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Visite de Milan à travers ses peintres futuristes

le bâtiment du musée du novecento àmilanle bâtiment du musée du novecento àmilan
Palais de l'Arengario, Musée du Novecento | @Fred Romero - Flickr
Écrit par Jill Bordellay
Publié le 27 janvier 2022, mis à jour le 27 janvier 2022

De la Pinacothèque de Brera au Museo del Novecento de Milan, visite guidée sur les traces des peintres futuristes Marinetti, Umberto Boccioni, Giacomo Balla et Carlo Carra. Et décryptage du mouvement futuriste né en Italie, qui se projette en avant.


Avec le concept de “futurisme” nous nous projetons en avant. Les peintres futuristes vont en cela, tracer les instants d’un présent immédiat liés à ceux d’un futur déjà présent par le mouvement. Dans le prolongement du cubisme, le futurisme est né en Italie en 1909 et se caractérise par une recherche de l’expression picturale du mouvement. On peut y voir une géométrisation des formes apparentée à la fascination des machines, de la vitesse et de la décomposition du mouvement.

Le peintre Filippo Tommaso Marinetti publie le Manifeste du futurisme (1910) dans lequel il montre que les artistes futuristes cherchent à décomposer le mouvement, à faire voir chaque étape de celui-ci. Avec la photographie, l’instantané donne à voir un instant arrêté, c’est ainsi que de nombreux artistes vont prendre comme support des recherches photographiques pour étudier la décomposition du mouvement c’est le cas du Nu descendant l’escalier de Marcel Duchamp. A partir de ce tableau, Duchamp développe des formes plastiques et les thèmes de recherches futuristes. Si le temps n’existe pas comme peut le démontrer la physique quantique alors pourquoi ne pas représenter ce que l’on appelle le présent en même temps ce que ce l’on nomme le futur ? Le temps n’est-il pas alors une illusion optique ?  En cela, les futuristes ont matérialisé cette illusion temporelle.

Lorsque Umberto Boccioni rencontre à Milan les divisionnistes tels que Giacomo Balla (1871-1958), Carlo Carrà (1882-1966), Filippo Tommaso Marinetti (1876-1944), Luigi Russolo (1885-1947) et Gino Severini (1883-1966), le but est de libérer des modèles et des traditions figuratives du passé et de se tourner vers le monde contemporain, dynamique, vivant, en constante évolution. Il est vrai que le passé n’existe plus, le mouvement va toujours vers l’avant.

 

tableau futuriste La Città che sale de Boccioni
La città che sale (1910), Umberto Boccioni | Flickr


L'évolution fulgurante du futurisme en Italie et à Milan

Umberto Boccioni voit le jour en Calabre le 19 octobre 1882. Adolescent il commence à manifester son goût pour l’art. Il rencontre Balla et se met à fréquenter le milieu artistique à Rome. C’est aussi à cette époque qu’il fait la connaissance de Gino Severini. Il voyage en France et en Russie puis vers 1907 il s’installe à Milan qui est la ville la plus riche et la plus mouvementée d’Italie où il trouve un véritable ancrage pour vivre et pratiquer son art. L’art nouveau devra avoir des formes et un contenu nouveaux, correspondant à la sensibilité visuelle du monde moderne et aux extraordinaires nouveautés scientifiques et mécaniques.

Son chef-d'œuvre réalisé à Milan est La città che sale - la ville se lève (1910). Il peint ce tableau d’après la vue de Milan qu’il avait depuis son balcon, ce tableau est la première œuvre futuriste de l’artiste. L’exaltation visuelle de la force et du mouvement, dont les protagonistes sont des hommes et des chevaux et non à des machines.
Boccioni, chantre d’une révolution picturale

