L’histoire de Nathan Ravé est celle d’un Martiniquais challengé par la vie qui s’en sort toujours avec brio. Aficionados de pâtisserie, vous avez sûrement déjà entendu parler de Nathan pour son parcours exceptionnel ou sa victoire au Bake Off, le concours du meilleur pâtissier britannique. “Être français, est une chance. Je suis venu avec ma carte d’identité et sans peur du défi. Au bout du challenge, il n’y a que du positif.”, nous raconte le prodige du macaron. Nathan Ravé a remporté le Trophée Hospitality & Management des Trophées des Français du Royaume-Uni 2024.
Du BEP aux premiers pas dans la pâtisserie
Originaire de Martinique, Nathan Ravé grandit entre Paris et Rennes. Il commence par un BEP en boulangerie en un an, mais la pâtisserie est une passion qui le réconforte :
Je voulais vraiment faire de la pâtisserie. Ce lien vient de ma grand-mère.”
Pendant huit ans à Paris, il peine à entrer dans une grande maison à cause d’un manque d’expérience, mais aussi de sa couleur de peau : “Dans les années 90, les personnes de couleur n'étaient pas représentées dans ce monde-là. J’ai finalement réussi à trouver un travail au Paris Golf Country Club, où Nicolas Sarkozy venait parfois déjeuner.” La première étape d’un parcours dans la pâtisserie de luxe.
Après avoir travaillé dur et être devenu papa, Nathan a envie d’ailleurs. Il voit deux annonces : une chez Leclerc (le supermarché) et une dans un club de jet-set. “Leclerc ne m’a jamais répondu, mais le club de luxe m'a répondu tout de suite,” nous raconte-t-il avec dérision. “J'avais seulement une année d'apprentissage pour un poste qui en demandait quatre. J'ai travaillé dur, je restais plus tard pour me mettre à niveau et j'ai appris beaucoup. Passer du BEP pâtissier à ce club, c'était une réadaptation nécessaire.”
“Je suis parti à Londres avec 92 pounds en poche”
Peu après ces expériences, Nathan retourne en Bretagne. Alors qu’il est en pleine rupture sentimentale, il part, sur un coup de tête, outre-Manche : “Je ne voulais même pas y aller,” raille-t-il. “Le climat m'intéressait parce qu’il était morose. Mais surtout la ville était à côté. Je suis littéralement parti avec deux jeans, un t-shirt et 92 pounds en poche.” Fraîchement arrivé, Nathan ne peut pas compter jusqu'à 10 en anglais, car il n’a pas suivi ses cours assidûment, un détail important pour la suite de l’histoire.
Sur place, il cherche un emploi du lever au coucher du soleil et obtient un entretien… chez Harrods ! “Je me prépare comme je peux, mais je ne pouvais même pas dire ‘please’ ou ‘thank you’.” Le talent (à la française) parle plus que les mots : “le chef me propose une place de sous-chef au sein d’un des plus prestigieux établissements du monde." Une offre qu’il… décline ! “Je n’étais pas prêt. Ils m’ont proposé un poste avec 35 personnes à manager, mais j’ai refusé, car je désirais une position à la hauteur de mes compétences en anglais."
Lors de l’essai, je n’avais pas besoin de lire les recettes, la culture de la pâtisserie française m’a sauvé. J’étais en totale improvisation.”
Le prestige international de la pâtisserie au cœur de Londres
En acceptant une offre moindre, Nathan supervise six personnes sans avoir aucune idée d'où il met les pieds. Le retour aux bases s’impose et il demande à sa mère de lui envoyer des cahiers de vacances, niveau 6ème pour apprendre l’anglais. Avec le temps chez Harrods, son expérience évolue : “Je passe de six à douze puis trente-cinq employés à manager.”
Pendant huit ans, Nathan ne compte pas ses heures et la prestigieuse maison le lui rend bien. Le pâtissier crée un partenariat avec une école de Nantes :
J’ai voulu ouvrir les portes d’Harrods aux apprentis pâtissiers français. Nous sélectionnons en stage les plus assidus en anglais et après examens, nous offrons une place de commis au plus motivé, afin qu’il puisse intégrer nos équipes à Londres.”
Les grands noms et prestigieux hôtels s’enchaînent
En 2016, Nathan quitte Harrods et intègre un des plus gros hôtels de Londres : The Landmark Hotel : “Je n’arrive pas à négocier la place de chef pâtissier, mais plutôt celle d’adjoint. Je passe de 12h à 16h de travail par jour. J’arrive rapidement à faire des semaines interminables et je finis par partir, sans rien. Un peu comme je suis venu.”
