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Notre playlist Paris-London : la révolution sixties

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Eric Nopanen - Unsplash
Écrit par Stéphane Germain
Publié le 8 février 2021

LePetitJournal.com propose cette semaine, à défaut de pouvoir aller choper des acouphènes à un concert, une playlist par jour. Embarquez pour un aller-retour entre Paris et Londres dans cette série qui vous fera découvrir ou redécouvrir chacune des décennies, des sixties à nos jours.

 

David McCallum - The Edge, 1968 

 

Si le nom vous dit quelque chose, c’est que l’écossais né en 1933 s’est fait connaître du grand public à la télévision en incarnant l’agent secret russe Illya Kouriakine dans la série des années 60 Des agents très spéciaux et, plus récemment, le médecin légiste Ducky dans NCIS : Enquêtes spéciales. Fils du premier violon à l’orchestre philharmonique de Londres, le jeune David délaisse la musique au profit de sa carrière d’acteur.

Pour autant, il offre au paysage musical quelques créations extravagantes qui doivent beaucoup au producteur de légende, David Axelrod. Ensemble, ils créent quatre albums dans les années 60. Parmi eux, le titre le plus connu sorti en 1968, The Edge, sera samplé pour fournir son gimmick en faveur de l’un des plus célèbres titres de rap des deux dernières décennies, Still D.R.E. de Dr. Dre. Une reprise loufoque pour le plaisir des curieux du sampling.

 

Michel Legrand - Le joli mai, 1963

 

Via cette magnifique composition, Michel Legrand prodigua à Chris Marker la musique de son film Le Joli Mai paru en 1963. Dans ce film qui raconte un Paris au sortir de la Guerre d’Algérie, le réalisateur questionne la vie ordinaire des français. A quoi pensent-ils ? De quoi rêvent-ils ? Chef-d'œuvre de la nouvelle vague narré par Yves Montand, Le Joli Mai s’offre, en plus, un compositeur de renom.

La légende voudrait que le réalisateur français n’ait laissé à Michel Legrand que très peu d’indications quant au résultat souhaité. Il aurait simplement laissé le compositeur seul pendant deux jours dans une pièce fournie d’un grand nombre d'instruments de musique. Chris Marker ne lui aurait alors envoyé que des morceaux de phrases hors de leurs contextes tels que “Un jour de printemps, il fait tellement chaud que les gens marchent doucement dans la rue”, censés inspirer l’auteur de Les Moulins de mon Coeur

 

Wimple Winch - Lollipop Minds, 1966 

 

Les Wimple Winch ont exploré tout au long de leur carrière différents styles musicaux allant du rock psychédélique au punk. C’est pourtant dans le freakbeat que le quatuor s’illustre le mieux.

Four Just Men, puis Just Four Men, les Wimple Winch n’acquièrent leur nom définitif qu’au terme de leur collaboration avec l’iconique studio Abbey Road après l’enregistrement de deux titres. Leur seconde sortie, Save my soul, plus punk, rencontra un franc succès à l’international mais peina à s’implanter dans les bacs britanniques de 1966. Après des années de tournée, le groupe finit par se séparer en 1967.

 

Johnny Hallyday - Réclamation, 1969

 

Cinquième titre de l’album sorti en 1969, le titre Réclamation est défini dans un article du Point comme la période “british blues” du regretté rockeur français. Effectivement, le morceau est composé par deux membres du groupe britannique The Small Faces, Steve Mariott et Ronnie Lane. Johnny Hallyday y est également accompagné de la pointure Peter Frampton, qui formera le groupe Humble Pie avec Steve Mariott des suites de cette collaboration avec Johnny.

C’est en 2013 que l’infatigable showman joue ce titre en live pour la première fois dans l’intimité d’une soirée privée, 44 ans après sa sortie. Dans ce titre relativement méconnu, Johnny Hallyday crie sa haine du monde :

Ma mère m’a offert ce monde

Et moi, je n’en veux pas, non !

Non, ce genre de cadeau

C’est bon pour ceux qu’on n’aime pas

Ça sent la poudre et le sang

Ça sent la sueur et l’argent

Remboursez-moi

Je ne veux pas de ce monde-là

 

Nirvana - Satellite jockey, 1967

 

Le groupe anglais Nirvana (non, pas celui-là !) de la fin des années 60 racontaient dans leur premier album The Story of Simon Simopath l’histoire du personnage éponyme. Premier album-concept, on y suit Simon de la vie jusqu’à la mort.

Tutoyant la dépression et rêvant d’une paire d’ailes après une vie morne où il traîna ses godasses du harcèlement scolaire à l’ennui au travail, Simon ne trouve pas l’aide psychiatrique qui l'extirperait de sa morosité visqueuse. Tout finit pourtant par s’arranger pour le taciturne, qui s’envole à bord d’une fusée et rencontre un ami centaure et sa future femme, une déesse du nom de Magdalena. Faut-il lire, dans cet album du groupe homonyme du Nirvana de Kurt, une critique psychédélique de l’aliénation de la société de l’époque ? Probablement. Cela dit, en 2021, on ne dirait pas non à un voyage à bord de cette fusée.

