La huitième édition du Mois Sans Tabac a démarré le 1er novembre avec ce slogan désormais bien connu : “vous n’étiez pas seuls quand vous avez commencé, vous ne serez pas seul pour arrêter”. Mais lorsque l’on est expatrié, le soutien quotidien peut manquer pour réussir ce véritable défi. Témoignages et rencontre avec un expert en tabacologie.
Lancé par le ministère des Solidarités et de la Santé et Santé publique France en partenariat avec l’Assurance maladie, le Mois Sans Tabac met une nouvelle fois le paquet pour encourager les fumeurs à stopper leur addiction.
Plus de 130.000 personnes se sont inscrites pour l’édition 2023, qui leur permettra de recevoir des conseils quotidiens pour arrêter de fumer, un kit d'aide à l'arrêt gratuit et de retrouver des professionnels de santé pour les aider. C’est aussi l’occasion de s’entraider autour d’un mouvement commun, y compris sur les réseaux sociaux où les publications et groupes Facebook prennent un peu plus vie lors du Mois Sans Tabac.
En 2022, la France compte toujours près de 12 millions de fumeurs quotidiens, selon les derniers chiffres de Santé Publique France. Pour autant, 6 fumeurs sur 10 déclarent vouloir arrêter de fumer. Ces résultats invitent ainsi à renforcer les stratégies de prévention contre la cigarette et de réduction des inégalités sociales, très présentes dans la question du tabagisme. Par exemple, parmi les 18-64 ans, la prévalence du tabagisme quotidien reste nettement plus élevée chez les personnes au chômage (42,3 %), que chez les actifs occupés (26,1 %) ou les étudiants (19,1 %).
“La meilleure cigarette, c’est celle que l’on ne fume pas”
Depuis sa mise en place en 2016, le Mois Sans Tabac est une véritable solution pour voir la courbe des fumeurs français diminuer. Avec le début du mois de janvier - connu pour la prise des bonnes résolutions - novembre est la période de l’année où la consommation de tabac baisse fortement selon Sébastien Davignon, infirmier tabacologue.
“Lorsque le fumeur est accompagné par un professionnel de santé, les études prouvent que le sevrage a plus de chances de réussir.” affirme Sébastien Davignon. À défaut d’arriver à stopper complètement la cigarette, il conseille d’autres alternatives : “J’accompagne les fumeurs à bien utiliser les substituts nicotiniques. Parfois un patch ne suffit pas, on peut en mettre deux-trois ou consommer des gommes à mâcher”. Et à défaut d’y parvenir, il vaut mieux fumer moins et diminuer progressivement avec le patch que fumer sans et énormément.
Produit qui permet de sortir progressivement du tabagisme, la cigarette électronique - ou vapoteuse - est plus que jamais tendance. C'est une des raisons qui expliquent la déflation de la consommation de tabac chez les jeunes. L'enquête de l'Observatoire français des drogues et des tendances addictives montre qu'en 2022, 15,6% des adolescents de 17 ans consomment quotidiennement du tabac (au moins une cigarette par jour), contre 25,1% cinq ans plus tôt. Dans le même temps, la consommation de la cigarette électronique a augmenté entre 2017 et 2022 : les jeunes de 17 ans sont 6,2% à vapoter régulièrement en 2022, contre 1,9% en 2017.
Si les risques sur la santé sont dérisoires par rapport à la cigarette classique - irritation de la gorge, bronchite, pneumonie, grippe - la vapoteuse peut provoquer un phénomène de dépendance. Actuellement, ses effets néfastes demeurent inconnus. Sébastien Davignon explique : “En règle générale, il faut qu’un produit existe depuis 30 ans pour avoir un recul sur les conséquences sur sa santé.” Ce qui certain, c’est que “la meilleure cigarette, c’est celle que l’on ne fume pas.”.
Le coût qui coupe l’envie
Revenons à nos expatriés. Habitants sur un autre territoire, ils se familiarisent avec des prix des cigarettes et des programmes de lutte contre le tabagisme qui ne sont pas les mêmes que ceux de France.
