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Caroline Chabrol: "Le projet de SNCF en Italie est une réponse positive à la demande"

Alors que SNCF s’apprête à se développer sur le marché domestique italien à l’horizon 2027 avec 14 allers-retours par jour à travers le pays, rencontre avec Caroline Chabrol, directrice générale de la filiale italienne, qui a comme ADN le biculturalisme.

Caroline ChabrolCaroline Chabrol
Caroline Chabrol, directrice générale de la filiale SNCF Voyages Italie (SVI)
Écrit par Marie-Astrid Roy
Publié le 2 septembre 2025, mis à jour le 3 septembre 2025

Nommée directrice générale de la filiale SNCF Voyages Italie (SVI) il y a un an, quel parcours vous a conduit à Milan ?

Je suis arrivée en août 2024 pour diriger SVI à Milan, mais je fais partie du groupe SNCF depuis plus de 20 ans. J’ai occupé des fonctions très diverses à l’intérieur du groupe, toujours au service des voyageurs : pour le transport régional en m’occupant de la contractualisation des trains TER avec les régions en France, pour les trains longue distance Intercités (nationaux à vitesse classique) en tant que directrice marketing et communication, ou encore à la Direction de la stratégie du groupe SNCF. Et plus récemment, j’ai sauté le pas de l’international pour diriger des projets de développement du groupe en dehors de l’Hexagone et notamment sur la grande vitesse.
J’étais directrice de l’Europe du Sud qui comportait notamment l’offre entre Paris et Barcelone puis la construction de OUIGO Espagne (2019-2022), ainsi que le projet de développement sur le territoire italien, d’abord depuis Paris et désormais depuis un an à Milan, à la tête de la filiale SVI. 

 

Rappelons que SVI est une filiale qui existe depuis près de 15 ans, pour opérer les relations Milan-Paris avec trois allers-retours par jour. Un service qui sert entre 700.000 et 800.000 voyageurs par an.

Vous êtes d’ailleurs arrivée durant une période bouleversée car la ligne directe entre Paris et Milan était alors interrompue. Comment se porte le trafic depuis la reprise au printemps, et quelles sont les perspectives ?

Ma première mission était en effet de préparer cette réouverture, qui a eu lieu le 31 mars, après 19 mois d’interruption. Les résultats commerciaux sont très positifs. Les réservations ont repris très vite dès l’annonce de la réouverture. Et pour l’été, nous avons connu des remplissages de plus de 90% sur les trains.
A ce jour et pour l’été, le trafic à bord des trains Milan Paris TGV InOui est en hausse de 11% par rapport à la même période de 2023, qui était déjà une année record.Etant donné l’affluence, dès que nous le pouvons, nous ajoutons un aller-retour sur les grands week-ends d’été, à l’instar de celui du 14 juillet où 800 voyageurs supplémentaires ont pu prendre le train.
Cela montre que la demande est présente, tant entre Milan et Paris qu’entre Turin et Paris. Nous sommes fiers d’assurer quotidiennement ce lien entre la France et l’Italie, par le train.

 

Dans cette mission d’assurer le lien entre la France et l’Italie, SVI est-elle plus française ou italienne ?

SVI est une filiale de droit italien mais qui a comme ADN le biculturalisme. Aussi, elle se dote de talents résolument biculturels. Pour cela, nos équipes s’appuient notamment, outre les services du consulat et de l’Ambassade, sur les institutions présentes en Italie : Atout France, l’Institut français et l’Alliance française pour offrir des cours de langue à notre personnel italien, la Chambre de commerce pour un ensemble de services comme le recrutement par exemple.
Le biculturalisme se retrouve au niveau de la langue mais aussi sur le plan de l’écoute des attentes des voyageurs, jusqu’à la carte de restauration qui est franco-italienne.

 

En complément du Milan-Paris, SNCF Voyageurs Italie s’apprête à se développer sur le marché domestique italien avec 14 allers-retours par jour à travers la Botte. Quels sont vos objectifs ?