 

Joe Dassin - Marie Jeanne, 1967

 

Ovni dans le répertoire du chanteur français du milieu du siècle, Marie Jeanne ne comporte pas de refrain. Dans cette œuvre traduite et adaptée du titre américain Ode to Billie Joe de Bobby gentry, le texte s’y déroule comme le récit d’un roman. Marie Jeanne ressemble à une fable goguenarde où l’on apprend pourtant le suicide d’une femme éponyme au cours d’un déjeuner ordinaire. La désinvolture des autres protagonistes face à cette terrible annonce est déroutante : le couplet “Maman m'a dit "enfin mon grand, tu n'as pas beaucoup d'appétit” arrive juste après l’évocation par le frère du protagoniste, de sa consternation face à l'événement. Certaines interprétations y lisent le désintérêt face à la mort d’une femme considérée comme de petite vertu. A l’époque, “Elle n’était pas très maligne”, pouvait être fréquemment entendu au sens du fameux “elle l’avait bien cherché.”

 

Fairport Convention - Autospy - 1969

 

Dans cet album, le groupe Fairport Convention renoue avec l’Angleterre, après avoir fait état jusqu'alors de ses influences américaines. Si Who knows where the time goes est devenu le titre le plus marquant de l’album (il sera repris par Nina Simone et Judy Collins), la mélancolie et la tristesse d’Autopsy ne laisse personne de marbre. La voix Joni Mitchell-esque de Sandy Denny est transcendante. Dans une résignation douloureuse mais toute en douceur, Autopsy ressemble à une épaule pour pleurer. Avec des variations de rythmes qui surprennent tout du long, le morceau vit, meurt et ressuscite plusieurs fois tout au long de l’écoute. Le solo de guitare, joyau sans prétention mais tellement perforant, finit de parachever son audience avant l’autopsie.

 

Jane Birkin & Serge Gainsbourg - 69, année érotique, 1969

 

Dans une émission consacrée au cultissime titre, LCI décrivait 69, année érotique comme “cette oeuvre d'art, qui existe depuis 50 ans, rappelle l'époque où la France et la Grande-Bretagne célébraient leurs amours”.

Premier album à sublimer sa muse londonienne Jane Birkin, les amoureux naviguent ici en eaux chaudes, entre riffs psychédéliques et voix langoureuses et traînantes. Serge Gainsbourg, en bon visionnaire turbulent de son époque, surfe sur la vague de la libération sexuelle qui déferle sur deux pays encore baignés dans 1968. Dans une interview donnée au Monde en 2013, Jane Birkin confiera “C'était un provocateur avec une âme follement romantique”. Depuis plus de cinquante ans, les braises de 69 année érotique n’ont pas refroidi et continuent de nous parler d’amour, entre autres choses.

 

The Rolling Stones - Honky Tonk Women, 1969

 

Ce dernier titre du légendaire groupe anglais sort quelques jours à peine après la mort du premier leader du groupe, Brian Jones. Il symbolise donc l’arrivée de Mick Taylor au sein des Stones. Taylor s”empare de la version country originale du morceau inspirée d’une des idoles du groupe, Hank Williams, pour la faire évoluer en un titre tellement plus rock’n’roll.

Connus pour leur écriture lubrique, les Stones ont dû user d’ingéniosité pour que le morceau ne soit pas banni des ondes radios de la BBC. Honky Tonk Women est donc un titre dégoulinant de sexualité, tout en ne l’exprimant qu’indirectement à coup de suggestions et de sous-entendus (dans "She blew my nose and then she blew my mind", il faut entendre...cocaïne et sexe). Ce n’est qu’ainsi que sa diffusion a finalement eu lieu sans encombre.

 

Georges Brassens - Marquise, 1962

 

Ce titre interprété par Brassens est une reprise du poème Stances à Marquise de Corneille. Fou d’amour pour elle, Corneille lui fait une cour incessante mais se dispute ses faveurs avec son propre frère. Tous deux lui écrivent de nombreux vers, mais cette parade nuptiale s’effectuera en vain, et Marquise ne répondra aux avances ni de l’un, ni de l’autre.

Le mutin artiste français s’est alors amusé à tronquer le poème de ses deux dernières strophes, pour y greffer un quatrain humoristique écrit milieu du XXe siècle par le romancier Tristan Bernard, qui s'était essayé à supposer la réponse que la Marquise aurait pu fournir au poète :

Peut-être que je serai vieille,

Répond Marquise, cependant

J'ai vingt-six ans, mon vieux Corneille,

Et je t'emmerde en attendant.

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