LePetitJournal.com vous propose de (re)découvrir six femmes britanniques ayant marqué l’histoire. Artistes, scientifiques, espionnes ou même pirates, toutes ont su pousser les murs de leurs époques respectives.
La chanteuse écossaise, épi poil de carotte de l’entité bicéphale Eurythmics, poursuit depuis les années 80 une carrière aussi riche qu’imprévisible. Le paradoxe Lenox encense une femme androgyne, une star timide, une fêtarde sensible, une icône malgré elle et une philanthrope écorchée par les douleurs qui balafrent le monde. En duo comme en solo, l’enfant extirpée de la pauvreté est adorée, récompensée, décorée, mais trimballe un besoin sanglé au corps de s’investir dans ce qui compte.
Pionnière dans l’industrie musicale britannique
Avec 40 ans de carrière musicale derrière elle, Annie Lennox apparaît tel un monument parmi les figures britanniques. En 1983, le duo qu’elle forme avec Dave Stewart flirte avec l’apogée de sa gloire grâce à leur titre Sweet Dreams (Are Made of This). Le morceau devient et reste emblématique des années 80, s’exportant outre-Manche et outre-Atlantique. Le look androgyne d’une Annie Lennox, en costard-cravate noir et blanc ponctué de ses cheveux courts oranges, se dévoile alors au monde, émancipé du male gaze et à contre-courant de son époque. Avec 80 millions d’albums vendus, la rousse écarlate se garantit depuis une place au soleil parmi les icônes de la pop anglaise.
Mais la carrière d’Annie Lennox n’entendait pas se limiter au personnage “Kubrickesque” joué dans son tube planétaire. Elle fut aussi pionnière en matière de distinctions et d’honneurs musicaux du Royaume-Uni. En 1993, elle remporte le prix Ivor Novello pour son single Why, succédant ainsi à Paul McCartney et Elton John. Aucune femme avant elle n’avait encore reçu cette récompense. L’écossaise âgée de 39 ans devient alors la première membre féminine à siéger au sein de l’académie des auteurs-compositeurs. La récompense qui consacre l’excellence de l’écriture sera de nouveau attribuée cinq ans plus tard à Kate Bush. Tout au long de sa carrière, les distinctions pleuvent pour la chanteuse qui reçoit 7 Brit Awards, 3 Grammy Awards, un Golden Globe et même un Oscar de la meilleure chanson originale pour Into The West. Rien que ça.
Une philanthrope décorée de l’Ordre de l’empire britannique
Plus qu’une auteure-compositrice-interprète aux prouesses vocales admirées, Annie Lennox est aussi une femme de son temps dévouée à la cause de nombreux combats qui lui tiennent à coeur.
Des ONG à l’instar d’Amnesty International ou de Greenpeace bénéficient régulièrement de son soutien. Elle est aussi une figure majeure de la lutte contre le Sida : en 2015, l’interprète de Sweet Dreams apparaît à la télévision portant un t-shirt avec pour inscription “HIV positive” (“porteuse du Sida”). Si elle n’est pas séropositive, elle affirme cependant par ce geste sa détermination à éduquer quant aux ravages de cette maladie. En 2003, Nelson Mandela l’avait personnellement conviée à un concert-bénéfice contre le Sida en Afrique du Sud, où elle livrera une performance aux côtés d’autres grand.e.s artistes tel.les que Beyoncé. L'inarrêtable Lennox s’est aussi mobilisée contre la guerre au Yemen, appelant la France, le Royaume-Uni et les Etats-Unis à cesser de vendre des armes à l’Arabie Saoudite et aux Emirats Arabes Unis.
Son implication dans ces multiples causes humanitaires lui vaudra d’être bardée de récompenses, là aussi : Barclays Women of the Year Award, International Service Award pour la défense globale des Droits de l'homme, GQ Award de la femme humanitaire de l'année, Silver Clef Award, prix de citoyenneté George Harrison, titre de “Femme de la Paix” lors du sommet des lauréats du Prix Nobel en 2009… La liste est longue mais se clôture en beauté alors qu’Annie Lennox est promue au rang d'officier de l'Ordre de l'empire britannique par Elisabeth II en 2011.
