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TRAVAILLEURS DÉTACHÉS – Sept pays européens appellent à plus de réglementation

Travailleurs détachés règlementationTravailleurs détachés règlementation
Écrit par Lepetitjournal.com International
Publié le 1 janvier 1970, mis à jour le 18 mai 2018

Huit représentants français, allemand, belges, luxembourgeois, néerlandais, autrichien et suédois ont cosigné dans le Monde une tribune pour demander la modification de la directive  « travailleurs détachés » de 1996. Leur objectif : mettre  fin au « dumping social » au sein de l'Union Européenne. Retour sur une mesure européenne qui fait débat et met en lumière les faiblesses de la construction européenne. 

 

Travailleurs détachés, travailleurs expatriés : quelles différences ?

Selon la définition donnée par la directive « travailleurs détachés » (16 décembre 1996), « tout travailleur, qui pendant une période limitée, exécute son travail sur le territoire d'un Etat membre autre que l'Etat sur le territoire duquel il travaille habituellement » est considéré comme un travailleur détaché.

Dans les faits, il s'agit de salariés qui font des missions ponctuelles dans un autre pays de l'Union européenne que celui dans lequel ils travaillent normalement. Le critère de « durée » est donc essentiel, un expatrié qui travaille habituellement dans un pays étranger ne peut donc pas être considéré comme détaché.

Une directive est un acte normatif pris par l'Union européenne. Elle donne des objectifs à atteindre par les Etats membres, avec un délai. Une fois la directive adoptée, les parlements de chaque Etats doivent la transposer dans leurs droits nationaux.

Concurrence entre les Etats et abus des entreprises

La directive précise que « les entreprises garantissent aux travailleurs détachés sur leur territoire les conditions de travail et d'emploi qui sont fixées dans l'Etat sur le territoire duquel le travail est exécuté ». Dans les faits, l'entreprise qui détache des travailleurs en France ne peut les rémunérer en deçà du SMIC français mais n'a aucune obligation de les payer au même niveau que les salariés français du même secteur. 

De plus, aucune réglementation n'est prévue en ce qui concerne la protection et les charges sociales.

Cet « oubli » entraine donc de nombreux abus comme le travail dissimulé aux autorités françaises ou le non-respect des normes d'hygiène et de sécurité. La frontière entre travail détaché et travail illégal est en effet parfois ténue. Les fraudeurs utilisent par exemple des enchevêtrements de sociétés sous-traitantes afin de dissimuler leurs pratiques à l'Etat français.

Le détournement va parfois jusqu'à détacher des travailleurs français? en France. L'entreprise les emploie via une agence d'intérim dans un pays étranger, où les charges et la protection sociales sont moindres.

L'appât du gain fait donc le succès de la directive. Le BTP est le champion du travail détaché, concentrant à lui seul 37% de ces salariés nomades en France, soit 77.700 personnes en 2013. Dans l'agriculture, le nombre de travailleurs détachés a augmenté de 1000% entre 2004 et 2011.

Des ministres vent debout contre le « dumping social »

Les ministres signataires de la tribune (dont Myriam El Khomri pour la France) souhaitent que soit accordée aux travailleurs détachés une rémunération équivalente à celle des travailleurs du pays d'accueil pour un poste équivalent. Ils pourraient aussi bénéficier du treizième mois et des primes de Noël par exemple.

« Nous voulons que la directive de 1996 constitue une source de protection effective de tous les travailleurs européens » déclarent-ils. « Les travailleurs détachés doivent pouvoir bénéficier de conditions de vie de travail décentes et d'une rémunération équivalente à celle des travailleurs du pays d'accueil dès le premier jour de leur détachement ».

L'ombre au tableau du libre-échangisme européen mis  en lumière par cette tribune, c'est le manque d'harmonisation sociale à l'échelle européenne. En effet si le marché est commun, le système social et fiscal est loin de l'être. Derrière cette critique se niche un problème plus structurel de l'Union européenne telle qu'elle est conçue. L'intégration économique à tout crin de nouveaux pays au marché commun s'est fait aux dépends de l'harmonisation fiscale et sociale, provoquant ainsi le fameux « dumping social » entre les Etats membres.

En mars, la Commission européenne avait déjà proposé qu'un travailleur détaché au sein de l'UE bénéficie désormais des conditions de rémunération en vigueur dans son pays d'accueil et non plus seulement du salaire minimum appliqué dans ce pays. 

La tribune a provoqué une levée de bouclier de la part de 11 Etats membres, notamment de l'Europe de l'Est. Leur argument est bien évidemment l'entrave au libre-échange que constituerait une réforme de la directive « travailleurs détachés ». Derrière se cache bien évidemment la protection de leurs intérêts nationaux.

Robin Marteau (www.lepetitjournal.com) mercredi 14 décembre 2016

 

Retrouvez la tribune intégrale en cliquant ICI.

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Publié le 15 décembre 2016, mis à jour le 18 mai 2018
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