille le monde religieux, on y trouve de nombreux ordres, des universités, c'est une plateforme d'idées religieuses, philosophiques, morales, et un lieu d'échange également inter-religieux.
 

3) Le pilier suivant est l'animation du Centre Saint Louis des Français.
Jacques Maritain, un de mes prédécesseurs, philosophe catholique, a jugé utile en 1945-1946 de doter l'Ambassade d'un centre de réflexion qui traite des affaires religieuses. Ce centre fut transformé en centre culturel, mais il est resté sous la responsabilité de l'Ambassadeur auprès du Saint Siège. Ses activités sont d'abord l'enseignement de la langue française (5 000 personnes suivent les cours), l'animation culturelle via des conférences, la médiathèque? Environ un quart des activités sont liées à la religion.
 

4) Enfin le dernier pilier est la gestion des Pieux Etablissements.
Ceux-ci sont les héritiers de l'histoire française et d'une tradition : celle d'accueillir les pèlerins français. A l'époque, ces hospices leur permettaient de se remettre d'aplomb suite à un voyage éprouvant. Ces hospices ont souvent fait l'objet de dons soit par nos rois eux-mêmes, soit par des pèlerins aisés. Petit à petit, un capital de lieux, bâtiments, d'argent, a été constitué et transmis, formant une entité qui gère un patrimoine immobilier et qui génère des recettes. Cet argent sert à l'entretien de nos 5 églises, et à une action sociale afin de garder l'esprit de cet héritage. Il s'agit de continuer à accueillir les Français en pèlerinage, avec une fonction d'hôtellerie par exemple à la Trinité des Monts, une fonction d'entretien pour rendre les lieux de culte facilement accessibles. En revanche, le rôle des Pieux Etablissements n'est pas d'animer ces lieux religieusement - ceci est réalisé par des congrégations religieuses, comme par exemple la Trinité des Monts qui vient d'être confiée à la Communauté de l'Emmanuel, très active.

Cette dernière fonction est assez originale, placée sous le présidence de l'Ambassadeur, avec un conseil d'administration composé à la fois de religieux et de laïques, qui fonctionne comme une petite entreprise.
 

Villa Bonaparte Rome

La Villa Bonaparte, siège de l'Ambassade de France près le Saint Siège

 

LPJR : L'actualité est riche, le Président de la République s'est rendu auprès du Pape François 3 semaines après l'assassinat du Père Jacques Hamel , le Pape François reçoit les familles des victimes de l'attentat de Nice ce samedi dans le cadre d'une audience privée ?

PZ : Les circonstances ont fait que le Président de la République a jugé opportun de rencontrer le Pape François, il était important que le Président donne sa vision au Pape, explique notamment les mesures de sécurité à l'entrée et à la sortie des églises en France. Mgr Lebrun, archevêque de Rouen, reçu par le Pape, a évoqué le fait que l'assassinat du Père Hamel a déclenché des gestes, des initiatives, une prise de conscience que, dans notre société, le fondement religieux est toujours là, sous l'angle de la fraternité. C'est aussi dans cet esprit de fraternité que le Pape a décidé de recevoir familles et victimes de l'attentat de Nice, à sa propre initiative. Il s'agit là du volet pastoral dont nous parlions précédemment, et non du volet diplomatique.
De même, lors des canonisations, le Pape n'invite pas officiellement les représentants des pays des futurs Saints, car il s'agit d'événements religieux, universels, auxquels tout le monde catholique est invité. Le 16 octobre verra la canonisation de 7 nouveaux Saints, dont 2 Français, une victime de la Terreur en 1792, et une religieuse Carmélite de Dijon, à noter aussi, le premier Saint argentin ! La tradition est bien sûr d'assister à de tels événements, notamment un membre du gouvernement - souvent le Ministre de l'Intérieur, qui est aussi Ministre des Cultes - pour rappeler que la République s'engage à ce que les citoyens puissent pratiquer leur religion.

 

LPJR : Coté calendrier, ce dernier trimestre 2016 verra la fin du Jubilé de la Miséricorde. Quel premier bilan peut-on en tirer ?

PZ : Il y aura effectivement le Jubilé des sans-abri du 11 au 13 novembre, quelques milliers de sans-abri vont venir à Rome et seront reçus par le Saint Père. Il s'agit du coeur de cible de l'action du Pape François. De notre côté, nous aurons la visite d'environ 200 élus locaux de la province écclésiastique de Lyon, en pèlerinage. Pendant toute cette année de jubilé, nous avons reçu beaucoup de missions, des nouveaux évêques en formation. Il y a déjà eu plus de 15 millions de personnes pour ce jubilé. La Miséricorde va marquer le Pontificat. Les messages seront-ils écoutés ? On ne peut en tout cas nier l'influence des discours et homélies du Pape sur la résolution de certains conflits, comme en Colombie ou en Centrafrique.

  

LPJR : Autre sujet, le « biopic » Le Pape François de Beda Docampo Feijóo sort sur les écrans français le 28 septembre. L'avez-vous vu et qu'en avez-vous pensé ?

PZ : Non, je ne l'ai pas vu, mais il est vrai que le Pape François est un Pape très particulier. Le Vatican est un tout petit dispositif, le Pape a quelques collaborateurs directs, et chaque Pape a une forte personnalité ? Le Pape François a une très grande popularité en Europe occidentale.

 

LPJR : Un mot pour la communauté française à Rome et en Italie ? 

PZ : Ma fonction est particulière car je n'exerce pas de responsabilité consulaire. Je porte un regard professionnel sur cette communauté française : comment est-elle engagée dans la vie culturelle, politique ? je rencontre volontiers les élus eux-mêmes. J'ai deux préoccupations qui me tiennent à coeur : comment joue la solidarité (associations, chambre de commerce ?) surtout dans les grandes villes, et comment les Français exercent-ils leurs droits ? Pour nous diplomates, il est toujours important que les Français aillent voter lors des élections.

Enfin j'ajouterai à nos compatriotes qu'ils vivent dans un pays merveilleux, entourés d'art au sens large du terme, dans un pays avec lequel nous devons partager beaucoup, un des pays fondateurs de l'Europe.

 

Crédit Photo : Ambassade de France près le Saint-Siège

Propos recueillis par Anne Debaillon-Vesque (Lepetitjournal.com de Rome) - Lundi 26 septembre 2016.

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Publié le 25 septembre 2016, mis à jour le 30 septembre 2016
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