Édition internationale

SACRO GRA - Voyage sur le bitume du périphérique romain

Écrit par Lepetitjournal Rome
Publié le 1 janvier 1970, mis à jour le 12 septembre 2013

Le documentaire de Gianfranco Rosi, Sacro GRA, a créé la surprise à la Mostra de Venise en remportant le Lion d'Or tant désiré des cinéastes. Une récompense bien méritée pour celui qui lève le voile avec poésie et engagement sur la vie des "Invisibles" de la Capitale italienne. Ceux qui vivent autour de la rocade romaine, le "Grande Raccordo Annulare".

L'inattendu Italien
"Je dédie cette récompense à tous les personnages du film qui m'ont laissé entrer dans leur vie avec une grande générosité". Samedi dernier, Lion d'Or entre les mains, le réalisateur Gianfranco Rosi a remercié les protagonistes de Sacro GRA, grand vainqueur de la 70ème édition de la Mostra Internazionale d'Arte Cinematografica de Venise. Premier documentaire à concourir à la Biennale vénitienne depuis sa création en 1932, le cinéaste a rappelé que fiction et reportage doivent continuer à concourir côte à côte.

Voilà 15 ans qu'aucun Italien n'avait raflé la précieuse statuette en forme de félin ailé. Depuis 1998, seul Gianni Amelio avec son film Cosi' ridevano pouvait se vanter d'avoir remporté le "Premio" (Prix) le plus renommé de la Péninsule. Un long métrage sur les discriminations subies au quotidien par les Italiens méridionaux venus s'installer au Nord de la Botte dans les années 1960.

Projeté en avant première romaine hier soir et en salles dès le 26 septembre 2013, si Sacro GRA n'est pas une fiction, il n'en est pas moins poignant. A travers huit histoires, sans début, sans fin et sans trame, Gianfranco Rosi révèle la vie des Romains qui habitent à côté du périphérique de la Capitale : le Grande Raccordo Annulare (GRA). Un anneau d'un peu moins de 70 km de circonférence dont l'acronyme signe le nom de son narcissique créateur, l'ingénieur de l'Azienda Nazionale Autonoma delle Strade (ANAS), Eugenio Gra.

 

Un documentaire rudement mené
"Avant, je voyais le GRA comme une simple route qui menait de l'aéroport à chez moi" a confié au Corriere delle Sera Gianfranco Rosi peu de temps après la remise des prix. Il change peu à peu de regard sur la fameuse rocade lorsqu'il rencontre l'urbaniste-paysagiste Nicolo' Bassetti. Fasciné par cet immense boa de goudron dès son arrivée à Rome en 2001, ce dernier l'a déjà exploré en long, en large et en travers, avant de proposer au cinéaste d'en faire un documentaire.

Un agronome soigneur de palmier, un infirmier dévoué, un pêcheur qui n'arrive pas à boucler ses fins de mois, un transsexuel qui chante Gianna Nannini, un acteur de photoroman, un noble déchu qui vit avec sa fille dans un petit studio... Pendant trois ans, caméra au poing, le metteur en scène se transforme en anthropologue et enregistre les fines tranches de vie des "oubliés" de la Capitale.

De cette longue pellicule naît un premier reportage intitulé Tanti futuri possibili. Seule différence avec Sacro GRA, le périphérique n'est pas présenté à travers le regard des" tribus" qui vivent aux alentours de "l'Anneau de Saturne" comme l'avait rebaptisé Federico Fellini. Cette fois, c'est Renato Nicolini, inventeur de l'Estate romane, décédé l'année dernière, qui livre au spectateur le sens métaphorique de la grande artère. Présenté au Festival International du film de Rome en 2012, plus en hommage à un grand Homme qu'aux petits qui habitent la rocade, l'aîné de Sacro GRA est passé quasiment inaperçu.

 

Un message politique en poésie
"Nous, les Romains, nous avons une relation très conflictuelle avec le GRA", analyse la jeune Amelia, assise à un café de la Piazza Mazzini, avant d'énumérer les embouteillages, les accidents et les tricheurs qui doublent sur la bande d'arrêt d'urgence. Une rocade, in fine pas vraiment différente de ses cousines européennes qui est aussi vécue comme une frontière symbolique à ne pas dépasser pour bien vivre.

"Habiter où ça ? A la périphérie ? Jamais de la vie !" s'insurge la trentenaire Ivana, interrogée aux alentours de la Fontaine de Trévi. Même rengaine pour Andrea, 52 ans, qui affirme très sûr de lui : "Pourquoi j'irais vivre près du GRA ? Je suis si bien à Rome". Pour les bien lotis du Centre Historique, il est inimaginable d'investir les alentours de la muraille d'asphalte qui encercle la ville.

Moche, isolée, mal desservie, vide, autour du Raccordo Annulare, la Ville Lumière se transforme en un no man's land anxiogène, produit d'une politique urbanistique peu cohérente. "On continue à construire des quartiers entiers au delà du GRA sans leur offrir les infrastructures nécessaires ni un réseau de transports publics digne de ce nom pour rejoindre la Capitale et en sortir" explique Andrea exaspéré. Sacro GRA relance donc le débat sur la revalorisation de la périphérie romaine. Un "Sacré Graal" à la recherche duquel beaucoup d'hommes politiques se sont lancés sans résultats. Une mission moins glamour que rendre la Via dei Fori Imperiali piétonne mais qui pourrait, elle aussi, attirer les caméras sur Ignazio Marino (Pd), le maire de Rome.

Sophie Lei (www.lepetitjournal.com de Rome) - jeudi 12 septembre 2013

Crédits photos :
- www.sacrogra.it
- Carte du GRA disponible sur le site de l'Anas (www.stradeanas.it)

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Publié le 11 septembre 2013, mis à jour le 12 septembre 2013
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