L’histoire de Gaston Savina, chef privé français installé au Royaume-Uni, est celle d’un homme qui n’a rien à perdre… et tout à gagner. Finaliste de MasterChef UK 2024, il conquiert le cœur de milliers de Britanniques. À vos fourneaux ! Partons à la découverte d’une personnalité hors du commun, prête à bousculer les plus grands chefs français : "J’ai fait manger des escargots à 140 personnes en même temps, c’est du jamais vu !"


10 décembre 2024, l’émission MasterChef UK bat son plein. Les chefs sont sous pression : le titre de meilleur cuisinier du Royaume-Uni est en jeu. Parmi eux, un jeune Français se distingue par sa créativité, son adaptation, mais aussi par un chauvinisme français qui a séduit de nombreux Britanniques. Les plats prennent forme. Chaque cuisinier transpire sous la pression dans cette dernière ligne droite. D’un coup, la caméra se tourne vers le Français. Il a les mains sur la tête, effaré. Il vient de renverser la sauce sur laquelle il avait mis tous ses espoirs. Il n’aura plus le temps d’en refaire une autre. Et ça, c’est tout Gaston Savina : talentueux, audacieux, mais toujours humain.
“Humainement, je ne croyais pas du tout arriver jusque-là. Ce qui a fait ma force, et que les Britanniques sont toujours prêts à découvrir. J’ai fait manger des escargots à 140 personnes en même temps, c’est du jamais vu.” Cette bienveillance venue d’Outre-Manche a été une agréable surprise pour Gaston : “Être valorisé dans le pays dans lequel tu vis est la meilleure sensation, j’ai eu l’impression que le Royaume-Uni me faisait un câlin, le temps d’un instant”.
Entrée : Un Frenchie en amuse-bouche
Gaston Savina est un jeune chef privé installé à Londres, connu jusque-là pour sa participation à Top Chef, en France (saison 14). Son approche ? L’absence de limites. Influencé par ses racines familiales, il mêle tradition et luxe, avec une attention particulière à l’art de la table et au savoir-recevoir à la française. Chef queer assumé, il évoque la place des minorités dans le monde de la cuisine et défend l’inclusion, tout en dissociant son engagement personnel de son travail.
Gaston, en trois mots, c’est… de la création : "qui m’accompagne dans ma cuisine, dans ma personnalité, parce que je m’inspire de ce qui m’entoure", du cosmopolitisme : "qui a d’ailleurs suffi pour me faire rester à Londres", et enfin un certain chauvinisme, bien français : "car la France me manque, et quitter le pays te fait réaliser à quel point tu l’aimes."

Plat de résistance : MasterChef UK, un défi saignant (façon bœuf Wellington)
“À chaque fois, j’étais prêt à partir..." L’aventure MasterChef UK a été un véritable parcours semé d’embûches pour Gaston Savina, entre le stress des éliminations, la difficulté des épreuves et la peur de ne pas être à la hauteur. Mais à chaque fois, quelque chose le retenait : "Il y avait un vrai contraste entre la production ultra-neutre de la BBC, qui me mettait à l’aise, et la diffusion, où les spectateurs attendaient à tout prix que je fasse ressortir le Français en moi."

