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Cristina di Belgiosojo, princesse moderne à Paris, racontée par Aphrodite de Lorraine

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Aphrodite de Lorraine incarne Cristina di Belgiosojo au théâtre
Écrit par Marie-Astrid Roy
Publié le 10 octobre 2022, mis à jour le 11 octobre 2022

Brillante rencontre avec Cristina Trivulzio di Belgiojoso, une "princesse révolutionnaire" incarnée par l’actrice française Aphrodite de Lorraine, sur les planches de la Triennale Milano.

 

A l’occasion du 150ème anniversaire de la mort de Cristina Trivulzio di Belgiojoso, une « princesse révolutionnaire » ayant marqué la vie parisienne, AIRC et la Fondation Trivulzio présentent une pièce théâtrale sur les chapitres les plus marquants de la biographie de la « première femme d’Italie ». Pour l’incarner, la comédienne française Aphrodite de Lorraine revient sur les planches milanaises, au théâtre de la Triennale Milano. Entre histoire et mémoire, rencontre brillante et émouvante entre deux femmes.

Après avoir lancé sa carrière il y a près de 20 à Milan, avec l’objectif – réussi - de faire rayonner la culture théâtrale française en Italie, Aphrodite de Lorraine se partage désormais de chaque côté des Alpes, liant toujours les cultures française et italienne dans ses spectacles.

Ce mardi 11 octobre au théâtre de la Triennale Milano, l’actrice et comédienne  joue le rôle ambitieux d’une femme extraordinaire, pour en raconter la vie bouleversante mais malheureusement trop souvent tombée dans l’oubli, celle de Cristina Trivulzio di Belgiojoso.

 

Comment est né le projet du spectacle ?

Le projet est né l’année dernière à l’occasion du 150ème anniversaire de la mort de Cristina Trivulzio di Belgiojoso, disparue en 1871. Pour commémorer cette date, la Fondazione Trivulzio a organisé plusieurs événements historiques et scientifiques. Et c’est dans ce cadre qu’ils ont décidé de créer pour la première fois un événement culturel avec un spectacle théâtrale dédié, racontant la vie incroyable de Cristina Trivulzio di Belgiojoso, fabuleusement écrit par Francesca Sangalli et mis en scène par Omar Nedjari. Ce n’était pas évident, car raconter la biographie d’un personnage peut très vite tomber dans l’ennui ou la banalité.  

 

Quelle est la particularité de cette mise en scène ?

La mise en scène est très dynamique ! Nous sommes deux comédiennes sur scène, et un pianiste. J’incarne tout au long du spectacle Cristina Trivulzio di Belgiojoso. Sandra Zoccolan joue plusieurs rôles qui gravitent autour : à la fois Ernesta Bisi, peintre et confidente de Cristina tout au long de sa vie, sa mère, ainsi que les trois hommes cités dans le spectacle ayant marqué la vie de Cristina. Au piano, Riccardo Munari est intégré dans l’histoire et le jeu, il représente la partie masculine du spectacle mais surtout la parenthèse parisienne de Cristina, un chapitre très important dans sa vie qui aura duré 10 ans.

 

L’oubli de l’histoire, une mort encore plus horrible que la mort

 

Qu’est-ce qui vous a le plus marqué de la vie incroyable de cette femme surnommée la « Princesse révolutionnaire » ou la « Première femme d’Italie », mais dont l’histoire est pourtant méconnue ?

C’est surprenant, de nombreux Italiens ne la connaissent pas. Cristina est femme qui est restée dans l’ombre et dans l’oubli. D’ailleurs le spectacle débute ainsi : « L’oubli de l’histoire, une mort encore plus horrible que la mort ». Moi-même je ne la connaissais pas… En travaillant sur ce rôle, je suis allée à la découverte d’une femme qui m’a bouleversée pour tout ce qu’elle a entrepris et réalisé surtout dans le contexte des années 1820-1860. Une femme moderne qui a fait tout ce qui était interdit pour une femme à cette époque. Sa première rébellion était à 16 ans : elle a refusé un mariage d’intérêt alors qu’elle venait de l’une des plus riches familles aristocratiques lombardes, pour privilégier un mariage d’amour avec le prince Emilio de Belgiojoso. C’est elle qui l’a choisi malheureusement elle n’est pas tombée sur la bonne personne, mais c’est une autre affaire ! De 15 ans son aîné, c’était un intellectuel et conspirateur mais aussi coureur de jupon. Il lui a proposé une sorte de mariage à trois, que là aussi, elle a refusé. En 1830 elle le quitte, et commence à voyager, seule.

