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M. Vogel : « Les expatriés sont aux premières loges du réchauffement climatique »

sénatrice EELV Mélanie Vogelsénatrice EELV Mélanie Vogel
Écrit par Capucine Taconet
Publié le 16 décembre 2021, mis à jour le 29 décembre 2021

Les rendez-vous s'enchaînent, les journées « sont trop longues » lâche Mélanie Vogel dans un sourire. L’agenda de la sénatrice EELV ne semble pas lui ménager de répit entre les séances au Sénat, son rôle de porte-parole de la campagne présidentielle de Yannick Jadot, et la mission d’information pour une sécurité sociale écologique dont elle est rapportrice. L’élue prend néanmoins le temps de revenir avec nous sur son début de mandat et déploie la vision de son engagement auprès des Français de l’étranger.

Mélanie Vogel fait partie des quelques sénateurs et sénatrices des Français de l’étranger fraîchement élus fin septembre 2021. À 36 ans, l’ancienne conseillère politique des Verts au Parlement européen détonne dans le paysage politique du Sénat. Impliquée dans la campagne de Yannick Jadot pour 2022 en tant que porte-parole, la sénatrice EELV compte bien être la porte-voix des Français de l’étranger « aux avant-postes de la crise climatique ».

 

Mélanie Vogel Sénat

 

La moyenne d’âge au Sénat est actuellement de 60 ans, et les personnes qui siègent sont à 66% des hommes : comment voyez-vous votre présence au Sénat, en tant que jeune, femme ?

Il est clair que je ne ressemble pas à la majorité qui compose le Sénat. Venant du Parlement européen qui est plus divers, où siègent davantage de femmes, de jeunes et de personnes LGBTI, je ressens d’autant plus le décalage.  

C’était d’ailleurs une des raisons du choix des écologistes de présenter ma candidature : amener davantage de diversité dans cette assemblée, mais aussi dans notre propre groupe qui n’était pas non plus parfait de ce point de vue là.

Nous sommes un petit groupe et le symbole que nous incarnons à travers les personnalités que nous envoyons dans les institutions est donc autant important que le travail législatif que nous effectuons au jour le jour. 

Et c’est vrai que nous ressentons très concrètement lorsque nous ne correspond pas tout à fait au cadre. Par exemple, au début, beaucoup de personnes à la sécurité et au personnel administratif m’arrêtaient : « excusez-nous, cette salle est réservée aux élus ». 

 

Comment s’est passée votre transition du Parlement européen au Sénat en octobre ?

Le Sénat français est un lieu où perdurent beaucoup d’usages vieillots, tandis que le Parlement Européen existe depuis moins longtemps, et n’est pas aussi protocolaire. La hiérarchie est beaucoup plus prégnante ici, au Sénat, où de nombreux espaces sont réservés aux seuls élus, et où les collaborateurs subissent parfois des humiliations. Le poids des institutions se ressent lorsque l’on siège dans une telle assemblée.

 

Les Français de l’étranger paient toujours un prix plus fort, du fait qu’ils sont structurellement moins pris en charge et moins soutenus qu’en France hexagonale

Des enseignants de l’AEFE sont en grève depuis le 22 novembre, ils témoignent d’une pression croissante depuis la pandémie, une absence de revalorisation salariale et de versement de certaines primes. Pourquoi les soutenez-vous ?

En France ou à l’étranger, la pandémie a mis la pression sur beaucoup de secteurs, en particulier les secteurs publics qui ont dû prendre le relai. Les Français de l’étranger paient toujours un prix plus fort, du fait qu’ils sont structurellement moins pris en charge et moins soutenus qu’en France hexagonale. Je comprends les difficultés dont les professeurs de l’AEFE font part. Lors de la pandémie, les équipes enseignantes à l’étranger ont dû faire les mêmes efforts que les enseignants en France, dans des conditions moins faciles, tout en gérant une pression des parents plus grande. Une situation qu’ils ont vécu avec moins d’aides que les enseignants en France puisqu’ils n’ont, par exemple, pas accès à un certain nombre de primes. Les personnels de droit local ont été particulièrement peu soutenus.