Et pourtant, il n’a jamais eu à forcer le trait. “La production me disait simplement “Be yourself” (sois toi-même, ndlr), et cela vous met tout de suite hyper à l’aise.” Mais détrompez-vous, il n’était pas question d’être le Français caricatural que l’on attend parfois lors de ces émissions. “Je n’ai jamais eu de fierté à être plus français que les autres. Ce que je voulais, c’était montrer des valeurs, pas des clichés. Les gens pensent toujours que la France est le pays des escargots… alors qu’en vrai, nous n’en mangeons pas tant que ça !” Résultat, il brille d’ingéniosité tout au long de la compétition et arrive jusqu’en finale, où le drame de la sauce* survient.
Le billet de Gaston Savina : Masterchef UK, la recette du succès ?
“Là où Top Chef (émission française) s’intéresse avant tout à la technique et au parcours, MasterChef UK a une approche plus humaine. Outre-Manche, seules vos compétences comptent. D’ailleurs, les différences entre les deux expériences sont frappantes. Au Royaume-Uni, étant de nature assez extraverti, la BBC m’a mis à l’aise de manière extrêmement bienveillante. Et même au niveau des internautes, pas un seul commentaire négatif malgré des centaines de milliers de réactions. En revanche, dans l’expérience Top Chef, j’avais déjà reçu des messages homophobes, dès les premiers épisodes. En France, les gens aiment partager leurs émotions… toutes leurs émotions."
Plateau de fromages : Un goût de France après MasterChef
Depuis MasterChef, Gaston Savina a vu son activité évoluer, passant d’une forte activité de chef privé et de cours de cuisine, à une spécialisation dans des événements privés. Outre-Manche, la tendance est différente de celle en France : “Ici, il est courant d’avoir des ‘ménagers de maison’. Avoir un chef privé n’est pas un véritable luxe, mais plutôt une manière d’offrir du confort, l’espace d’une soirée.” L’évolution dans le métier n’empêche pourtant pas les Britanniques d'exceller dans l’art de recevoir. “Ils ne sont pas forcément des grands chefs, mais ils savent vraiment comment accueillir. Leur manière de cuisiner est plus décontractée qu’ailleurs.” Son approche du "sur-mesure" est aussi devenue centrale depuis l’émission. “Les gens ont beaucoup d’attentes, et c’est là que je fais la différence. Je ne vois pas là une contrainte, mais un terrain de jeu pour laisser place à ma créativité.”
L’argent n’a jamais été la priorité de Gaston. Ce qui lui importe est la croissance personnelle et professionnelle : “Je veux que tout cela dure dans le temps. Ici, contrairement à ce que certains pourraient penser, il n’y a pas de rush. Nous prenons notre temps, et cela me plaît.” Dans cette recherche de pérennité, Gaston a déjà une idée bien précise de l’avenir : “Je rêve de créer un restaurant dans un train qui traverse toute l’Angleterre, où j’inviterais tous les Français, de Newcastle à Plymouth, dans un cadre chic, mais à la cool."
“Les Britanniques ne cherchent pas à être surpris par les associations, mais à avoir de la qualité.”
Dessert : La crème anglaise revisitée version Gaston Savina
Pour ce qui est du contenu dans l’assiette, Gaston Savina observe l'évolution de la scène gastronomique britannique d’un œil unique : "Les Britanniques ne cherchent pas à être surpris par les associations, mais à avoir de la qualité. Il s’agit d’une culture du plaisir, où les repas sont plus chers, mais pour se faire plaisir." Il ajoute, d’un ton léger : "Quand ils vont au pub pour un fish & chips, c’est un peu comme nos apéros cacahuètes, une manière de se retrouver."
À tous les Français qui estiment que l’Hexagone est la terre de gastronomie par excellence, notre chef a quelques mots pour vous : “Les Britanniques font aussi la queue pour le pain au chocolat du matin. En mettant de côté les préjugés, nous partageons bien plus de points communs qu'on ne le pense." Et si vous vous demandez quel pays consomme le plus d’émissions culinaires, Gaston vous répondra fermement ; “La BBC a réussi à transformer Bake Off (émission du meilleur pâtissier britannique) en un véritable spectacle musical ! Cela témoigne parfaitement de l’engouement que les Britanniques portent à leurs séries culinaires.”
Digestif : Les meilleurs et pires moments de Gaston chez MasterChef UK
*Le pire moment : "Très facile : celui où je renverse ma sauce en pleine finale. Je n’avais plus de temps pour en refaire une, c’était fini pour moi. Quelque temps après, je suis parti aux Caraïbes pour une mission. Quelqu’un me reconnaît à l’aéroport et me crie : ‘Pourquoi as-tu renversé la sauce !’"
Le meilleur moment : "L’épreuve où il fallait cuisiner pour quelqu’un qui nous inspire. J’ai choisi Lady Gaga, alors que tout le monde choisissait des membres de leur famille. J’adore ma famille, mais je m’inspire d’eux tous les jours dans ma cuisine. Ce choix était provocateur, mais il m’a bien représenté et ça a marché."
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