Extraordinaire dans les relations publiques, elle mettait en lien les conspirateurs entre eux au cours de ses voyages à travers l’Italie. Jusqu’au moment où les Autrichiens l’ont sommée de revenir à Milan ou ils la déclareraient morte et lui confisqueraient tout son patrimoine. Elle s’enfuit, et s’installe à Paris où s’ouvre un nouveau chapitre de sa vie.
Elle est introduite par le marquis La Fayette dans la société parisienne. Elle rencontre les intellectuels, les conspirateurs, les politiciens, les poètes… Elle les invite dans son salon littéraire avec Balzac, Chopin, De Musset, et même George Sand, pour parler philosophie et politique. Elle fascinait, tout le monde voulait la rencontrer.

Mais elle ne s’arrête pas là. Elle fonde et dirige plusieurs journaux, notamment pour les expatriés italiens à Paris. Elle y écrit plusieurs articles, alors que les femmes n’avaient pas le droit d’exprimer de telle manière leur pensée politique. Le journalisme n’était pas voué aux femmes, elle a ouvert la voie.

Elle a aussi écrit des œuvres théologiques pour réformer l’Eglise et son fonctionnement, comme l’Essai du Dogme catholique, écrit en français. Là aussi cela était impensable à l’époque !

Cristina di Trivulzio di Belgiojoso était une femme visionnaire qui a interpellé tous les hommes, non seulement pour sa beauté, mais aussi pour son intelligence.

 

Cette femme vibre dans mes cellules tellement j’ai d’admiration pour elle.

L’année dernière, Milan lui a rendu hommage avec une statue érigée sur la place Belgiojoso. Qu’en est-il de sa vie en Italie ?

En 1838 elle rentre dans son pays natal, où s’ouvre encore un autre riche chapitre.
Elle a pu assister aux résultats qui ont apporté l’Unité italienne, pour laquelle elle  s’est tant engagée. Après cela, elle s’est consacrée au social. Lors de ses déplacements dans les campagnes lombardes, elle a constaté avec effroi la façon dont vivaient les paysans et leur famille. Sa réponse a été de créer des orphelinats et des écoles primaires pour les jeunes garçons et les jeunes filles. Elle a voulu donner l’instruction à tous en estimant qu’on ne pouvait créer l’unité italienne si on ne faisait pas avant les Italiens.
Par ailleurs, elle a aussi au cœur de la création d’hôpitaux pour les soldats blessés, qui n’existaient pas encore. Tout ce que Cristina Trivulzio di Belgiojoso a entrepris et réalisé, est pour que ceux de demain aient une meilleure vie.

 

Utiliser le théâtre pour faire passer ce type de message est absolument nécessaire


Qu’est-ce que cela représente pour vous d’incarner Cristina Trivulzio di Belgiojoso ?

C’est évidemment un honneur et un privilège, mais cela a aussi un côté épouvantable car c’est l’une des rares fois que j’incarne une femme qui a existé, et pas n’importe laquelle !
Depuis que l’ai étudiée, que je suis entrée en contact avec elle pour mieux l’incarner, elle me fascine. Cette femme vibre dans mes cellules tellement j’ai d’admiration pour elle. Jouer ce rôle à d’autant plus d’importance, que par mon intermédiaire, je vais faire passer sa mission, livrer ses mots et restituer le fond de cette femme battante. Les messages d’une femme visionnaire, qui dans les années 1840 sont d’une actualité bouleversante.
Utiliser le théâtre pour faire passer ce type de message est absolument nécessaire. En espérant qu’enfin, l’histoire de cette femme soit intégrée dans les manuels en Italie.

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