Réforme de l’AEFE, dématérialisation des certificats d’existence et des actes de l’état civil, vote électronique, réforme des institutions…La rentrée politique augure des changements pour les Français établis à l’étranger. Panorama.
« Beaucoup reste évidemment à faire et je mesure sur certains sujets l’impatience de notre communauté de par les échanges que j’ai régulièrement avec vous. La question de certificats d’existence, la simplification des règles d’imposition sur le revenu, ou encore l’exonération de CSG-CRDS assises sur les revenus du capital pour les Français résidant hors de l’Union européenne sont autant de sujets à l’ordre du jour. Nous y travaillons avec opiniâtreté » assurait Anne Genetet, la députée LREM de la 11ème circonscription des Français établis hors de France, il y a quelques jours. Pour les expatriés, chaque rentrée politique est synonyme d’attentes sur des problématiques du quotidien. Voyons les engagements du gouvernement en la matière.
Retraites
Le 18 juillet, le Haut-Commissaire à la réforme des retraites, Jean-Paul Delevoye, a remis au Premier ministre ses préconisations en vue de l’instauration d’un système universel de retraite. Si l’âge de départ légal reste fixé à 62 ans, le rapport prône un « âge d’équilibre », pour partir à la retraite, fixé à 64 ans dès 2025. Comprendre un âge de départ « à taux plein » uniforme, assorti d’une décote pour ceux qui décideraient de partir avant, et d’une surcote pour ceux qui prolongeraient leur activité professionnelle. Par ailleurs, à partir de 2021 et la mise en place d'une retraite à points, toujours par répartition, la durée de cotisation va disparaitre.
« La mise en place du système universel de retraite n’aura pas d’impact sur les retraités actuels, que la pension soit versée en France ou à l’étranger » affirme le rapport, ni sur les expatriés qui relèvent obligatoirement du régime de protection sociale de leur pays de résidence. Pour les expatriés établis dans l’Union européenne, dans l’Espace économique européen, en Suisse ou dans les pays avec lesquels la France est liée par un accord de sécurité sociale, la mise en place du système universel « devrait probablement apporter des simplifications dans les échanges ».
Pour autant, l’assurance volontaire vieillesse des expatriés devrait être impactée. Afin d’acquérir des droits supplémentaires au titre du régime français de retraite par répartition, les expatriés ont la possibilité de s’assurer volontairement contre le risque vieillesse. À cette fin, ils peuvent cotiser à la Caisse des Français de l’étranger (CFE) pour leur retraite de base, ainsi qu’à la Caisse de retraite des expatriés (CRE) et l’Institution de retraite des cadres et assimilés de France et de l’extérieur (IRCAFEX), pour la retraite complémentaire. Selon les préconisations, les régimes gérés par ces trois institutions « pourraient être amenés à évoluer comme les régimes de retraite français obligatoires », à savoir le passage à un système à points et la mise en place d’un compte unique. « Si nous avons une interruption de carrière car nous partons à l'étranger, cette interruption ne sera plus pénalisante, nous n'aurons plus de trimestres à racheter à prix d'or à l'étranger », affirme Anne Genetet.
Certificats de vie (ou certificats d’existence)
Ils sont demandés par les Caisses de retraite aux pensionnés, notamment à l’étranger, afin de poursuivre les versements des retraites. Tandis que plusieurs solutions ont été explorées au cours des dernières années pour faciliter la réalisation et la transmission de ces certificats par les Français de l’étranger aux caisses de retraite, de nombreux expatriés continuent de se plaindre des délais et frais financiers occasionnés par la démarche. « Il est urgent de mettre un terme à ces difficultés kafkaïennes » interpellaient les Sénateurs-trice-s des Français de l’étranger dans un courrier commun en date du 4 juillet 2019. « S'agissant parfois de petites retraites, s'élevant à quelques dizaines d'euros, il apparaît illogique que, dans certains pays, le tarif lié à la délivrance de cette attestation par des autorités locales (cela implique, en effet, d’avoir recours à un notaire, ou à un traducteur assermenté même dans les hypothèses où les certificats sont délivrés gratuitement) représente plus de 10 % de la pension mensuelle perçue » illustre Jean-Yves Leconte, sénateur PS.
