Alors que le savoir-faire représente un atout fondamental pour la compétitivité, par Décret Législatif (n.63/2018) transposant la Directive UE (2016/943), le législateur italien est intervenu sur la règlementation en matière de secrets des affaires qui bénéficient aujourd’hui d’une protection supplémentaire.
L’Italie, dont le tissu économique comprend de nombreuses entreprises industrielles haut de gamme, était déjà pionnière d’une protection avant-gardiste du secret des affaires. Et le nouveau décret législatif vient ajouter une protection supplémentaire aux secrets des affaires.
Si auparavant les juges appliquaient les règles générales sur la concurrence déloyale, avec l’adoption en 2005 du Code de la Propriété Industrielle, les secrets des affaires avaient trouvé un statut autonome en tant que droits de propriété industrielle bénéficiant de mesures de protection spécifiques.
S’il est vrai qu’au lendemain de l’adoption de la directive en la matière, un retour en arrière avait été craint par rapport aux règles déjà existantes et aux développements jurisprudentiels autour de celles-ci, de nouveaux éléments sont venus renforcer la protection des secrets des affaires.
Quelles sont les informations susceptibles d’être protégées ?
Sont protégés en tant que secrets des affaires les informations d’entreprise et le savoir-faire technique, industriel et commercial qui sont secrets (c’est-à-dire non connus d’une manière générale, ou aisément accessibles, aux experts du secteur) et qui, en tant que tels, revêtent une valeur commerciale, pourvu qu’ils aient fait l’objet de mesures de protection raisonnables de la part de leur détenteur légitime.
Pour se conformer au lexique de la directive, l’ancienne dénomination « informations d’entreprises » a été remplacée par « secrets des affaires » (même si aucune modification n’a été apportée à la définition de l’objet de la protection), ce qui selon certains auteurs, permettrait d’étendre l’application de ces règles non seulement aux entreprises mais à toute personne ayant développé un savoir-faire pouvant être utilisé dans des activités commerciales ou industrielles.
Afin de pouvoir bénéficier de la protection de la loi, le détenteur devra évidemment prévoir des mesures de protection des secrets tant du point de vue technique et organisationnel (tel que protocoles internes et systèmes de gestion de la sécurité des informations) que sur le plan contractuel (introduisant des obligations de confidentialité renforcée avec les salariés, collaborateurs et partenaires commerciaux).
Elargissement des actes punissables
Les secrets des affaires continuent d’être protégés contre toute acquisition, utilisation et divulgation abusives. Mais avec la transposition de la directive, non seulement les conduites dolosives sont punies, mais également désormais celles fautives. En effet, est responsable toute personne qui, lors de l’acquisition, utilisation ou divulgation de secrets des affaires, savait, ou aurait dû savoir, que ces informations avaient été obtenues, directement ou indirectement, par un tiers de façon illicite.
De plus, aujourd’hui la violation d’un secret des affaires contamine toute production ou commercialisation de produits ayant été réalisés ou mis en vente à partir d’informations que leur auteur savait (ou aurait dû savoir) avoir été obtenues ou utilisées de façon illicite.
Contrairement au texte français (loi n° 2018-670) qui, fidèle à la directive, prévoit de façon expresse des exceptions à la protection du secret des affaires (telle que le signalement de conduites illicites) ainsi que les cas de détention légitime (découverte et création indépendante et le « reverse engineering »), le législateur italien n’a pas règlementé ces cas de figure qui font, quoi qu’il en soit, partie de l’acquis jurisprudentiel.
Protection dans le cadre des procédures judiciaires et nouvelles mesures en cas de violation du secret des affaires
Des principes qui étaient déjà appliqués par les juges dans la pratique ont maintenant été codifiés. Il est en effet reconnu aux juges le pouvoir d’imposer des obligations de confidentialité aux personnes intervenant dans la procédure ainsi que de limiter le droit d’accès aux documents du dossier et la participation aux débats.
En outre, au lieu des mesures correctives et des sanctions déjà envisagées (telles que l’interdiction de la mise en vente des produits objet de la violation ou leur destruction), à la demande de l’auteur de la violation, le juge, sous certaines conditions (notamment le fait que l’auteur ignorait que les secrets avaient été obtenus de façon illicite), peut ordonner le versement d’une indemnité équitable.
De même, à titre de mesure conservatoire, toujours à la demande de l’auteur de la violation, le juge peut autoriser ce dernier à continuer à utiliser les secrets sous versement d’un dépôt de garantie.
Au contraire de la France, on ne retrouve pas, en revanche, de sanctions en cas de procédures dilatoires ou abusives.
Protection pénale
Si la loi française n’a pas introduit de volet pénal, le législateur italien a tenu à préciser l’application aux secrets des affaires des délits d’inexécution dolosive de mesures judiciaires et de divulgation de secrets scientifiques ou commerciaux (ce dernier puni d’emprisonnement jusqu’à deux ans, augmentés en cas d’utilisation de moyens informatiques).
En collaboration avec Nicola Lattanzi, Avocat au Barreau de Milan – Pirola Pennuto Zei & Associati