Sélection de films célébrant la Ville éternelle, de la Rome fellinienne de La dolce vita à celle plus moderne mais inquiétante d’Anges et démons.
Les studios Cinecittà de Rome, surnommés Hollywood sur Tibre et construits dans les années 30, ont accueilli de nombreux tournages, en particulier des péplums, faisant de la capitale italienne un véritable centre mondial de cinéma. Mais les rues de Rome ont également constitué les décors d’innombrables films de tout genre et toute nationalité. C’est le cas de ces 10 films, qui explorent les différentes facettes de Rome, chaque réalisateur dévoilant une identité particulière de la ville.
1 - La dolce vita, Frederico Fellini, 1960
Souvent résumé à la scène iconique de la baignade d’Anita Eckberg et de Marcello Mastroianni dans la fontaine de Trévi, ce film permet d’aller à la rencontre d’une Rome en effervescente décadence, peuplée de personnages mondains et excentriques.
Le film s’ouvre avec des hélicoptères transportant dans le ciel romain une statue du Christ les bras ouverts : ils survolent le parc des aqueducs, restes d’un empire déchu, puis le quartier de l’EUR, toujours en construction, et enfin le dôme de Saint-Pierre, qui sera plus tard le sujet d’une ascension sportive.
La vie nocturne du personnage principal, le journaliste Marcello Rubini, permet de parcourir Rome : la piazza del Popolo aux côtés d’Anouk Aimée, les termes de Caracalla, scène d’une soirée endiablée, et, bien sûr, la mythique Via Veneto, bourdonnant de stars et de paparazzi, mais reconstituée pour le tournage dans les studios de Cinecittà.
Fellini montre surtout la Rome des aristocrates et des intellectuels, mais il donne une vision plus complète – et encore plus exubérante – de la population romaine dans son film Roma (1972).
2 - La grande bellezza, Paolo Sorrentino, 2013
Dédié à Rome et à sa beauté éternelle, le film magnifie la ville dès la magistrale scène d’ouverture, dont le début est sonné par le coup de canon du Janicule, laissant la caméra se déplacer jusqu’à la fontaine de l’Acqua Paola et sa splendide vue.
Jepp Gambardella, écrivain et journaliste, « roi des mondains », déambule dans la ville entre ses soirées, notamment celles sur sa terrasse dominant le Colisée, symbole de Rome par excellence. Rome se dévoile donc plus belle que jamais de nuit, offrant aux protagonistes des intermèdes d’art et d’architecture dans leur vie mondaine. Jepp parcourt, comme son prédécesseur Marcello Mastroianni, la via Veneto, mais les stars et paparazzi ne sont plus que les fantômes de cette rue dépeuplée.
Arpenter les couloirs et les salles emplies de chefs-d’œuvre de marbre des musées capitolins, s’amuser avec la perspective de Borromini à la Galleria Spada, assister au lever de lune à la Villa Médicis, admirer de nuit La Fornarina de Raphaël : autant de songes éveillés qui se réalisent mystérieusement devant la caméra de Sorrentino.
3 - Vacances romaines, William Wyler, 1953
Dès le générique de début, le spectateur est plongé dans la splendeur de Rome, grâce à des plans-carte postale de Rome, entre vues des ponts enjambant le Tibre, ruines antiques, places principales, statues et fontaines.
Lorsqu’à la fin du film, on lui demande quelle ville elle a préféré visiter, la princesse incarnée par Audrey Hepburn clame son amour pour Rome plutôt que de formuler une réponse diplomatique. Comment ne pas lui donner raison en découvrant la capitale en noir et blanc dans les années 50, et avec comme guide un charmant Grégory Peck journaliste ?
La princesse en visite dans la ville éternelle fugue et passe une journée à visiter la ville. Une journée d’émerveillement et de dolce vita, entre glace sur les marches de la place d’Espagne, champagne – sang royal oblige - sur la place du Panthéon, visite du Colisée, rencontre avec la Bocca della Verità, escapade dans les rues de Rome en vespa – une image devenue icône du cinéma – qui se conclut en beauté avec un bal sur le Tibre face au Castel Sant’Angelo, et un plongeon dans les eaux du fleuve.
