Il est de ces personnes qui inspirent par leur dévotion et leur courage. Marc-François Imbert en fait partie. Depuis presque 20 ans, il a choisi de servir le Royaume-Uni à sa manière, en tant que policier. Toute sa vie, il a défendu les valeurs d’un pays qui n’était pas le sien à l’origine, mais pour lequel il aurait pu sacrifier la sienne. Rencontre avec un destin hors du commun : d’un poste de directeur export aux unités anti-terroristes britanniques : “Un des plus beaux moments de ma vie a été de participer aux Jeux olympiques de 2024 en uniforme britannique. J’ai patrouillé sur les Champs-Élysées comme un infiltré !"


Imaginez : vous vous perdez dans l’agitation de London Bridge, entre les odeurs de Borough Market et le va-et-vient incessant des passants. Des policiers en uniforme jaune patrouillent, veillant sur la ville. Vous approchez l’un d’eux, un peu hésitant. "Hello… Big Ben?" Et là, surprise : il vous répond dans un français impeccable ! Au cœur de l’unité anti-terroriste britannique, un Français veille, Marc-François Imbert.
De Cannes, à Lyon jusqu’à la city de Preston
Né en France, à côté de Cannes, mais auvergnat et fier de l’être Marc-François étudie à Lyon, mais sent très vite qu’il va découvrir du pays et se lance dans le commerce international : "Ma première expatriation remonte à 1992, et elle était imposée par le travail : un échange en troisième année d’école de commerce. J’ai ainsi validé ma quatrième année en France, tout en obtenant un Bachelor of Arts en Angleterre, à Preston.”
Il passe deux diplômes en même temps et revient en France pour faire son service militaire. Peu de temps après cela, il fait le choix de s’installer pour de bon au Royaume-Uni : “J’ai gravi les échelons, passant d’assistant export à directeur export. Outre-Manche, il était plus facile de changer de travail : quand nous évoluons, nous avons souvent tendance à changer d’entreprise, et le marché de l’emploi est très flexible.” Alors que sa dernière société ferme ses bureaux de Londres pour se recentrer sur son siège social, il doit changer de domaine. “J’ai rejoint un groupe de recrutement, puis j’ai découvert la police volontaire, qui fonctionne un peu comme les pompiers volontaires en France”. Il ne le sait pas encore, mais cette “découverte” changera radicalement sa vie !
Les débuts prometteurs d’un Français dans les forces de l’ordre britanniques
Malgré la dévotion et le courage qu’impliquent les forces de l’ordre française et britannique, il subsiste quelques petites différences : "Ici, en Angleterre, nous pouvons être policiers à temps partiel." Et pourtant, Marc-François relate son expérience avec la même rigueur que s’il décrivait un engagement à plein temps : "Les Specials, (force de l’ordre volontaire au Royaume-Uni) c’est du bénévolat, mais tout est pris très au sérieux : six mois de formation, une remise de diplôme. Après cela, nous avons exactement les mêmes pouvoirs que les officiers réguliers."

Ces volontaires viennent en fait renforcer les effectifs lors des grands événements, patrouillant aux côtés des forces présentes pour assurer la sécurité des passants. "Si vous ne le savez pas, il est impossible de distinguer un Special des officiers à plein temps. On s’imagine rarement qu’un policier puisse aussi être comptable, un professeur ou chauffeur de bus en journée," lâche Marc-François, d’un sourire taquin.
“Parler la bonne langue peut tout changer dans une situation de crise”
Pour ce qui est de l’organisation de la police britannique, Marc-François en sait aussi un rayon : “Il n’y a pas de police nationale. Chaque région a son propre corps indépendant, comme si on avait une police d’Auvergne !", lance-t-il avec humour. Seules les grandes métropoles britanniques disposent d’un service couvrant un territoire plus large, comme la Metropolitan Police pour le Grand Londres. Une spécificité qui s’accompagne d’une ouverture unique : "Ce que j’ai tout de suite aimé avec la police anglaise est qu’elle était accessible aux ressortissants du Commonwealth.”
Notre officier reprend : “En 2004, ils ont même ouvert les candidatures aux citoyens de l’Union européenne. Ce serait impensable nulle part ailleurs !" Résultat, les communautés locales ont des officiers compétents qui parlent souvent la langue adéquate : "À Ealing, il y a une forte communauté polonaise, alors avoir des policiers polonais, ça change tout. À South Kensington, nous retrouvons le quartier français, et je sais que les francophones sont souvent rassurés quand ils entendent un accent familier. Nous ne nous en rendons pas compte, mais parler la bonne langue peut tout changer dans une situation de crise."
Police, mais aussi prévention antiterroriste et unité antiterroriste aux frontières
Un jour, je voyageais aux quatre coins du monde, et dès mon retour, j’enfilais mon uniforme de Spécial."