La force de Nathan est de frapper un grand coup, à chaque déception. Une semaine après son départ prématuré du Landmark, il est contacté par les équipes de Rothschild qui recherchent un chef pâtissier : “C’était un défi, car je devais imaginer un nouveau dessert chaque jour. Les cuisines étaient au dixième étage d’une banque d’affaires privées.” Sans faire d'essai, il se lance, épaulé par une équipe 100 % française.
Au bout de huit mois, j’arrive au bout de ce que je peux faire, je ne savais plus quoi inventer. Se creuser la tête a été ma motivation pour aller plus haut et je suis resté deux ans, car ce challenge m’animait.”
En 2018, Nathan prend une place de chef pâtissier au Sanderson Hotel, un établissement 5 étoiles qui a le vent en poupe avec plus de 250 personnes présentes pour l’afternoon tea chaque samedi et toute l’année. Vient alors le confinement.
Le meilleur pâtissier de Londres est français et s’appelle Nathan Ravé !
Après autant d’expériences, il est facile d’imaginer que notre pâtissier s’est fait une réputation dans le milieu, ce qu’il affirme : “Les gens me demandaient souvent de faire le Bake Off (concours du meilleur pâtissier britannique,ndlr), mais les caméras et les projecteurs ne m'intéressaient pas." Comme l’excitation du challenge est plus forte que tout… “Un matin de confinement, je me suis levé et j'ai décidé d’y participer.”
Il prépare donc le casting 2022 avec une coéquipière, qui se désiste juste avant le début du concours. Comme la vie est bien faite, c’est finalement un des jeunes pâtissiers nantais, qui avait fait un stage chez Harrods, qui participera avec lui. Le pâtissier profite de la pandémie pour se préparer. Comme si ce n’est pas assez, il décide, dans le même temps, d’entamer un master anglais en management de restauration.
L'épisode 10 du Bake Off en intégralité, juste ici !
À chaque tour du concours, un duo est éliminé. Très rapidement, le vent tourne en faveur de nos Frenchies. “Nous passons des outsiders aux favoris, et je sais que nous irons au bout.” Après 9 épisodes et 10 semaines de labeur, Nathan et son commis Kevin, gagnent le Bake Off. Un moment d’histoire puisque jamais une équipe n’avait gagné 7 épisodes sur 8. Qui plus est, jamais un duo français indépendant ne s'était imposé. Une bonne nouvelle n’arrive jamais seule : “J’ai obtenu mon master, avec 16 de moyenne.”
Un avenir fait de littérature et d’enseignement ?
Avec ces belles histoires, notre pâtissier s'est lancé dans l’écriture d’un livre : “Un projet qui me prend tout mon temps, six jours sur sept depuis un an, pour partager mon parcours de vie et des recettes orientées vers le bien-être conçue pour diminuer la culpabilité et satisfaire la gourmandise”. En contradiction avec ce qu’il pensait en arrivant, aujourd’hui, il adore l'Angleterre et sa culture : “Où j'ai trouvé plus de chances et moins de discriminations qu’en France.”
Mais finalement quelle est la recette du succès pour notre pâtissier ? : “Aux générations futures, je dirais que la vie ne se résume pas à l’argent ou à l’emploi, mais aux challenges. Être français est une chance. Je suis venu avec ma carte d’identité et sans peur du défi. Les obstacles de la vie ne sont que des détours dans la bonne direction. Au bout du challenge, il n’y a que du positif.”
Nathan Ravé, lauréat du Trophée Hospitality & Management
Nathan Ravé a remporté le Trophée Hospitality & Management des Trophées des Français du Royaume-Uni, remis par Vatel. Le pâtissier nous a confié : "Recevoir cette distinction est une belle reconnaissance qui récompense mon travail et mon engagement. C'est un réel plaisir de voir mes efforts mis en lumière et de faire partie des lauréats cette année. La vie est un défit permanent. Recevoir ce trophée dans la catégorie Hospitality et tourism représente la récompense pour 17 années de remise en question pas toujours faciles, que je me suis efforcé de relever.
Ce prix incarne la résilience de tous ceux qui, comme moi, sont venus aux Royaume-Uni en quête d'une bouffée d'oxygène pour redéfinir leur horizon. La ténacité est un remède contre la monotonie. Elle me rappelle l'importance de savourer la vie même lorsque le chemin semble incertain.
Je suis également reconnaissant envers toutes les personnes qui m'on dit "non" car grâce à elles, je l'ai fait par moi-même. Enfin, Je tiens à remercier mes proches : sans leur soutien indéfectible je ne serais pas là aujourd'hui."