Aurélie est expatriée en Irlande du Nord, Juliette l’a été en Nouvelle Zélande, deux pays où le prix du paquet de cigarette a un effet dissuasif sur la consommation. Pour Aurélie, qui se définit comme “une grande fumeuse qui a envie de réduire la cigarette”, dépenser 400 à 500 livres en tabac par mois est compliqué. Le prix du paquet en Irlande du Nord est fixé à £14,60 (soit 16,73€) alors la jeune diplômée trouve des solutions pour pallier ce gouffre financier : “dès que des amis partent en Espagne ou au Maroc, je leur demande de m’acheter une cartouche.”
En Nouvelle-Zélande, la politique mise en place veut préserver la jeunesse et aboutir à une prochaine génération anti-tabac. L’effet dissuasif a ainsi été plus fort pour Juliette, qui souhaitait déjà diminuer sa consommation avant de partir en expatriation : “j’en avais envie et c'était une occasion parfaite, et puis 45$ néo-zélandais (soit 25€) le paquet c'est plus qu'un budget”. Elle ajoute : “Le rapport au tabac est très spécial. Les gens sont très sensibles pour toute question liée à des sujets de santé de vie saine. Les terrasses sont interdites aux fumeurs, les jeunes ne fument pas où très peu donc l'ambiance en général permettait de se sevrer.”
À son retour en France, Juliette a repris ses habitudes, ses sorties entre amis, aux bars, en terrasse… et la flamme de la cigarette a alors été rallumée. Mais beaucoup moins qu’avant : “je suis quand même passé de presque 1 paquet à à peine une clope par jour.”
Fumer pour sociabiliser, surtout à l’étranger
Hormis le prix - qui encourage à diminuer, arrêter ou au contraire être incitatif pour consommer s’il est très bas - d’autres facteurs entrent en jeu lorsque l’on souhaite stopper la cigarette. Loin de ses proches et installé dans un territoire nouveau et dépaysant, l’expatrié peut ressentir une forte dose de stress liée à son mode de vie. La consommation de cigarette chez un fumeur peut ainsi se poursuivre ou s’accélérer sous l’anxiété, en se réfugiant vers cette activité réconfortante et addictive.
Aussi, la cigarette est dès ses premières fois une activité réalisée à plusieurs. Pendant la récréation au lycée ou en soirée, à la pause au travail ou en terrasse entre amis, les fumeurs accompagnent ces moments par la consommation d’une ou plusieurs cigarettes. En expatriation, il n’y a pas de raison que le tabac ne soit pas encore un outil de socialisation.
C’est ce que présente Juliette : “Mon rapport avec le tabac était à l'origine seulement synonyme de sociabilité, sortie entre amis je fumais rarement seule puis de plus en plus fréquemment notamment suivant mon niveau de stress. Pendant mon expatriation, j'avais toujours besoin d'une cigarette à des moments de détente.”
Un avis que partage Capucine, ancienne expatriée à Chennai où le prix du paquet de cigarettes est inférieur à 4€ euros : “quand je suis arrivée en expatriation, j’ai voulu utiliser la cigarette pour faire des rencontres. j’aurais pu rencontrer certains amis autrement mais lors de mes premières invitations et soirées, me joindre à un groupe de fumeurs a permis sans doute d’accélérer un peu le lien social, les rencontres, et d'avoir plus de temps pour discuter.”
Dans un pays qu’elle ne connaissait pas et où la communauté française n’est pas très grande, la cigarette a permis à Capucine de faciliter le lien social. Si elle avoue n’avoir pas augmenté sa consommation, arrêter à tout de même été compliqué. La chaleur, aussi, n’a pas encouragé son envie de se limiter : “Il faut dire que la chaleur du pays permet de sortir dans des lieux ouverts et incite donc à fumer.” Décidément, en France comme à l'étranger, toutes les raisons sont bonnes... pour ne pas arrêter.