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L’avortement à domicile définitivement légalisé au Royaume-Uni

Une femme tient un plateau sur lequel plein de pilules tombentUne femme tient un plateau sur lequel plein de pilules tombent
Matteo Badini - Unsplash
Écrit par Marie Benhalassa-Bury
Publié le 1 avril 2022, mis à jour le 1 avril 2022

En 2020, face à la saturation des services de santé dûe à l’arrivée du Covid-19, l’accès à l’Interruption Volontaire de Grossesse (IVG) par voie médicamenteuse avait été facilité. Dans des cas précis (des grossesses inférieures à dix semaines et ne nécessitant qu’une consultation téléphonique avec un médecin), les femmes pouvaient se procurer les médicaments interrompant une grossesse non-désirée grâce à la « télémédecine », à savoir par voie postale, chez elles, afin d’éviter d’encombrer les cliniques. Une mesure définitivement adoptée.

 

En Angleterre, une IVG peut-être réalisée dans les 24 semaines suivant la grossesse, par voie médicamenteuse ou chirurgicale selon les cas et la volonté de chacune. Dans le scénario d’une IVG médicamenteuse (medical), deux comprimés doivent être ingérés pour interrompre la grossesse. Dans le cas d’une interruption intervenant « tôt » - soit avant dix semaines - le deuxième médicament pouvait déjà être pris depuis le domicile, avant que la pandémie n’étende ce droit aux deux cachets. Auparavant, le premier ingéré devait nécessairement faire l’objet d’un rendez-vous dans un hôpital, une clinique conventionnée ou un planning familial.

Depuis 2020, les personnes exprimant la volonté d’interrompre une grossesse peuvent le faire de façon plus autonomisée. À l’origine, cette mesure devait prendre fin le 25 mars dernier, et sa poursuite illégale aurait constitué un crime passé cette date charnière. Elle avait finalement été prolongée de six mois en attendant le résultat définitif du vote parlementaire, qui l’a définitivement pérennisée ce 31 mars.

Une solution déjà répandue, mais pas toujours légale

Techniquement, la pratique ne date pas d’hier puisque la télémédecine est couramment pratiquée par certaines ONG pro-choix. Tel est le cas de Rebecca Gomperts, une activiste fondatrice de Women on Web qui assiste les femmes du monde entier en contournant les juridictions punitives via la télémédecine. Néanmoins, cette pratique est illégale au Royaume-Uni et le NHS la déconseille aussi sur le plan médical. Pour causes : les controverses autour de l’imprécision sur le nombre de semaines entamées de grossesse, la véracité de la composition des médicaments disponibles sur internet, l’absence de consultation avec un médecin… Ces mêmes raisons ont d’ailleurs animé ce débat législatif.

Mais avec cette loi, la télémédecine devrait en fin de compte devenir plus courante au Royaume-Uni, tout en bénéficiant d’un encadrement institutionnel, après le vote des parlementaires (MPs) du 31 mars. Sans une telle décision, Rebecca Gomperts craignait une recrudescence des commandes illégales de ces médicaments sur internet, tandis que les différentes cliniques conventionnées du pays prévenaient des conséquences délétères sur la santé mentale des femmes en cas de refus du Parlement.

La France a connu un scénario pandémique similaire dans la mesure où un décret est aussi passé pour promouvoir la téléconsultation, depuis pérennisé quoique peu appliqué dans les faits, puisque les responsables du Planning Familial et médecins de ville témoignent d’une situation globalement inchangée en termes d’accès à l’IVG.

Au Royaume-Uni, les femmes complètement libres d’interrompre leur grossesse ?

Ainsi, considérations pratiques et éthiques ont été ardemment discutées au cours de ces deux dernières années afin de faire progresser le droit réel à l’IVG, et autonomiser les femmes dans leurs décisions. Pour rappel, le Royaume-Uni était déjà le pays d’Europe le moins restrictif en termes de délais.

Pourtant, certaines femmes et militantes témoignaient déjà à l’époque de difficultés d’accès aux interventions du fait d’une organisation déjà complexe, de la difficulté de trouver un rendez-vous pour une opération dans les délais… Des difficultés qui ont été renforcées par les restrictions sanitaires. De nombreuses femmes sont encore contraintes de mener à terme leur grossesse, même sans être hors-délai, et même avec la télémédecine partielle. Aussi, sans ce revirement au parlement, la situation aurait pu se complexifier davantage pour les femmes du Royaume-Uni, même dans le pays le moins restrictif du continent.