 

Il faut avoir en tête que la fermeture d’un seul poste consulaire prive des milliers de Français d’accès au service public, à des droits sociaux fondamentaux

Quels sont les principaux défis auxquels font face les Français de l’étranger ?

Les différents gouvernements des dernières années ont largement réduit le service public à l’étranger, et les Français•es à l’étranger en sont les premiers touchés. Il faut avoir en tête que la fermeture d’un seul poste consulaire prive des milliers de Français d’accès au service public, à des droits sociaux fondamentaux. La pandémie a montré à quel point le service public est vital pour notre société, et encore plus pour les expatriés. 

 

Les débats sur l’identité de genre, la transidentité, sont ramenés à du militantisme, de l’extrémisme, alors que derrière ces mots il y a des centaines de milliers de vies

La proposition de loi pour interdire les thérapies de conversion a été votée le 7 décembre au Sénat. Vous vous êtes notamment exprimée sur l’importance de ne pas exclure les personnes transgenres de cette loi : comment les prises de parole sur les minorités sont prises en compte dans le Sénat ?

La majorité sénatoriale est conservatrice. La droite monte régulièrement en épingle des débats qu’elle ne comprend pas elle-même, notamment sur l’identité de genre, l’écriture inclusive. Et j’ai de plus en plus de mal à entendre les arguments d’élus qui jugent ces questions superflues ou qui considèrent que l’on va détruire la langue française si elle cesse d’être sexiste, simplement parce qu’en réalité, ils ne se sentent pas concernés. C’est toujours facile de déclarer qu’un sujet n’a pas d’importance lorsque cela n’est pas un problème pour soi. Les débats sur l’identité de genre, la transidentité, sont ramenés à du militantisme, de l’extrémisme, alors que derrière ces mots il y a des centaines de milliers de vies. Le terme « identité de genre » ne relève pas du militantisme, il s’agit d’un terme légal inscrit dans le droit et reconnu par le Conseil constitutionnel.

 

mélanie Vogel rapportrice


Vous êtes rapportrice de la mission dinformation pour une sécurité sociale écologique, en quoi consiste-t-elle ? 

Il s’agit d’une mission d’information prospective pour réfléchir à la manière dont on peut refonder la sécurité sociale pour la rendre compatible avec les impératifs climatiques. La sécurité sociale est un trésor national, une protection universelle où chacun est protégé selon ses besoins et participe selon ses moyens. Mais elle a été fondée à un moment où nous n’avions pas conscience des limites planétaires. Et si nous ne faisons rien, nous arriverons à un point de blocage. Tout d’abord parce que le changement climatique fait peser de nouveaux risques sur la société et que nous devons les anticiper pour pouvoir protéger.  

Ensuite parce que nous avons construit un système où le financement de la solidarité dépend de la croissance. Or, c’est précisément notre modèle de croissance infinie qui nous met en danger.  

Nous devons donc repenser la sécurité sociale sur un mode vertueux et non plus comme un cercle vicieux. Nous voulons également réfléchir à la création de nouveaux droits, notamment celui d’une alimentation saine. Nous explorons plusieurs options pour garantir l’accès de chacun et chacune à une certaine somme à dépenser dans l’achat des produits sains et locaux. Une mesure qui permettrait de réduire par ailleurs les risques de maladies et de contribuer à financer la transition agricole.

 

Nous réalisons un grand nombre d’auditions puis nous écrivons un rapport détaillé de nos travaux. Nous établissons ensuite un certain nombre de propositions

Comment s’organise la mission ?

Le rendu des travaux est prévu pour le mois de mars. Nous réalisons un grand nombre d’auditions puis nous écrivons un rapport détaillé de nos travaux. Nous établissons ensuite un certain nombre de propositions.

Le rapport doit être voté, ce qui implique de trouver un consensus. La semaine dernière, nous avons par exemple auditionné des personnes de France Stratégie qui ont réalisé un travail très intéressant concernant cette problématique. Leur étude valide justement notre vision du système actuel de la sécurité sociale. Nous allons droit dans le mur si nous ne changeons pas son mode de financement et de protection.

