Il y a deux ans, la Russie envahissait l’Ukraine. À l’occasion de ce terrible anniversaire, Francetv consacre la soirée du dimanche 25 février à cette guerre longue en diffusant deux documentaires glaçants, pour des raisons bien différentes. Le journaliste Hugo Van Offel a co-réalisé “Le monde en face : Ukraine, le coût des armes”, avec Martin Boudot, qui occupera l’antenne de France 5 à partir de 21h. Il revient sur les coulisses du documentaire et les conclusions tirées après une année d’enquête.
“Depuis la Seconde Guerre mondiale, jamais il n’y a eu autant d’armes qui ont transité en Europe.” De ce simple constat, l’enquête de Martin Boudot et Hugo Van Offel s’est imposée à eux au début de l’année 2023. En quasiment un an de travail, ils ont alors répondu à leurs nombreuses interrogations de départ dans leur documentaire de 1h10 : Comment sont acheminées ces armes ? D’où proviennent-elles ? Quels sont les risques associés à cette prolifération d’armes produites en Europe ? Toutes les réponses sont à découvrir dans Le monde en face : Ukraine, le coût des armes diffusé dimanche 25 février au soir sur France 5.
“On entend beaucoup parlé des livraisons d’armes des pays occidentaux vers l’Ukraine, de chiffres exorbitants et on ne savait pas très bien comment cela fonctionnait.” En s’intéressant à ce sujet, les deux documentaristes proposent un regard inédit sur le monde de l’armement, “très opaque et très secret”.
Cela n’a pas été de tout repos mais après plusieurs mois de recherches et prises de contacts, Hugo et Martin ont décroché des rencontres exclusives avec des insiders de ce milieu très sécurisé. Ils se sont entretenus avec des circuits de courtiers d’armes britanniques, ont pu filmer des usines françaises de fabrication d’armes ou même décrocher une interview avec l’un des plus influents et importants trafiquants d'armes au monde Viktor Bout - Prisonnier pendant 25 ans, il avait été libéré de sa cellule étasunienne en décembre 2022 à la suite d’un échange avec la basketteuse Brittney Griner retenue en Russie.
Une rencontre qui a été le fruit de longues négociations démarrées alors que Viktor Bout était encore en prise. Hugo Van Offel était alors entré en contact au préalable avec la femme de celui que l’on surnomme ‘le marchand de la mort”.
“Tous les pays de l’Europe donnent une large partie de leur budget à l’industrie de l’armement”
Des drones, des tanks, des lance missiles, des avions, des fusils semi-automatiques, des grenades, des munitions. Chaque jour ou presque, une nouvelle livraison d'armes est annoncée par les pays qui soutiennent l'Ukraine face à l'agression russe. Avec ce soutien international chiffré à près de 250 milliards d’euros sur le plan militaire entre février 2022 et décembre 2023 - sans compter l’aide de l’Union européenne de 50 milliards d’euros décidée en février 2024 - la stratégie de désarmement qui existait ces quarante dernières années sur le sol européen n’est plus d’actualité.
Un changement de cap amplifié par la guerre et plus largement par la situation diplomatique mondiale, justifie Hugo Van Offel : “Nous avons des dirigeants de pays qui sont de plus en plus autoritaires et qui ne respectent pas le droit international. La possibilité qu’un autre Poutine puisse envahir l’Europe est tout à fait possible. Il faut se préparer à cela.” D’autant plus que l’aide apportée à l’Ukraine est de plus en plus remise en question, notamment outre-atlantique : “si Donald Trump est réélu en décembre 2024 aux Etats-Unis, le soutien principal des livraisons d'armes en Ukraine s'arrête.” La question illustrée dans le documentaire n'est donc pas “est-ce qu’il faut arrêter l’industrie de l’armement ?” mais plutôt “quels sont les moyens à donner aux pays pour se défendre et dissuader ?”, insiste Hugo Van Offel.
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— Hugo Van Offel (@hugo_van_offel) February 9, 2024
La vie d’après-guerre des armes : une inquiétude ?
Le monde en face : Ukraine, le coût des armes pose ainsi les bases d’un problème préoccupant une fois la guerre terminée : que fera l’Ukraine de toutes ses armes ? Pour Hugo Van Offel, s’appuyer sur l’histoire passée amène un début de réponse : “la guerre des Balkans dans les années 90 a donné naissance au plus grand trafic d'armes qui inonde encore l'Europe, notamment avec les Kalashnikov. Le gros problème, c'est que lorsqu’une guerre s'arrête, les armes fonctionnent toujours et valent de l'argent. Les polices européennes sont conscientes du risque et se coordonnent pour le limiter.”
Au contraire, le philosophe Frédéric Gros, interrogé dans ce documentaire, s’inquiète du véritable coût des armes : “les passions immédiates ne prennent jamais en compte les leçons de l’histoire, étant les suivantes : la construction d’une paix armée, qui tient par la crainte de l’autre, est peu durable.”
“20 jours à Marioupol”, un documentaire glaçant nominé aux Oscars 2024
“Ces images sont douloureuses à voir, mais cette douleur est nécessaire.” À 22h15 le dimanche 25 février, France 5 poursuit sa soirée spéciale avec le documentaire 20 jours à Marioupol du réalisateur ukrainien Mstyslav Chernov de l’Associated Press (AP). Piégé dans la ville assiégée de Marioupol, il filme avec son équipe les atrocités de l'invasion russe. Les images capturées deviendront plus tard des images marquantes de la guerre, livrant ainsi un témoignage capital sur la réalité de la guerre qui déchire l’Ukraine.
Au plus près de civils désespérés mais tellement combatifs, ce récit chronologique offre une réflexion sur d'un reporter en zone de conflit et sur l'impact d'un tel journalisme à l'échelle mondiale. Pour sa puissance, 20 jours à Marioupol a reçu de nombreux prix à l’international et a été nominé aux Oscars 2024 dans la catégorie Meilleur Film Documentaire. Déconseillé pour les moins de 12 ans, il est à voir pour ne pas oublier ce qu’il s’est passé aux premiers jours de l’invasion russe, pour ne pas négliger les agissements continus sur le front depuis deux ans déjà.