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Dario Mezzano (Havas) : « L’Italie n’aime pas la publicité »

Dario MezzanoDario Mezzano
Dario Mezzano, Fondateur et CEO de Havas en Italie
Écrit par Marie-Astrid Roy
Publié le 24 octobre 2018

Dario Mezzano, franco-italien et l’un des grands de la publicité en Italie (CEO de Havas dans la péninsule), décrypte le secteur dans son pays, en comparaison à celui français. Et nous livre sa vision de sa ville et de son évolution, Milan.


Lepetitjournal.com/Milan : Vous avez fondé Havas en Italie il y a 35 ans. Outre le nom français de l’agence, quels sont vos liens avec la France ?

Dario Mezzano : J’ai presque toujours travaillé avec un nom français sur la porte. En 1982, j’ai ouvert la première agence de Jacques Séguéla à l’étranger, vendue ensuite à Havas (Eurocom à l’époque). Mais surtout, ma mère était française. Si je n’ai quasiment pas habité en France, je connais très bien le pays et ne lis par ailleurs qu’en français. Aujourd’hui, j’ai décidé d’adhérer de nouveau à la Chambre de commerce et de l’industrie France Italie qui grâce à son activité proactive et créative, sait faire comprendre combien les points communs entre nos deux pays doivent être valorisées. Ce qui est d’autant plus important dans le contexte actuel.

Les points communs entre nos deux pays doivent être valorisés

Comment se développe le secteur de la publicité en Italie ?

Historiquement, l’Italie est un pays pauvre pour la publicité. Il a toujours connu un investissement qui représente la moitié de celui français et un tiers de celui anglais. Le peu d’argent circulant explique en partie la pauvreté sur la partie créativité, ce qui n’est pas le cas sur les médias. L’Italie a une mentalité qui s’est remplie de consumérisme sans jamais l’accepter d’un point de vue moral. Elle n’aime pas la publicité et par conséquent n’aime pas non plus la créativité.
La crise a en outre été terrible pour nous, la publicité ne s’est jamais relevée contrairement à d’autres secteurs comme celui de l’automobile. Des 12 milliards qui représentaient la dépense publicitaire avant la crise, on en dépense 6 milliards aujourd’hui. Le marché a nettement diminué de moitié.

Avec des clients comme TIM, Peugeot ou plus récemment Grana Padano et Edison, quelle est la position de Havas dans ce panorama décrit comme peu positif ?

En réalité, Havas est une grosse agence de publicité en Italie qui détient 10 à 11% de parts de marché de l’advertising. D’un point de vue créatif, nous avons toujours dominé le marché avec une croissance de 10% environ chaque année. Notamment grâce au fait que l’agence a les mêmes personnes entre les mains depuis 35 ans, date à laquelle je l’ai fondée, ce qui permet de maintenir des relations stables avec nos clients.

Et depuis la naissance de la publicité en Italie, Milan jouit-elle d’une place particulière dans le secteur ?

Milan a toujours incarné le centre dans ce secteur. La publicité en Italie, dans sa forme moderne, est née dans les années 50, après le plan Marshall. Les Américains et Anglais ont débarqué à Gênes qui était alors la capitale anglo-saxonne de l’Italie, notamment pour son commerce. Les grandes entreprises internationales mais aussi les agences de publicité ont ainsi débarqué dans la capitale ligure avant de migrer très rapidement à Milan pour assurer leur développement. Quant à Rome, le marché reste provincial, personnellement je ne le comprends pas. Mais il représente malgré tout 10% du marché.

Dans les années 80, la célèbre campagne pour Ramazotti, avec pour slogan « Milano da bere » a signé une époque. Qu’en est-il aujourd’hui ?

Le slogan accompagnait les images d’une journée milanaise, une ville qui « renaît chaque matin, bat comme un cœur ; Milan est positive, optimiste, efficace ; Milan est à vivre, à rêver, à profiter ». Milano da bere est même devenu le titre d’un journal.
Il faut rappeler que Milan a changé de visage quand la mode est née. A l’origine, il s’agissait d’une ville plus autrichienne que méridionale : beaucoup de travail et peu de bavardage. Et encore aujourd’hui, Milan est la seule ville sûrement où l’on dit « Buon lavoro » (bon travail) le matin. En France, on dira plutôt « Bon courage ». Milan est une ville ouverte où l’on travaille bien, peut-être même mieux qu’à Paris.

Selon vous, existe-t-il une différence fondamentale entre la France et l’Italie au niveau de la publicité ?

Je dirais que le management français a beaucoup plus de courage que celui italien. Il ose prendre des risques pour une campagne publicitaire. En Italie, on trouve davantage des campagnes modestes. Pour respecter ce que souhaite le client, on informe plutôt sur les tarifs. Ils se disent que la publicité doit faire vendre tout de suite. Mais ce n’est pas forcément vrai. On achète aussi parce qu’on aime une marque. En France, on trouve plus de poésie, à l’instar de la publicité d’Air France, avec ses balançoires... Plus la créativité est belle est osée, plus elle est difficile à vendre.

 

MAR
Publié le 24 octobre 2018, mis à jour le 24 octobre 2018

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