Le résistant d’origine arménienne Missak Manouchian rejoint le Panthéon le 21 février 2024, 80 ans après son exécution. Se sacrifiant pour la France, il entre, avec son épouse, à la Nécropole des Grands Hommes symbolisant la résistance des étrangers. Récit d’un destin hors norme et hors frontières.
Missak Manouchian est un symbole d’engagement et de résistance. D’origine arménienne, il est profondément marqué par le génocide contre son peuple et se rapproche de la France dès son enfance, y voyant un pays protecteur par excellence. Il s’y réfugie dès l’âge de 18 ans, adhérant au puissant Parti communiste et choisissant, au début de la Seconde Guerre mondiale, de s’engager dans l’armée française. Un engagement qui se transformera en un combat clandestin, Missak Manouchian devenant chef militaire d’un groupe de résistants. Qui est vraiment cette figure militante et pourquoi - n’ayant pas la nationalité française - rejoint-il les 81 personnalités du Panthéon ?
Missak Manouchian, figure de la Résistance, va entrer au Panthéon
Missak Manouchian s’engage sans l’ombre d’une hésitation dans l’armée française. Mais son engagement prend vite une autre tournure
Missak Manouchian, un destin engagé hors norme
Missak Manouchian naît en 1906 au sein d’une famille de paysans en Arménie. Il a à peine 9 ans lorsque son père est tué pendant le génocide et sa mère déportée. En 1924, il arrive à Marseille et travaille dans des chantiers navals puis dans l’industrie automobile à Paris dans des conditions difficiles. Fervent de solidarité et d’entraide dans ce milieu ouvrier, il adhère, en 1934 au Parti Communiste Français où il participe aux activités du groupe arménien. Il y rencontre sa future épouse, Mélinée Assadourian, qu’il épouse en 1936. Pendant plusieurs années, il sillonne la France pour constituer une Union populaire franco-arménienne.
Torturé, Manouchian est condamné à mort après un procès à grand spectacle
En 1939, Missak Manouchian s’engage sans l’ombre d’une hésitation dans l’armée française au début de la Seconde Guerre mondiale. Mais, face à la débâcle, son engagement pour le pays prend vite une autre tournure. Il rallie l’organisation mise en place par le PCF avant la guerre nommée MOI (Main-d’œuvre immigrée), qui est devenue un mouvement de résistance. A partir de 1943, il prend la tête de l’une des branches de ce mouvement, les FTP-MOI (Francs-Tireurs et Partisans - Main-d’œuvre immigrée) et mène des actions armées. Il participe notamment à l’attentat contre Julius Ritter, un Général SS chargé de recruter la main-d’œuvre française dans le cadre du Service du travail obligatoire (STO). Mais, très vite, il est repéré par les Allemands nazis et arrêté en 1943. Torturé, Missak Manouchian est remis aux autorités allemandes avec 22 de ses camarades d’armes. Les 23 inculpés sont condamnés à mort après un procès à grand spectacle et fusillés le 21 février 1944 au Mont-Valérien, en commune de Suresnes.
Missak Manouchian, mort au nom des valeurs de la France
Missak Manouchian était un passionné de la France et de ses écrits depuis son enfance. Réfugié dans un orphelinat libanais sous protection française après le génocide arménien, il s’initie à la poésie et à la langue française. Son attachement pour la France, pays d’adoption dès ses 18 ans en 1924 ne faiblira jamais, jusqu’à mourir pour le pays en 1944. Missak Manouchian n’a jamais obtenu la nationalité française, pourtant demandée à deux reprises. Le poète Louis d’Aragon écrivait d’ailleurs en 1955 dans le poème l’Affiche Rouge :
“ (...) Nul ne semblait vous voir Français de préférence
Les gens allaient sans yeux pour vous le jour durant
Mais à l'heure du couvre-feu des doigts errants
Avaient écrit sous vos photos MORTS POUR LA FRANCE (...) ”
Pas Français mais mort pour elle, Missak Manouchian reçoit l’une des plus grandes reconnaissances que la France peut lui donner : entrer au Panthéon. Une décision prise en 2023 par Emmanuel Macron, expliquée lors d’une interview le 19 février 2024 à l’Humanité, un choix de média inédit pour un président de la République et qui fait écho à l’engagement communiste de Missak Manouchian : “Ses combats rejoignent les idéaux républicains. Pour la seconde fois, après Joséphine Baker, un “Français de préférence” entre au Panthéon”.
Le 21 février 2024, Missak Manouchian rejoint donc le temple mémoriel avec son épouse et compagne de lutte, Mélinée. Cette dernière lui a survécu 45 ans, et ne s’est jamais remariée. Dorénavant, les gens auront des yeux pour eux des jours durant…