L’autre mission de SVI est en effet de devenir le futur troisième opérateur de grande vitesse en Italie. Quinze nouveaux trains ont été commandés à l’été 2022 pour répondre au projet : proposer 13 à 14 allers-retours par jour en plus des allers-retours transfrontaliers Milan-Paris. Neuf allers-retours seront opérés entre Milan et Rome, prolongés ou pas jusqu’à Naples, et quatre ou cinq autres entre Turin et Venise.

Il s’agit de proposer une alternative à l’offre déjà existante par les opérateurs Trenitalia et Italo, pour donner plus de choix aux voyageurs. Nous espérons accueillir à terme 10 millions de clients par an, essentiellement nouveaux (70%), ce qui représenterait environ 15% de part de marché.

 

Le réseau n’est-il pas saturé ?

Au contraire, les ingrédients sont réunis pour qu’un troisième opérateur puisse élargir le champ de l’offre qui sera proposé. Nous constatons une demande de trains croissante en Europe – stimulée par plus de conscience écologique, des trains plus modernes et confortables – et par ailleurs un réseau en Italie qui poursuit son développement.

Les Italiens et le groupe FS (Ferrovie dello Sato) continuent à investir en faveur de la grande vitesse sur le territoire. C’est notamment le cas sur l’axe Turin-Venise qui n’est pas encore à grande vitesse sur l’ensemble de la ligne, entre Milan et Gênes [on mettra 40 minutes entre les deux villes à l’horizon 2030]. Vers le Sud, Naples-Bari deviendra une connexion à grande vitesse d’ici 2028.

 

Vous évoquez une offre complémentaire. En quoi l’offre SNCF se distinguera-t-elle de celles de Trenitalia et d’Italo ?

Trenitalia et Italo sont très présents en fréquence, la SNCF le sera en volume. Nos trains seront beaucoup plus capacitaires : à deux étages, ils comptent 654 places par train. Cela permettra également d’offrir des tarifs plus attractifs pour les voyageurs, et dans des trains neufs de dernière génération.

 

Mais le projet a dû être repoussé d’un an… Le 21 mars dernier, l'autorité italienne de la concurrence a ouvert une enquête pour abus de position dominante à l'encontre du gestionnaire de l’infrastructure RFI . Quelles conditions doivent être réunies pour mettre le projet effectivement en place ?

La mise en place de l’offre devrait avoir lieu d’ici 2027. Le projet a en effet dû être repoussé d’un an face à des difficultés rencontrées, notamment sur l’obtention d’un accord cadre avec RFI permettant de circuler sur le réseau. Aujourd’hui, la capacité est insuffisante pour être en adéquation avec notre business plan et le modèle industriel et commercial.

La deuxième condition est d’avoir accès aux installations existantes de maintenance des trains, qui doit être faite en Italie, comme le prévoit le système ferroviaire européen. C’est ce que nous cherchons, sans succès pour l’instant. L’autre hypothèse sera d’investir pour construire un atelier dans le Nord de l’Italie, dans le Piémont ou en Lombardie.

 

L’enquête est toujours en cours, nous espérons trouver un débouché positif dans les mois qui viennent. Nous sommes convaincus de la pertinence du projet mais aussi du droit – en vertu du droit européen – à accéder à un marché qui est ouvert aux nouveaux opérateurs.

D’autant que notre offre n’est pas une menace, à plus forte raison dans un marché en croissance. Nous en avons d’ailleurs l’exemple sur d’autres marchés en Europe : une nouvelle offre induit un effet stimulant pour tous les opérateurs.

Comme cela est le cas de Trenitalia en France…

En effet, lorsque Trenitalia a créé son offre en 2021 entre la France et l’Italie, le trafic a doublé. Aujourd’hui, nous avons deux fois plus de trains et tous sont pleins. En France, Trenitalia est également présent avec succès sur le Paris-Lyon et le Paris-Marseille.
Dans le cadre d’une demande croissante en Europe, on observe cette même dynamique positive en Espagne, ou encore entre la France et l’Allemagne. Le projet doit donc être vu comme une réponse positive et nous sommes impatients de pouvoir offrir ce nouveau service en Italie.

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