Question amabilité de la population locale vis-à-vis des résidents étrangers, chez les Français, faudra repasser…et bim ! En se plaçant honteusement 55ème sur 65 dans le classement InterNations des pays les plus accueillants, l’Hexagone serait, pour les étrangers, un pays aux habitants méprisants et aux amitiés difficiles. Piqués à vif dans notre orgueil, nous avons décidé d’aller prendre la température auprès de nos voisins expatriés.
« On m’avait prévenue que les Français ne seraient pas très sympas » pose d’emblée Reiko, une Japonaise venue à Paris pour élargir ses opportunités professionnelles. La mauvaise réputation des Français a déjà fait le tour du monde : 30 % des personnes sondées par InterNations vivant en France perçoivent négativement l'attitude de ses habitants envers les expats’, presque le double de la moyenne mondiale… (voir notre article) Selon Raul, Argentin de 26 ans, « les Français sont très attachés à leur sphère privée. Je me souviens, un jour, avoir sauté dans les bras d’une amie qui m’a regardé, interloquée. Ils n’aiment pas trop le contact physique ».
« Râler comme un Français »
« Râler chez les Français, c’est exister. J’ai remarqué qu’être trop joyeux, finalement c’est être un peu neuneu ! estime Jaime, philippin. Les pfff sont tellement caractéristiques, moi maintenant je râle comme un Français ».
« Ils ont un côté très formel et conservateur, raconte Justin, un Londonien qui a suivi sa compagne française dans la région parisienne. Je comprends qu’ils râlent quand tout le monde leur parle anglais. Mais au fond, je crois qu’ils sont un peu jaloux et même snobs ». Pour Justin, la prudence et la réserve sont généralement de mise chez les Français qui, à l’inverse des Britanniques, font très attention au qu’en dira-t-on. Propos confirmés par Christine, Singapourienne expatriée en France depuis près de 30 ans et ambassadrice d’InterNations. « Au départ, les gens qui ne me connaissaient pas étaient très hésitants. Ils me toisaient des pieds à la tête sans sourire », se souvient-elle. Difficile de briser la glace donc. Rien d’insurmontable toutefois pour nos interlocuteurs, qui confessent à l’unanimité avoir lié de superbes amitiés avec des Français.
« Ici, la valeur de l’espace privé est beaucoup plus importante » analyse Raul.
Les Français séparent énormément la sphère professionnelle de la sphère personnelle, alors qu’en Argentine, tu vas à une soirée et tout le monde parle de sa vie assez ouvertement, même aux inconnus
En plus d’être « froids », nous prêterions aussi beaucoup d’importance aux projets professionnels ; notre métier nous définissant plus qu’ailleurs. « A chaque fois que je rencontre un Français, il me demande ce que je fais dans la vie et quels sont mes projets. Je n’en ai aucune idée de ce que je vais faire après, et c’est bien comme ça », dit-il en riant.
L’impolitesse et l’incivilité des Français peuvent parfois choquer. « Je prends souvent un malin plaisir à crier « merci » aux Français que je laisse passer dans la rue et qui m’ignorent », raconte Joan, Anglaise établie à Lyon. « Je n’arrive toujours pas à me faire aux gens qui ne me laissent pas descendre dans le métro », renchérit Reiko.
L’administration, pièce maitresse du cabinet de curiosités
A la question « Qu’est-ce qui vous surprend ? », bureaucratie et paperasse sont deux termes bien français que les expatriés reprennent à l’unisson. « Je déteste l’administration. Ils ont perdu mon dossier de carte vitale trois fois et je ne l’ai eu qu’au bout d’un an et demi », explique Analisa, espagnole de 29 ans. L’attitude de nos fonctionnaires semble être un motif de surprise : « Ils sont incroyablement impolis. Ils vous donnent l’impression que vous envahissez leur espace, au lieu d’être au service des usagers », déplore Joan.
« On a l’impression d’être au XIXème siècle, ironise Raul. Pour ouvrir un compte en banque, il faut un domicile. Pour avoir un domicile, il faut un travail, mais pour avoir un travail, il faut un compte en banque ». Pour autant, tous admettent que l’enjeu en vaut la chandelle. « Une fois que tu as envoyé le milliard de papiers, tu as presqu’autant de droits qu’un Français », se réjouit l'Argentin. « La bureaucratie est grotesque, mais les services publics sont fantastiques », complète Nikola, journaliste anglaise expatriée à Paris.
A côté de la bureaucratie à la française, d’autres curiosités étonnent les expatriés. « Il y a des ronds-points partout ! se moque Justin. C’est à croire que les Français dépensent toutes les recettes fiscales à les fleurir ».
Paris sera toujours Paris… ou pas !
La ville lumière est-elle conforme à la carte postale ? « A Paris, je déteste les rats, l’odeur d’urine et la saleté dans les transports » explique Analisa, sans détour. La saleté « agace » aussi Christine. « Certaines personnes s’en fichent et jettent tout par terre. A Singapour, on est beaucoup plus obéissant ».
Paris est une ville où on peut rapidement se sentir seul dans sa toute petite chambre de bonne. C’est cher et c’est beaucoup plus compliqué de se faire des amis, de trouver un logement
Pour Nikola, notre capitale est assez stressante, « même si l’équilibre travail-vie personnelle reste bien meilleur qu’au Royaume-Uni ». Beaucoup notent que la vie est plus douce et les contacts plus faciles hors des grandes villes.
Sauvons les meubles…
L’amour de la culture et de la gastronomie, l’esprit critique et la solidarité sont autant de points sur lesquels les Français sont plutôt positivement perçus.
« L’offre culturelle, le multiculturalisme, la gastronomie, la langue… il y a tellement de choses que j’aime », s’exclame Analisa . « Je suis l’une de ces filles typiques qui voyait Paris dans les films et pensait que tout est beau ; la littérature, les galeries d’art, raconte Nikola. Sur bien des aspects, c’est vrai. J’aime les relations avec les petits commerçants, le soin que les Français prennent à passer à la boulangerie, la fromagerie. Au Royaume-Uni c’est bien plus impersonnel ».
Notre amour obsessionnel pour la bonne chère en fascine plus d’un. De même que notre capacité à exprimer nos opinions. « La première fois que quelqu’un m’a dit « je ne suis pas d’accord avec toi », je ne savais pas comment réagir , avoue Reiko. Au Japon, on essaie souvent de trouver des moyens détournés de le faire comprendre, tout en souriant. Les Français eux, quand ils ne sont pas contents, ils le disent et le montrent, même les vendeurs avec leurs clients », poursuit-elle. « Je suis très admirative de la façon dont les Français parlent à leurs supérieurs, corrobore Nikola. Ils n’ont pas du tout peur de dire ce qu’ils pensent, ce qui rend les réunions parfois conflictuelles ». Selon Joan,
Le contexte social est beaucoup plus sympathique, les Français adorent discuter, débattre
En dépit des difficultés, ils sont nombreux à être très sensibles aux gestes de solidarité des Français. « Quand je suis arrivé, une Française m’a accueillie dans son salon pendant neuf mois. Quelqu’un m’a donné un job d’été, puis j’ai passé deux ans avec une famille. J’ai reçu des témoignages de solidarité incroyables », se souvient Raul. « Ils sont hésitants, mais ensuite c’est super. Les gens m’aident quand ils voient que je fais des efforts », renchérit Christine.
« Une fois que l’on connaît les gens, ils sont vraiment amicaux, adorent discuter et font attention à vous. On ne nous traite plus comme des étrangers », conclut Joan.