4 - Journal intime, Nanni Moretti, 1993
Le film narré à la première personne est divisé en trois épisodes : le premier est « In Vespa », où le réalisateur invite le spectateur à le suivre alors qu’il parcourt librement les quartiers de Rome sur son scooter, guidé par la curiosité.
Garbatella, le village olympique, Tutello, Vigne Nuove, Monteverde, Spinaceto : les immeubles des différents quartiers défilent pour offrir une vision poétique de Rome et de ses quartiers mis au ban du centre historique. En les traversant, Moretti partage ses réflexions, ses impressions, évoque son rêve de savoir bien danser, s’arrête pour parler à des passants, longe les murailles de Rome, zigzague au son de Didi de Khaled, puis de Batonga d’Angélique Kidjo. Parlant de ses coups de cœur, il confie aimer le ponte Flaminio à l’architecture fasciste et encense « la Garbatella » comme son quartier préféré.
L’épisode se clôt avec son trajet à l’allure de pèlerinage, sur le son de piano du Köln Concert de Keith Jarret. Il se rend pour la première fois jusqu’à Ostie, sur le lieu où Pier Paolo Pasolini a été assassiné en 1975.
5 - Nous nous sommes tant aimés, Ettore Scola, 1974
Le film d’Ettore Scola est l’histoire d’une bande d’amis ayant résisté ensemble, qui se laisse prendre dans le tourbillon de la vie, se perd de vue pour se retrouver, vieillissant, mettant de côté amèrement leurs ambitions, dans une Rome teintée de nostalgie, retraçant ainsi trente années de mutations, personnelles, sociales et historiques.
Les trois personnages vivent à Rome, mais s’ils perdent contact, c’est toujours dans la capitale qu’ils se retrouvent : leur point de ralliement est un restaurant économique situé Piazza della Consolazione.
Une scène de retrouvailles est particulièrement mémorable : Nino Manfredi, ambulancier, doit passer devant la fontaine de Trévi, bloquée pour le tournage de la fameuse scène de La dolce vita, où il aperçoit son amie Luciana perdue de vue. Ettore Scola rend ainsi hommage à Fellini, qui apparaît d’ailleurs dans la scène, aux côtés de Mastroianni dans son propre rôle.
Plus tard, c’est sur une piazza del Popolo envahie de voitures que se retrouvent 25 ans après leur dernière altercation le personnage de Gassman et celui de Manfredi.
6 – Spectre, Sam Mendes, 2015
Malgré plusieurs séjours en Italie et notamment à Venise, 007 n’avait jamais mis les pieds dans la capitale italienne avant Spectre. Il pose ses valises dans une Rome fascinante et dangereuse, pour assister à un enterrement dans la colonnade du Museo della Civiltà Romana, faisant office de cimetière pour le tournage. James Bond y rencontre la belle veuve du défunt, jouée par Monicca Bellucci - qu’il ne manquera pas de retrouver plus tard dans sa luxueuse villa de la via Appia Antica. Il s’introduit ensuite dans une réunion secrète, se déroulant dans un palais paraissant peu italien et pour cause, il s’agit du palais de Blenheim dans l’Oxfordshire, Rome manquant indubitablement de palais.
S’ensuit une immanquable course-poursuite : l’Aston Martin de 007 et la Jaguar du méchant dévalent le Janicule, passent devant la fontaine de l’Acqua Paola, foncent face à Saint-Pierre, s’engouffrent dans les ruelles – rencontrant au passage une Fiat pittoresque conduite par un Romain tout aussi pittoresque – puis longent les quais du Tibre à une vitesse vertigineuse pour finir dans l’eau du fleuve.
7 – Rome, ville ouverte, Roberto Rossellini, 1945
Ce film historique a été réalisé alors que l’épisode de la Seconde Guerre mondiale n’avait pas fini de s’écrire, deux mois après la libération de Rome. Les studios de Cinecittà étant occupés par des refugiés au moment du tournage, les scènes se déroulent dans les rues de la ville. Le néoréalisme italien, dont ce film marque le début, sera caractérisé par cette volonté d’utiliser des décors réels, souvent des quartiers périphériques populaires.