De son côté, le gouvernement assure que la gestion mutualisée de l’envoi et de la réception annuelle des attestations d’existence par les différents régimes sera effective à partir d’octobre 2019. Il faudra aller sur le site Info Retraite, créer son compte, et sur cet espace dédié il sera possible d'imprimer le certificat pré-rempli. Après l'avoir fait signer par une autorité locale, il faudra le scanner et le renvoyer via son espace dédié.
Expérimentation de la dématérialisation des actes de l’état civil établis par le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères (MEAE)
La dématérialisation devrait également être étendue à la délivrance des actes de l’état civil à l’étranger. Ainsi, le délai d’obtention d’un extrait ou d’une copie d’acte sera réduit, annonce le MEAE. Par ailleurs, les Français établis hors de France pourront déclarer en ligne un événement d’état civil, sans se déplacer dans un consulat.
Prévue sur 3 ans, cette expérimentation qui vise à apprécier la sécurisation et simplification des démarches (notamment par le pourcentage de recours aux téléservices et à la mesure du délai de délivrance) est prévue en 3 étapes, entre le dernier trimestre 2020 (délivrance d’extraits et copies d’actes à l’usager) et le deuxième semestre 2021 (déclaration en ligne d’un événement d’état civil en vue d’une transcription, sans se déplacer dans son consulat).
Fiscalité
La baisse de l’impôt sur le revenu, annoncée par Emmanuel Macron, le 25 mai dernier, devrait concerner tous les foyers imposables, à l'exception des plus aisés, dès le 1er janvier 2020. Reste à savoir qui, parmi les Français de l’étranger, bénéficiera de cette baisse.
La question reste également ouverte au sujet de la généralisation de l’exonération de CSG/CRDS sur les revenus immobiliers aux non résidents établis hors de l’UE et de l’Espace Economique Européen. Demandée sans succès en 2018 par les élus des Français de l’étranger, cette généralisation devrait à nouveau être, par souci de justice et d’équité, au centre des négociations des Projet de Loi de Finance (PLF) et Projet de Loi de Financement de la Sécurité Sociale (PLFSS) 2020. Par ailleurs, certains députés et sénateurs se sont prononcés en faveur de la modification du statut des résidences françaises des expatriés vers une modalité spécifique moins pénalisante ainsi que de l’amélioration de l’information sur le taux moyen. En effet, ce mode de déclaration de revenus plus avantageux, qui permet de s’affranchir du taux plancher de 30%, reste méconnu d’un grand nombre de nos concitoyens établis à l’étranger.
Vote électronique
Suite à une question de Jacky Deromedi, sénatrice LR des Français de l’étranger, relative au vote électronique des Français de l’étranger, Sébastien Lecornu s’engageait, au nom du ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, le 2 juillet 2019 : « Je peux vous dire que les conditions seront réunies pour les élections consulaires de mai 2020 et les élections législatives de 2022, comme l'a demandé le Président de la République ». Le portail via lequel les électeurs pourront, une fois identifiés, voter en moins d’une minute, devrait être homologué en janvier 2020. Après un test grandeur nature réalisé auprès de 13.000 électeurs en juillet dernier, un deuxième sera organisé en octobre prochain. Cette modalité devrait permettre à beaucoup d’expatriés d’éviter de longs déplacements pour exercer leur droit citoyen.
Réforme de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger
Alors que les annonces présidentielles liées à l’évolution du réseau des établissements français de l’étranger ne sauraient tarder (elles était initialement programmées avant l’été), de nombreux personnels du réseau, parents d’élèves et représentants des Français de l’étranger masquent difficilement leurs inquiétudes. Ces derniers mois, des mouvements de grève ont été observés dans les établissements du réseau, suite au non –renouvellement de détachements, ou aux changements de statuts de certains postes. « J’ignore comment il est possible de viser un maintien de la qualité avec 100% d’élèves en plus, avec juste 10% de titulaires en plus, comme proposé dans les rapports lus cette année… Et je ne crois pas à un enseignement français à l’étranger qui se séparerait progressivement de titulaires français, au profit d’enseignants formés spécifiquement, sans que cela ait des conséquences sur les spécificités de notre enseignement et son identité » alertait Jean-Yves Leconte, sénateur socialiste.
