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Les expatriés français face au Brexit : entre craintes et attentisme

Brexit expatriés françaisBrexit expatriés français
© maxpixel.net
Écrit par Justine Hugues
Publié le 15 novembre 2018, mis à jour le 3 décembre 2020

Quelles sont les inquiétudes des Français expatriés au Royaume-Uni à J-134 de l’échéance ? Où et comment envisagent-ils leur avenir post Brexit ? Protection sociale, fiscalité, équivalence des diplômes, avenir professionnel : tour d’horizon des conséquences potentielles du divorce, grâce aux experts présents sur le salon des 24h de l’international à Paris. 

 

Incertitude. A quelques mois de l’échéance fatidique du 29 mars 2019 et alors que Teresa May doit encore convaincre les parlementaires britanniques de soutenir son projet d’accord avec l’Union Européenne, ce mot est dans toutes les bouches. « La grande problématique c’est qu’on a beau commenter le Brexit, personne ne sait où on va. Or, comme individu ou entrepreneur, on a besoin de certitudes » souligne Olivier Cadic, sénateur des Français de l’étranger établi depuis 22 ans à Canterbury.

Les Français expatriés devront-ils obtenir des permis de travail ? Conserveront-ils l’intégralité de leurs droits ? A l’heure où les contours d’un « soft » ou d’un « hard » Brexit se dessinent péniblement, l’entreprise de sondages OpinionWay vient de publier les résultats d’une enquête menée auprès de 2.386 Français expatriés au Royaume-Uni. Et les résultats sont, à l’évidence, loin d’être optimistes. Pour 83% de nos concitoyens interrogés, le Brexit est une source de craintes, et ils sont 55% à penser que la sortie du Royaume-Uni de l’Union Européenne ne profitera à aucun pays, pas même le principal concerné. 

 

 

Une liste de doléances longue comme le bras

 

Pour près de 9 Français interrogés sur 10, le Brexit  aura non seulement un impact négatif sur l’attractivité économique du Royaume-Uni mais aussi sur les expatriés outre Manche. Sur le podium des sources d’inquiétude, la protection sociale (citée à 53%), l’avenir professionnel (46%) et le pouvoir d’achat (37%). « Ces incertitudes sont justifiées au regard des nombreux revirements qu’il y a eu depuis la décision du Royaume-Uni en 2016 », explique Bruno Jeanbart, Directeur Général Adjoint d’OpinionWay. «  Le recours aux médias traditionnels pour s’informer sur l’impact que le Brexit aura dans leur vie d’expatriés montre que beaucoup d’employeurs n’ont pas pris la parole sur le sujet ou ont fourni une information parcellaire » annonce-t-il, chiffres à l’appui. Au total, 80% des répondants se sentent insuffisamment informés et seulement 17% ont participé à une réunion sur le sujet au sein de leur entreprise. 

 

Pas une semaine ne passe sans qu’Emmanuel Fayad, Directeur d’Open Sky International, une école bilingue à Paris, ne soit contacté par des entreprises ayant décidé de rapatrier leurs collaborateurs français. « Est-ce que les enfants de familles françaises souhaitant rentrer pourront continuer leurs études supérieures ? Est-ce que l’éducation nationale les acceptera dans le secondaire s’ils ont fréquenté un collège britannique ? La reconnaissance des diplômes est un motif d’inquiétude majeur », expose-t-il. 

 

« Le groupe « The 3 Million » (association de citoyens européens vivant au Royaume-Uni, dont le nom provient du nombre d’expatriés communautaires sur le territoire britannique, ndlr) a envoyé une liste de près de 200 questions à l’administration britannique, laquelle n’a toujours pas répondu », explique Olivier Cadic. « Imaginez que cela se passe mal dans 10% des cas, cela fait 300 problèmes à traiter ! L’administration n’est pas prête pour gérer ça. Quant aux 2 millions de Britanniques en France, je n’en parle même pas, cela va être très fastidieux » poursuit-il.  

 

Malgré les incertitudes, 62% des Français veulent rester

 

Interrogés sur ce qu’ils comptent faire, 62% des Français souhaitent rester au Royaume-Uni tandis que 13% ont décidé d’en partir. Parmi ces derniers, 76% prévoient de rentrer au bercail. 

 

Dans cet océan de pessimisme et d’insatisfaction, on entend, ici et là, quelques appels à surfer sur la vague des opportunités. Nicolas Ribollet, membre du conseil d’administration de CCI France International a choisi d’être optimiste.  « Si demain vous avez le retour des droits de douane sur l’importation, certaines entreprises vont vouloir établir ou rapatrier des filiales au Royaume-Uni. Cela offre possiblement des opportunités pour ceux qui sauront s’adapter aux changements », déclare-t-il dans un reportage. 

 

Pour Vincent De Meyer, Directeur Général Adjoint d’April International, la réaction des Etats Européens suite au Brexit est un signal positif pour l’Union. «  J’ai été ravi de voir que face à l’adversité, le Brexit a contribué à ressouder les membres de l’Union Européenne, à un moment où ils en ont bien besoin », positive-t-il, tout en assurant que son entreprise saura rebondir. 

 

 

« La seule façon de refermer la boite de Pandore, c’est de repasser par un vote »

 

Certains Européens se font les chantres d’un nouveau référendum, qu’ils voient comme l’unique rempart au marasme.  «  La seule façon de refermer la boite de Pandore c’est de repasser par un vote en soulignant cette fois toutes les implications concrètes du Brexit. Il faut poser clairement la question : est-ce que c’est bien cette sortie là que vous voulez ? » propose Olivier Cadic, dans un vœu de revanche démocratique.

 

Comme l’ensemble de ses compatriotes français, le sénateur n’a pas été autorisé à prendre part au vote du 23 juin 2016, contrairement aux ressortissants des pays du Common Wealth résidant aussi au Royaume-Uni.  Un sentiment mêlé d’impuissance et d’injustice qui vient renforcer l’amertume des expatriés en ce moment de transition inédit. 

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Justine Hugues
Publié le 15 novembre 2018, mis à jour le 3 décembre 2020
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