"Je voulais simplement aider les autres." À partir de cette envie, Marc-François s’est vu enfiler l’uniforme jour après jour. Il commence en tant que Special Constable, tout en poursuivant une carrière aux antipodes de la police : "Dans le même temps, j’étais aussi cabin crew,” remarque-t-il d’un ton désinvolte. “C’était le jour et la nuit ! Un jour, je voyageais aux quatre coins du monde, et dès mon retour, j’enfilais mon uniforme de Spécial."
"Il y avait une grosse phase de recrutement en vue des JO de Londres de 2012 ; alors j’ai sauté le pas. En 2010, je suis passé de Specials à ‘Bobby’ et finalement, en quinze ans, j’ai parcouru une multitude de postes." Marc-François rassemble ses pensées : “J’ai fait de la police touristique”, où il patrouillait sur Piccadilly Circus en jonglant entre l’anglais, le français, l’espagnol, l’allemand et même quelques notions de polonais et de chinois… “Plus tard, j'ai intégré la police de prévention antiterroriste, où notre rôle était de repérer ceux qui… repéraient." Puis, une nouvelle étape : l’unité anti-terroriste aux frontières : "Nous nous occupons des ports internationaux : Saint-Pancras, les ports maritimes, l’aviation… Mais il s’agit d’antiterrorisme. Mon travail est d’éliminer les menaces terroristes."
Tourner la page du roman policier… ou fermer le livre ?
Alors qu’il dresse le bilan de toute une vie dans les forces de l’ordre, un leitmotiv revient : la tristesse que Marc a traversée en quittant le domaine de l'aviation : "J’étais vraiment désolé de partir de mon poste de personnel de cabine. Un jour, je me suis dit : ‘Je retravaillerai un jour dans les aéroports’.” Et voilà que quinze ans plus tard c’est chose faite, mais différemment, en s’attelant à la menace antiterroriste.
Aujourd’hui, Marc-François arrive à la préretraite. Certes, son histoire est celle d’un Auvergnat arrivé en 1992, qui a défendu la Grande-Bretagne toute sa vie, “Mais le but est de retrouver le soleil tôt ou tard," nous confie-t-il, d’une voix rêveuse. Un chapitre se ferme, un autre s’ouvre très bientôt pour notre officier.
Un engagé, mais un Auvergnat avant tout
"Les Brits sont très ouverts, très respectueux des différences, mais avec le Brexit, maintenant ils vous le font remarquer. On adore se haïr, c’est une relation spéciale."
"En deux mots, je me décrirais comme serviable, car c’est ce qui a entouré tout mon parcours. Puis je suis déterminé, parce que quand j’ai un projet, je l’amène à bout." S’il est devenu policier britannique, Marc-François reste avant tout un Auvergnat, avec une manière bien à lui de voir les choses : "Même après 35 ans ici, j’ai gardé mon côté français. Je suis le frog (grenouille, surnom attribué aux Français outre-Manche, ndlr) de la police !"
Son accent, son humour, sa façon de penser : Marc-François n’est jamais totalement britannique. Malgré tout, il reste un fervent défenseur de sa Majesté. "Les Brits sont très ouverts, très respectueux des différences, mais avec le Brexit, maintenant ils vous le font remarquer. On adore se haïr, c’est une relation spéciale." Pourtant, il n’échangerait sa place pour rien au monde. En travaillant aux frontières, il collabore souvent avec la Police aux Frontières (PAF) française. "Nous voyons qu’ils sont bien différents de nous. Les coopérations internationales sont très rigides : si vous voulez parler boulot avec la police française, il faut passer par le plus haut statut." Et l’entente cordiale, nous la trouvons même aux postes-frontières : "Les Anglais sont bien organisés. Il y a moins de bureaucratie, mais les Français ont leur méthode."
Les JO de Paris 2024, l’accomplissement d’une vie
Et puis, il y a cette dualité permanente, dans le cœur de Marc-François : "D’un côté, je trouve ça chouette d’être le frog du poste, parce que j’apporte des connaissances sur la communauté francophone que mes collègues n’ont pas. Mais de l’autre, je ne serais jamais pris à 100 % pour un British." Une distinction qui ne l’a jamais empêché de se sentir chez lui, même s’il en connaît les limites : "Je suis britannique, mais je ne serai jamais anglais. Et tout le monde devrait comprendre la nuance !"
Et parfois, malgré les doutes, la vie vous répond de la plus belle des manières : "J’ai fait les Jeux olympiques en uniforme britannique. J’ai patrouillé sur les Champs-Élysées, comme un infiltré. Descendre les Champs avec des forces de l’ordre de plusieurs pays… et le faire en tant que Britannique, c’était incroyable."
Un beau souvenir ?
Une réponse lui vient immédiatement en tête : “Quand j’étais très jeune, il y a eu un vol de portable à l’ouest de Londres pendant ma patrouille. Nous sommes tombés sur une victime très touchante qui était française, et grâce à la langue, j’ai obtenu une description physique complète qui nous a permis d’attraper le délinquant”.
Son moment le plus fort en émotion ?
Un moment vraiment marquant est l’aide aux familles des victimes de l’attentat de London Bridge et Borough Market. Quatre familles françaises y avaient perdu leur proche. En tant qu’équipier au départ, je les ai accompagnés jusqu’à l’enquête au tribunal.
Envie de rejoindre les Specials, ou d’autres unités ?
La police de Londres possède sa propre branche internationale, distincte de la National Crime Agency (NCA). Elle dispose d’unités spécialisées dans de nombreux domaines : lutte contre le trafic, unités cynophiles (chiens), surveillance des transports aériens, cybercriminalité, et même une police dédiée à la faune et à la flore. Il y en a pour tous les profils et toutes les spécialités ! Pour toute demande d’information, c’est par ici : met.police.uk.
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