Avec l'œuvre intitulée Rixe dans la galerie, à admirer à la Pinacothèque de Brera à Milan, l’artiste écrit : “Tout bouge, tout court, tout surgit rapidement”...”Une figure n’est jamais stable devant nous, elle apparaît et disparaît sans cesse”. Ce tableau est l’épicentre de la vie sociale milanaise. L’artiste utilise encore la perspective traditionnelle à partir d’un point de vue éloigné, placé en hauteur, il ne s’est pas encore rapproché du centre du tableau pour y impliquer directement l’observateur. Parfois présenté comme un épisode à résonance politique, l’affaire illustrée dans le tableau relève du banal fait divers, un crépage de chignons. A défaut de chanter : “Les grandes foules agitées par le travail, le plaisir ou la révolte ; les ressacs multicolores et polyphoniques des révolutions dans les capitales modernes ; la vibration nocturne des arsenaux et des chantiers sous leurs violentes lunes électriques.”

 

tableau futuriste de Boccioni
Costruzione spiralica, Umberto Boccioni | @Sailko wikimedia commons

 

Avec le tableau intitulé Costruzione spiralica - Construction en spirale (1913), à voir au Museo del Novecento à Milan, l’artiste quitte “la ressemblance” et veut synthétiser tous les moments de l’existence. L'œuvre sera représentée sous ses aspects les plus variés, dans l’espace et dans le temps selon les éclairages. La révolution en peinture est comme dans la vie : il y a des massacres, la forme n’importe plus, seule l’énergie du mouvement emporte les couleurs dans une troisième dimension que la peinture futuriste donne à voir.


Milan conserve les œuvres des peintres futuristes

Avec le tableau de Giacomo Balla intitulé Ragazza che corre sul balcone - fillette courant sur un balcon conservé au Museo del Novecento à Milan, l’artiste s’inspire des chronophotographies d’Etienne-Jules Marey et des travaux d’un chimiste et d’un mathématicien. Dans cette œuvre aucune référence spatiale n’est discernable. Les couleurs vibrent par la fusion des éléments isolés - fillette, balustrade, cadre de la porte -.

Jusqu'au 13 mars 2022, la Galerie d'Art Moderne de Milan (GAM) consacre un focus approfondi à cette œuvre, parmi les plus significatives de Giacomo Balla, à l'occasion du 150e anniversaire de la naissance de l'artiste. Il s’agit de l’une des premières œuvres de Balla, qui marque le passage de l’artiste du divisionnisme à la recherche sur le mouvement, qui trouvera son plein épanouissement dans la phase futuriste du peintre.

 

Tableau futuriste de Giacomo Balla
Ragazza che corre sul balcone, Giacomo Balla


Que ce soit Carlo Carra avec la détrempe sur papier intitulée : La vitesse décompose le cheval  (collection privée Ricardo et Magda Juker à Milan) ou Gino Severini avec Expansion sphère de la lumière “centrifuge” (collection privée Ricardo et Magda Juker à Milan), la recherche est bien celle de la vitesse et non des objets - le cheval ou la sphère. En les évoquant subtilement avec des courbes en spirale, ils utilisent la technique du divisionnisme - chromo-luminarisme - qu’ils mettent au service de la représentation du mouvement, on peut alors parler d’une construction chrono photographique, ce qui produit un effet proche de l’illusion d’optique.

 
Pour les futuristes, le mouvement dans son acception la plus simple, c'est-à-dire le déplacement d’un objet dans l’espace et la représentation simultanée de ses différentes phases sont le fondement même de l’art. Les théoriciens du futurisme affirment dans le Manifeste : “ Un cheval en pleine course n’a pas quatre pattes : il en a vingt et leurs mouvements sont triangulaires [..] Le geste ne sera plus pour nous un moment arrêté du dynamisme universel : il sera décidément la sensation dynamique éternisée comme telle. Grâce à la pertinence de l’image sur la rétine, les choses en mouvement se multiplient, se déforment, en se succédant, comme des vibrations, dans l’espace qu’elles parcourent”.   

Dynamisme d’un cycliste (collection Peggy Guggenheim) est l’un des tableaux les plus heureux de Boccioni, longuement préparé par une série de dessins qui, partant de la réalité objective, l’abandonnent petit à petit en la décomposant en lignes-forces simultanées. Le tout réalisé sans effort apparent.

 

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