Loi de transformation de la fonction publique
Le texte, promulgué le 7 août 2019 au Journal officiel, assouplit les règles de recrutement des contractuels, tout en améliorant leurs conditions d’emploi et leur ouvre également certains postes de direction. Il crée, entre autres, le contrat de projet (entre 1 et 6 ans), à l’image du contrat de chantier dans le privé, qui n’ouvre pas de droit à un contrat à durée indéterminée ou à la titularisation et prend fin en même temps que l’opération pour laquelle il a été conclu. Le mécanisme de rupture conventionnelle est introduit pour les contractuels, aligné sur celui prévu par le Code du travail. Le dispositif est étendu à titre expérimental pendant cinq ans à compter de 2020.
« Ce projet de loi fourmille d’idées que l’on sait nocives puisque le ministère de l’Europe et des affaires étrangères a servi de terrain expérimental depuis de nombreuses années, alerte la CFDT Affaires Etrangères. Le MEAE vit déjà tout cela, avec ses 16 500 agents dont seuls 5 500 sont fonctionnaires et ont un statut. Parmi les non statutaires, on compte 2 000 contractuels de droit public, 8 200 recrutés locaux de droit privé dont 3 500 – hors plafond d’emplois – travaillent dans le réseau culturel et quelque 600 VI : tous ont en commun la vulnérabilité de leur situation de travail. Qu’on arrête la publicité mensongère. Qu’on ne nous fasse pas passer pour de la modernisation ce qui n’est en réalité que le démantèlement, en marche, du service public, de la fonction publique et du dialogue social ».
Réforme des institutions
Annoncée par Emmanuel Macron le 3 juillet 2017, la réforme des institutions compte trois projets de loi distincts (constitutionnel, organique et ordinaire). Plus resserrée que celle qui avait été présentée en mai 2018 et dont l’examen avait été stoppé à la suite de l’« affaire Benalla » puis du mouvement des gilets jaunes, la première série de mesures a été présentée au conseil des ministres en mai.
Parmi les dispositions, Le référendum d’initiative partagée (RIP) ne requerra plus désormais qu’un dixième des membres du Parlement et un million d’électeurs, ce qui en facilitera la mise en œuvre. Le président de la République pourra soumettre au référendum tout projet de loi portant sur l’organisation des pouvoirs publics « nationaux ou territoriaux » ainsi que sur « des réformes relatives aux questions de société ». Le projet de loi constitutionnelle entend également renforcer les dispositifs de participation citoyenne. Le Conseil économique, social et environnemental (CESE) est transformé en Conseil de la participation citoyenne (CPC) au nombre de membres réduit. D’autres dispositions mettent fin à la présence des anciens présidents de la République au Conseil constitutionnel, prévoient que les magistrats du parquet seront dorénavant nommés sur avis conforme de la formation compétente du Conseil supérieur de la magistrature, qui statuera également comme conseil de discipline des magistrats du parquet ou que la Cour de justice de la République est supprimée.
La réduction du nombre de parlementaires (dont ceux des Français de l’étranger) reste l’un des gros points de friction. Emmanuel Macron a revu ses plans à la baisse, proposant le chiffre de 25 %, au lieu de 30 % initialement. Or, ce chiffre n’est toujours pas acceptable pour le Sénat (en majorité LR), lequel exige qu’après la réforme, le nombre de départements tombant à un député et un sénateur ne dépasse pas la vingtaine, soit une réduction finale autour de 13%. L'exécutif n'a pas encore précisé la voie choisie pour faire voter le texte. Il pourrait faire l'objet d'un referendum si aucun accord n’était trouvé avec le Sénat. Or l’horloge tourne et les textes à faire passer (bioéthique, dépendance, statut de l’élu, etc.) avant les municipales de mars 2020 s’accumulent.