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Christophe Boltanski : Une nuit au musée face à l'histoire coloniale belge

Le célèbre auteur français, Christophe Boltanski, s'est rendu samedi 3 juin à la librairie La Page de Londres, pour discuter de son dernier roman : King Kasai. L’auteur y raconte sa surprenante nuit passée dans l’Africa Museum, près de Bruxelles, musée anciennement à la gloire du Congo-belge.

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Christophe Boltanski à la librairie La Page pour son livre King Kasai
Écrit par Ewan Petris
Publié le 6 juin 2023, mis à jour le 6 juin 2023

Comment peut-on décoloniser l’histoire coloniale ? Voici une question qui intrigue Christophe Boltanski, célèbre auteur français, dès l’été 2013 ; tandis que l’Africa Museum de Tervuren (Bruxelles) ferme ses portes pour travaux. Le but de cette entreprise ? « Décoloniser les lieux ». 

La curiosité de Christophe Boltanski l'a conduit à passer une nuit dans les mystérieux recoins de l'Africa Museum, anciennement connu sous le nom de « Musée du Congo-belge » et ayant connu plusieurs changements de nom au cours de l'Histoire. Ce choix a été influencé par divers événements liés à la colonisation qui ont marqué Boltanski. Les manifestations de George Floyd et les événements de Bristol, qui étaient des mouvements antiracistes, ont suscité chez lui une réflexion sur la force des actions coloniales.

L’ancien journaliste explique dans son processus d’écriture, qu’il cherchait « à être enfermé »de lui-même, en plus de la recherche : « d’une présence hantée d'un lieu imprégné d'histoire ». Le musée bruxellois, qu'il avait découvert dans l’écriture de son roman Mineraie de sang , symbolise ces deux idées. Ni une, ni deux, l’auteur prend une décision : passer toute une nuit, seul, au sein du musée. Ainsi est né King Kasaï.

 

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La collection C.Boltanski à la librairie La Page / Cdt : EP

 

Une entreprise unique, pour raconter l’histoire d’un musée particulier 

En plus de l’histoire coloniale qu’il abrite, ce musée recèle d’autres secrets : « Ce musée est ethnographique avec des masques, des artefacts, mais il représente aussi un musée d'histoire naturelle, abritant dix millions d'espèces », révèle l’auteur. Ainsi, King Kasaï est un roman mêlant plusieurs objectifs : un voyage d'exploration et un écho à Au cœur des ténèbres de Joseph Conrad, témoin des atrocités commises au Congo. Selon Christophe Boltanski : « Descendre dans le musée était comme remonter le temps, plonger dans une histoire d'une violence extrême. » 

L’auteur raconte : « Les statues les plus controversées et affligeantes, (de l’histoire coloniale, ndlr) furent placées dans une cave obscure. Ce qui est drôle est que cette cave  est devenue le lieu le plus visité par le public. ». Pour l’auteur, King Kasaï représente une exploration profonde de l'évasion des griffes de la nuit coloniale. 

S'inspirant des mots de Frantz Fanon dans Les damnés de la terre, Christophe Boltanski explique : « Il faut que nous sortions de cette grande nuit coloniale ». Le roman incarne cette nuit, comme une représentation de l'emprisonnement continuel des héritages coloniaux. L'objectif de Boltanski était d'entrer dans cette nuit, avec pour mission de trouver comment en sortir.

 

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Christophe Boltanski face à ses auditeurs à la librairie La Page / Cdt : EP

 

King Kasaï est le travail de toute une vie 

Ancien journaliste, l'affiliation de Boltanski à ce projet revêt une signification particulière, puisqu'il a découvert le musée il y a dix ans, qui marque le point de départ de son travail d’écriture. Ses travaux gravitent d’ailleurs essentiellement autour des mêmes thèmes :  l'effacement, l'oubli et les traces de mémoire.

Le principal axe de travail de l’auteur a notamment été l'examen du déboulonnement successif des statues des groupes colonisateurs, mais aussi des opprimés. Il donne des détails sur celles-ci : « La difficulté est qu’il y a un panneau explicatif devant toutes les statues qui ne sont plus présentes dans le musée, mais nous n’avons pas d’explication claire de la cause de ce déboulonnement… ». Ainsi, au sein de King Kasaï, Boltanski a cherché à explorer le destin de ces statues, au-delà de leur renversement, envisageant la possibilité de leur donner une nouvelle signification en questionnant l’idée de devoir de mémoire.