Le monde a suivi avec attention le virus arrivant à grands pas dans leur pays et la gestion de la crise qui s’en est suivie. Les Français expatriés, bien que masqués, ne prennent pas de gants pour décrire leur vision de la France durant la pandémie au Covid-19.
Alors que le monde entier fait face à une crise sanitaire sans précédent, les expatriés se retrouvent dans la position douloureuse d’être entre deux pays. lepetitjournal.com était curieux de connaître l’avis des expatriés français sur la gestion de la crise sanitaire en France et ils se sont livrés sans tabou.
Le peuple du 14 juillet 1789
L’historien Gaël Nofri disait dans son ouvrage « Une histoire des révolutions en France » que « la révolution appartient au patrimoine français », mais en ces temps de coronavirus, ce trait apparement très français, ne leur serait-il pas défavorable ? Pour Gwendoline, expatriée au Québec, même si elle ne veut pas « attaquer son pays, (…) l’état d’esprit et le respect de l’Etat jouent un rôle dans cette pandémie ». C’est également l’avis de Reine au Portugal qui précise qu’ « en France, la mentalité est au refus, au rejet et à la rébellion dès qu'il s'agit d’autorité. Même si cela ne s’applique pas à toute la population, c'est une mentalité qui est connue et qui ne se prête pas à une gestion de crise comme le Covid-19. Voilà pourquoi en France ils ont besoin d’une surveillance accrue et d’attestations. »
Alors cette étiquette de mauvais élèves aurait valu aux Français l’attestation à imprimer à chaque déplacement et une surveillance renforcée par rapport à d’autres pays comme le Portugal ou l’Allemagne, respectant le confinement volontaire. A New-York « les gens n’en ont pas besoin et après à peine 3 semaines, les chiffres montrent bien que cela marche quand même. Nous allons donc continuer sur cette voie sans flics aux fesses » constate Pamela. « Les menaces d'amendes, la peur de la contagion permettent pour le moment de canaliser les Français mais jusqu'à quand, s'ils estiment les mesures prises inutiles ou injustes » renchérit Flore, expatriée à Madrid. Même constat depuis le Vietnam où Philippe s’excuse dès le début de son témoignage pour son vocabulaire car « très remonté » par la situation en France: « les Français ont une indiscipline totale et la propagation du virus continue. Leurs problèmes je pense, c’est qu'ils ont un ego sur-dimensionné et ne tirent aucune leçon de ce qui se passe autour d’eux. »
Un message pas assez clair pour des Français individualistes ?
Alors que la planète se confinait volontairement ou par mesure obligatoire du gouvernement, le président français, Emmanuel Macron a eu du mal à prononcer ce mot tout en demandant à la population de rester chez elle. Serait-ce par peur du peuple révolutionnaire ?
Pour Florine à Madrid « les dirigeants n'ont pas délivré un message clair dès le départ. C'est à dire un message qui ne laissait place à aucune interprétation ou commentaire. Le confinement c'est zéro sortie sinon il n'a pas de légitimité. Si on empêche les gens de sortir, ce n'est pas pour briser leurs libertés, c'est uniquement pour les protéger ». Elle renchérit qu’en France « sur les réseaux sociaux, de trop nombreux messages relatent leur bien-être personnel. Je ne peux plus sortir, je ne peux plus faire de sport, mes libertés individuelles sont bafouées, dès que cela sera fini je prends le premier billet d'avion. C'est à ce moment là, que je me suis rendue compte que les Français n'avaient toujours pas compris l'ampleur du problème ».
Pamela est du même avis : « le message de Gouverneur de New-York est clair, simple et limpide, grâce à cela, tout le monde s’est rallié à lui, contrairement à la France ou on entend un peu de tout » même si elle éteint la télévision et les réseaux sociaux lorsque le Président des Etats-Unis parle.
« L’inexistence de systèmes mis en place pour l’entraide » est pointée du doigt depuis New-York et l’Espagne « le peuple espagnol est loin d'être individualiste, le bien être collectif a encore du sens ici, en tout cas bien plus qu'en France ! »
Les différentes façons d’approcher la crise pour Gwendoline peuvent aussi être soulevées par la manière de diffuser les directives. Le Premier ministre du Québec, « François Legault fait ses points sur la situation au Québec à 13 heures alors qu’Emmanuel Macron parle aux Français à 20 heures, ce qui joue un rôle au niveau des familles ».
Mauvaise gestion de la crise ?
La presse internationale a soulevé à plusieurs reprises les différences entre l’Europe et les pays d’Asie face à la crise. Même si c’est le caractère exceptionnel de la pandémie qui a bouleversé le monde, les pays asiatiques avaient précédemment connus des épidémies qui leur ont permis une forte réactivité. Pierre a pu le constater depuis la Thaïlande, deuxième pays le plus infecté à l’époque : « lorsque l'infection a atteint l’Europe, je n’ai pas compris la lenteur des gouvernants italiens et français pour prendre des mesures. Les Français avaient toujours au moins, trois semaines de retard. Lorsqu'on est en guerre contre un ennemi invisible, on prend des mesures rapides, voire instantanées. »
Même scénario au Vietnam nous confie Philippe, « dès les premiers cas de virus détectés à Hanoï, ils ont tout de suite fermé les quartiers concernés et désinfecté. Lors des arrivées au Vietnam toutes les personnes susceptibles d'être contaminées sont repérées et mises en quarantaine. Grâce à ces mesures drastiques le virus ne se propage pas et reste maîtrisé. En France, malgré les cas de virus constatés, rien n'a été fait. Ce n’est que tardivement qu’ils ont réalisé la gravité de la situation et ont enfin pris à leur tour des mesures drastiques. »
Le port du masque en France est encore difficile à adopter durant cette pandémie, alors que ce dernier était « déjà utilisé depuis longtemps en Asie pour se protéger des germes ou protéger les autres lorsqu’on se sentait malade, c’était déjà dans la culture » nous livre Pascale, ancien expatrié en Thaïlande. Pierre se dit même triste de voir son pays natal ainsi: « les aéroports et les frontières étaient ouverts et non contrôlés. (…) Nous qui portions déjà des masques, nous lisions aussi que le personnel soignant en France n'avait rien pour aller à la guerre ».
Philippe qui est retraité et marié à une Vietnamienne, visite chaque année le Vietnam pendant trois mois mais là, il n’a pas pour l’instant l’intention de rentrer en France, « je considère la situation en France dramatique et déplorable » lorsqu’il compare la gestion de la crise des deux pays qu’il porte dans son coeur.
Relativisons !
La critique peut être facile, il faut aussi savoir relativiser, comme nous rappelle rappelle Reine : « la France a une population de 66 millions d’habitants comparé à 10 millions au Portugal. Même si la France s'y est prise un peu tard, cela ne doit pas être une occasion pour critiquer ou prendre parti, cela ne sert à rien et ce n'est vraiment pas le moment. Chaque gouvernement doit faire face à une population différente, à une mentalité, un accès aux soins et des habitudes différentes. »
Une ancienne expatriée de Singapour, fut choquée des témoignages de ces expatriés puisque pour elle, on ne peut pas se permettre de « juger sans savoir et sans partager le quotidien de leur pays ». Elle rajoute : « notre droit de citoyen est de faire preuve de solidarité aussi vis-à-vis de nos dirigeants (…) je ne me permets ni de le critiquer ni de ne pas respecter ses consignes et nous sommes nombreux dans ce cas en France, contrairement à ce que pensent nos compatriotes de l’étranger ».