Icône féministe et soutien de la communauté LGBTQIA+
Artiste engagée et féministe viscérale, la dynamite Annie Lennox ne fait pas dans le paraître. Elle méprise les calculs commerciaux et la soif de notoriété à tout prix. Ainsi, elle exprimera de sérieux doutes quant à la commercialisation du concept de féminisme par certaines de ses pairs, particulièrement la fameuse Beyoncé : "J’adore ses performances, mais j’aimerais m’asseoir avec elle. Je pense que j’aimerais m’asseoir avec quelques artistes et leur parler. J’aimerais les écouter. J’aimerais entendre ce qu’elle pensent vraiment" déclare l’écossaise dans une interview à la télévision. "Je vois beaucoup d’entre elles monopoliser ce mot et l’utiliser pour se faire de la pub, mais je ne pense pas qu’elles représentent nécessairement le véritable féminisme. Non je ne pense pas", poursuit-elle, regrettant visiblement que le féminisme devienne bien souvent un enjeu commercial.
Pour elle, la mise au diapason de ses valeurs et de son art lui fut cruciale dès ses débuts : “Tant de fois je me suis retrouvée sur scène et j’ai senti voilà des années que les femmes sur les planches n’étaient que des objets sexuels. C’est pour cela qu’aux débuts d’Eurythmics, j’ai choisi de porter des vêtements de mec pour redéfinir le rôle des femmes sur scène trop longtemps considérées comme de belles plantes”, dira-t-elle dans une interview donnée à Best à la fin des années 80.
Féministe, oui, mais inclusive et ce, sans concession : Annie Lennox se réjouit par exemple de l’acceptation des femmes trans parmi les luttes féministes. Ces affirmations ainsi que son image de figure androgyne de la pop sulfureuse des années 80 lui ont valu le statut d’icône -presque malgré elle- de la communauté LGBTQIA+ : “Même si cela ne passait pas par ma sexualité, j’arrivais à m’identifier à cette non-conformité que représentait la communauté LGBTQIA+, et elle s’est également reconnue dans ma vision des choses, une perception personnelle de la réalité”, confiera-t-elle dans une interview.
Si elle soutient les luttes de la communauté LGBTQIA+, Annie Lennox plaide pourtant pour un monde idéal, dépourvu de ces étiquettes ou catégories. Elle reconnaît la nécessité de se définir pour des actions politiques ou militantes, mais maintient que “tant qu’il y aura des catégories, il y aura des différences”. En attendant que l’on ne voit plus que les humains et que s’effacent ces catégories, Annie Lennox prend donc la défense des minorités dans le monde de chair tout en s’envolant par le vaisseau de ses pensées vers une planète imaginaire où chacun.e pourrait exister pour ce qu’il.elle est.
Feu et glace
Derrière le regard boréal de la chanteuse se devine un tempérament aride et changeant. L’équatoriale Annie Lennox impressionne par ses humeurs, enjambant la tiédeur pour lui préférer les extrêmes. A la fois mousson et terre craquelée par le soleil, elle a besoin de la scène pour prendre congé d’elle-même : “Je sais que parfois j’ai pu choquer les gens par mon attitude. Lorsque je suis chaleureuse, c’est à l’extrême et c’est pareil lorsque je suis glaciale. J’ai toujours été ainsi, cela n’a rien à voir avec le fait que je sois star ou pas” confiera-t-elle au magazine musical Best en 1989. “Je refuse de vivre 24 heures sur 24 avec Annie Lennox”, poursuit-elle, ajoutant qu’elle se sert d’Eurythmics comme un “cheval sauvage” qu’elle “apprend à contrôler”.
Parmi ses contradictions, Annie Lennox est aussi tiraillée entre son besoin de son personnage scénique, son amour pour les soirées trash des boîtes de nuit de Londres, et une sensibilité à fleur de peau qui la rend spongieuse au contact des injustices du monde et des crapuleries du showbiz : “Il est lourd le revers de la médaille, car je suis extrêmement sensible.” Mais l’écossaise riposte et s’arme d’une grande prise de conscience sur elle-même et d’un recul qui lui permettent de se préserver dans un monde où elle ne se sent “jamais vraiment chez elle” : “Lorsque je me promène dans les rues de Paris, cela me donne la pêche, alors que celles de Londres me dépriment. (...) Mon français est si limité qu’il ne me permet pas toujours de comprendre tout ce que les gens me disent. Si je comprenais tout, peut-être serais-je déçue, mais j’ai une vision très romantique de Paris et même si c’est un peu cynique, je suis prête à tout pour conserver ce sens vital.” Comme un instinct de survie, Annie Lennox ne perd donc rien de sa conscience du monde, si éreintant pour les grands sensibles, mais a su s’en protéger en usant de subterfuges spirituels.
Icône britannique, référence de la pop, fêtarde invétérée, empathe domptée : Sweet dreams are made of Annie.
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