Le film est dédié à la résistance de Rome, meurtrie par les exactions des soldats nazis, entre tortures, arrestations et fusillades. La première scène se déroule sur un lieu symbolique de Rome, la place d’Espagne, embrumée, traversée par une troupe de soldats. Plus tard, des dirigeants allemands découpent la ville en secteurs pour mieux la contrôler.
La scène où le personnage d’Anna Magnani, Pina, s’élance pour rattraper son compagnon arrêté, avant d’être abattue par les nazis, est rentré dans les annales du cinéma. L’actrice incarnera en 1962 Mamma Roma devant la caméra de Pasolini, puis sera érigée en symbole de la ville par Fellini dans Roma.
8 - Le Voleur de bicyclette, Vittorio De Sica, 1948
Autre chef-d’œuvre du néoréalisme, ce film de Vittorio de Sica met en scène un père de famille qui se fait voler sa bicyclette, sans laquelle il ne peut assurer son travail de colleur d’affiche. Accompagné de son jeune fils, il part à sa recherche dans les rues de Rome, explore le marché aux vélos de la piazza Vittorio installé devant les arcades, puis le chaos du marché aux puces de Porta Portese.
Fidèle aux préceptes du néoréalisme, les déambulations romaines des personnages sont filmées dans les vraies rues de la ville. De plus, les itinéraires empruntés par le père et son fils sont réalistes – ce qui est rare au cinéma - il serait possible de reconstituer leurs trajets, longeant le Tibre sous les platanes, menant leur enquête dans l’église Santi Nereo e Achilleo.
Rome n’est pas seulement un décor, c’est aussi une ville grouillante, marquée par le chômage d’après-guerre et les difficultés économiques, comme le montrent les nuées de travailleurs en vélo, ou encore la séquence à Trastevere où les habitants se liguent pour défendre le voleur.
9 – Le Talentueux Mr Ripley, Anthony Minghella, 1999
Le roman de Patricia Highsmith Monsieur Ripley, adapté deux fois au cinéma, comporte plusieurs scènes centrales se déroulant à Rome.
Alain Delon et Maurice Ronet y font connaissance dans le film Plein Soleil (1960) de René Clément. Dans l’adaptation américaine de 1999, Tom Ripley, joué par Matt Damon, accompagne son ami joué par Jude Law une première fois à Rome, où ils profitent de la vie italienne, notamment sur la terrasse d’un café place Navone. Plus tard, Ripley, sous l’identité de son ami, reviendra à Rome, admirant les ruines du Forum ou les restes de sculptures monumentales exposés au musée du Capitole, et rencontrant Cate Blanchett dans une boutique de luxe de la via dei Condotti. Cette Rome des années 50 rappelle celle de Vacances romaines, notamment lorsque des personnages se croisent sur les marches de la place d’Espagne. Cependant, la beauté de la ville devient inquiétante, à l’image de Tom Ripley.
Une nouvelle adaptation du roman, cette fois-ci sous forme de série, a été tournée dans les rues de Rome, avec Andrew Scott dans le rôle principal.
10 – Anges et démons, Ron Howard, 2009
Entre complots et secrets bien gardés, le Vatican a toujours fasciné, inspirant notamment l’écrivain Dan Brown pour son roman Anges et démons, adapté au cinéma en 2009.
Dans une Rome chargée de symboles, Tom Hanks engage une course contre le temps pour sauver quatre cardinaux prétendants à la papauté et enlevés par des Illuminati. A chacun d’entre eux est réservée une mort spectaculaire : étouffé par de la terre dans l’église Santa Maria del Popolo, blessé mortellement sur la place Saint-Pierre, brûlé vif dans l’église Santa Maria della Vittoria, et enfin, noyé dans la fontaine des Quatre Fleuves. Le fil directeur reliant les quatre lieux à travers quatre figures d’anges est Le Bernin, qualifié de maître des Illuminati.
Après un passage par le Castel Sant’Angelo, repère de l’organisation secrète, les protagonistes empruntent le Passetto pour arriver jusqu’au Vatican, décor du dénouement apocalyptique. Le Saint-Siège n’ayant pas autorisé le tournage du film sur son sol, la chapelle Sixtine et d’autres décors ont dû être reconstitués numériquement ou dans des studios californiens.
Eléné Pluvinage