Il était l’un des jeunes ambassadeurs du Téléthon en 2015. Atteint de la myopathie de Duchenne, une maladie génétique rare qui atrophie progressivement les muscles, Nicolas Rengade est doté d’une puissance et d’une résilience peu communes. Issu d’une famille qui a longtemps vécu à l’étranger, le jeune homme n’a pas perdu son attrait pour les voyages.
La myopathie ou dystrophie musculaire de Duchenne commence en général par toucher les muscles des jambes, et atteint petit à petit le reste du corps. Pourtant elle ne semble pas avoir de réelle emprise sur Nicolas, impressionnant de force et de bonne humeur.
Son visage avenant vous dit peut-être quelque chose. On l’a aperçu un peu partout dans la rue, sur des affiches du Téléthon. En 2015, à 13 ans, Nicolas endossait le rôle d’ambassadeur. On le voyait filmer sa visite dans les laboratoires, plein de vitalité et de bonne humeur, solaire. On pouvait aussi percevoir une pointe d’autodérision « Je prends l’ascenseur… parce qu’évidemment, je ne peux pas descendre les escaliers, ha ha ha ! ».
Dans une vidéo de sensibilisation pour le Téléthon, il apparaissait au parc floral, aux côtés de son père Benoit, l’air plus sérieux, incroyablement mature pour son âge, le langage sûr et le regard grave. Dans son discours, aucune naïveté, guère de place au doute. Ce qui transparaît surtout, c’est cette envie de vivre au maximum. Pas le temps pour les atermoiements. Et Benoit le disait : « Il ne se plaint jamais. » Grâce à ce tandem père-fils, on pouvait mettre un visage sur la maladie de Duchenne.
Aujourd’hui la recherche a bien avancé : les essais cliniques de thérapie génique sont prévus pour 2020 - cette thérapie consiste à remplacer le gène défectueux (responsable de la dystrophie) par un gène fonctionnel, préalablement évalués sur des chiens atteints naturellement de cette maladie.
« C’est assez rare, dans sa pathologie et à son âge, de ne pas avoir besoin d’aide tout le temps »
Trois ans après le Téléthon 2015, nous les retrouvons. Nous n’avons malheureusement pas pu faire le déplacement jusqu’à Clermont Ferrand, où ils sont domiciliés. Pour l’interview téléphonique, ils s’installent dans le hall d’un hôtel, commandent une Badoit et un double expresso. Je peux les entendre se taquiner. Nicolas a mué. Le pré-adolescent qu’il était a laissé place au jeune adulte. Comme on devait s’y attendre, il ne marche plus du tout. Mais sa maladie ne l’empêche pas de vivre pleinement, nous a confié son père, quelques minutes plus tôt. Ce dernier veille encore, fort comme un roc, véritable pilier. Les deux compères semblent toujours aussi fusionnels. « Nicolas est très autonome, sur le plan psychologique, affirme Benoit. Il fait tout, seul. Le week-end dernier, il était à Lyon avec son cousin. »
Nicolas a 17 ans maintenant, et est lycéen en 1ère S. Si la maladie a naturellement dégénéré, le jeune homme prend depuis 5 mois un nouveau médicament. « Je me porte mieux, se réjouit-il. J’ai une meilleure force musculaire et une endurance qui me permettent de faire beaucoup plus de choses. Au lycée, il y avait une porte que je ne parvenais jamais à ouvrir sans aide, et depuis un mois j’y arrive. J’ai cru au début qu’elle s’était décoincée, mais non, c’est bien moi qui l’ouvre facilement ! » Ainsi, Nicolas parvient à mieux gérer ses journées bien remplies - il prend des cours de théâtre et d’anglais en plus de l’école. En revanche, si les bienfaits de ce médicament sont évidents, il n’est pas à proprement parler destiné à des malades affligés de la myopathie de Duchenne. « Ce n’est pas un médicament innovant, précise Benoit, mais un médicament qui était déjà sur le marché depuis longtemps. C’est tout à fait incidemment qu’on s’est aperçu de son effet positif sur la force musculaire, sans pouvoir encore identifier ses mécanismes. »
Toujours est-il que depuis 6 mois, son fils a gagné en autonomie, et il peut désormais écrire sans avoir à dicter, et "sans avoir mal après », ajoutent-ils de concert.
Benoit semble protecteur mais il est clair qu’il n’a pas surprotégé son enfant. Nicolas, complètement débrouillard, peut rester seul à la maison pendant une semaine, sans problème. « C’est très important, et assez rare dans sa pathologie et à son âge, de ne pas avoir besoin d’aide tout le temps », déclare-t-il.
Une famille de globe-trotteurs
Nicolas et son père n’ont pas toujours vécu en Auvergne. Ils vivaient au Japon, lorsque de passage en France ils ont appris le diagnostic, presque par hasard. Précédemment, le travail de Benoit les avait menés en Nouvelle-Calédonie et en Suède. Une vie d’expatriés qui leur manque à tous. « Nicolas aimerait retourner au Japon avec moi, faire un parcours nostalgique de tout ce qu’on a pu voir en famille. C’est d’ailleurs au programme pour l’année prochaine. »
Nicolas ne s’est pas arrêté de voyager pour autant : il a eu l’occasion de visiter l’Italie avec son père pour ses 13 ans, le Brésil, Berlin, Londres, et pleins d’endroits en France, comme Quiberon. De tels voyages nécessitent une prise en charge compétente, ce qui n’est pas toujours le cas, selon Benoit. « Une compagnie aérienne qui prenne en charge son fauteuil roulant, ce n’est possible que sur des Airbus A320, qui ont l’espace nécessaire. Il faut aussi des aéroports équipés, avec les moyens de manutention adaptés pour le fauteuil. Parfois, il arrive un peu tordu, voire cassé. » Dans de tels cas de figure, on lui a parfois proposé le remboursement de l’engin via l’assurance. « Les gens ne comprennent pas que ce n’est pas un problème de coût mais plutôt de jambes ! Ok, vous me remboursez et après ? On fait comment à l’arrivée sans fauteuil ? » Le papa de Nicolas pointe ce véritable problème de prise en compte du handicap. Autre contrainte de voyager en fauteuil : le manque d’équipements adaptés pour les personnes en situation de handicap, notamment en France, et quand il y en a, ils ne fonctionnent pas toujours. « Au Japon, ce serait plus facile : toutes les stations de train ont des ascenseurs, la question d’accessibilité ne se pose pas. Certes, la France c’est bien, pour ce qui est de l’encadrement santé, la prise en charge, la vie de tous les jours mais on accuse un retard considérable par rapport à d’autres pays, dits ‘moins développés’. », constate amèrement Benoit.
Nicolas et sa famille n’excluent pas de s’expatrier à nouveau, si l’occasion se présente.
L’espoir par les dons
Si la solution des thérapies géniques représente un réel espoir, la participation aux essais cliniques dépend de plusieurs critères. « La thérapie génique sera d’abord proposée aux patients qui peuvent encore marcher. Mais ce n’est pas parce que Nicolas ne rentre pas dans le premier essai qu’il n’y a pas d’espoir, au contraire. » Comme la plupart des jeunes de son âge, Nicolas va au lycée, étudie, et prépare son orientation professionnelle. Lui qui, à 13 ans, disait ne pas pouvoir se projeter, y est un peu obligé quand même. « Je me projette trop, avoue-t-il, comme un aveu. J’imagine toujours toutes les possibilités. Je suis conscient que ce n’est pas la meilleure chose à faire, mais même si ça ne va pas assez vite pour nous, ça évolue quand même positivement. Mon avenir professionnel, c’est dans moins de deux ans, donc bientôt ! J’envisage les études, l’adaptation du fauteuil, j’anticipe la prise de notes - comment je vais faire pour écrire comme tous les autres étudiants -, construire ma carrière… Quand tu ne sais pas si tu vas être capable de le faire, que tu ne pourras pas faire tous les métiers, c’est une pression en plus. » Benoit préfère lui, se projeter le moins possible. « Je prends les jours comme ils viennent, à l’inverse de Nicolas, qui planifie ses journées comme des missions Apollo (Rires.) Je me pose les mêmes questions que lui et n’ai pas davantage de réponses. Au jour le jour, on passe de bons moments. Les problèmes, on tente de les résoudre au fur et à mesure, on s’adapte. »
Car des problèmes de taille subsistent. Malgré les progrès de plus en plus prometteurs de la science, et l’espérance de vie allongée de 15 ans pour la myopathie de Duchenne, le coût de développement d’un médicament de thérapie génique est très élevé.. « Le plus coûteux est de mettre en œuvre l’essai clinique et la production du médicament. J’aimerais passer un message : certes le Téléthon existe depuis longtemps, beaucoup de gens pensent que suffisamment d’argent a été donné. Mais c’est paradoxalement parce qu’on touche au but qu’on a le plus de besoins. Ne nous laissez pas tomber maintenant. Ces thérapies pourront aussi avoir une utilité pour des maladies plus fréquentes ; enfin, les maladies génétiques rares concernent quand même 3 millions de personnes rien qu’en France. »
Benoit Rengade, véritable porte-parole de l’AFM-Téléthon, veut avant tout que la population comprenne qu’ils sont une association de parents de malades, désireux de changer une face de la société que les pouvoirs publics ne prennent pas en charge. « C’est une opération de grande ampleur, un vrai problème de santé publique, et je ne pense pas que cela existe ailleurs dans le monde. »
Pour l’instant, il va falloir se contenter d’attendre et d’espérer un maximum de dons. Nicolas lui, prépare son bac de français, avec ce tempérament de fonceur qu’il a probablement hérité de son père.
Le témoignage de Nicolas et Benoit est inspirant, mais n’est pas un cas isolé. Aidez Nicolas à collecter pour le #Téléthon2018
lepetitjournal.com est cette année encore, partenaire du Téléthon des Français de l’Etranger. Mobilisez-vous pour aider l’AFM-Téléthon à financer des programmes de recherche sur les maladies génétiques neuro-musculaires ainsi que d'autres maladies génétiques rares. Donnez !
RDV les 7 et 8 décembre prochains sur www.telethon.fr, au 36 37, partout et France, à l’étranger et sur les chaines de France Télévisions pour le #Téléthon2018.
Article écrit par Loanne Jeunet