 

Un grand nombre d’études démontrent que nous devons passer d’une logique de soin à une logique de santé : faire en sorte que la population soit moins malade plutôt qu’attendre qu’elle soit malade pour la soigner

Quelles propositions voulez-vous apporter ?

Nous réfléchissons par exemple à la mise en place d’une allocation universelle pour pouvoir acheter des produits conventionnés bio et locaux. Le but est non seulement de garantir l’accès de chacun à une alimentation saine, de réduire les risques de maladies liées à la mauvaise alimentation, mais aussi de participer à la transition de l’agriculture en finançant des paysans locaux qui sortent des pesticides.

Un grand nombre d’études démontrent que nous devons passer d’une logique de soin à une logique de santé : faire en sorte que la population soit moins malade plutôt qu’attendre qu’elle soit malade pour la soigner.

Créer un mécanisme de prise en charge des salariés des secteurs en transition est aussi une piste.

 

La représentation des Français de l’étranger dans nos assemblées est  très intéressante démocratiquement et gagne à être davantage exploitée. Elle nous permet d’engager au sein du Parlement notre responsabilité vis-à-vis de ce qui se déroule en Australie, au Canada, ou ailleurs, parce que des citoyens qui nous ont élus s’y trouvent

Vous avez été élue en octobre par les conseillers des Français de l’étranger. Pensez-vous que les expatriés sont de plus en plus sensibilisés sur la problématique écologique ?

Les résultats le montrent avec la progression des écologistes lors des dernières échéances électorales. Il s’agit d’une dynamique générale, qui ne touche pas que les Français à l’étranger. À gauche, l’écologie remplace peu à peu d’autres mouvements, qui n’incarnent plus la réponse à certaines problématiques actuelles. 

Le socialisme a été le grand projet émancipateur du XXème siècle pour sortir les plus précaires de notre système d'exploitation capitaliste avec l'acquisition de nouveaux droits sociaux. Tout cela a été pensé sans tenir compte des limites planétaires et ce système qui fonctionnait très bien a finalement heurté des limites. En ce sens, l’écologie incarne, dans l’histoire du XXIème siècle, cette même ambition de justice, tout en proposant un modèle de refonte de notre économie qui tient compte des limites de la planète.

De même qu’en France et en Europe, les Français de l’étranger ne coupent pas à cette vague verte et ce changement de paradigme. Mais leur spécificité est d’être aux premières loges du changement climatique : des Français vivent les canicules à Vancouver, d’autres qui vivent les feux en Algérie, en Australie, d’autres encore les inondations en Allemagne, etc. J’essaie de parler de tous ces exemples partout dans le monde dès que je peux, car ils nous permettent de sortir de nos frontières et de notre réalité du changement climatique en France.

La représentation des Français de l’étranger dans nos assemblées est de ce fait très intéressante démocratiquement et gagne à être davantage exploitée. Elle nous permet d’engager au sein du Parlement notre responsabilité vis-à-vis de ce qui se déroule en Australie, au Canada, ou ailleurs, parce que des citoyens qui nous ont élus s’y trouvent. 

 

jadot campagne EELV

 

Vous êtes l’une des porte-parole des Verts, pouvez-vous nous en dire plus sur le programme des Verts pour les Français de l’étranger ?

Le programme pour la présidentielle 2022 sera présenté en janvier 2022. Concernant nos propositions récentes, Europe Écologie Les Verts a adopté il y a deux semaines une motion sur la réforme des retraites pour les Français de l'étranger. Mon élection permet de faire le lien avec les élus consulaires et nous voyons que le parti s’intéresse de plus en plus aux questions des Français de l’étranger.

 

Organiser une primaire qui amène une compétition interne est toujours risqué, mais les écologistes ont tous conscience de la gravité de la situation et de la nécessité de se rassembler

La semaine dernière, Anne Hidalgo a appelé la gauche à organiser une primaire pour se rassembler. Est-ce que votre primaire a permis aux Verts de tous se réunir derrière Yannick Jadot ?

La primaire a été une expérience très enrichissante pour notre parti. Nous avons eu 122.000 inscrits, un nombre jamais vu pour une primaire des écologistes, et équivalent à celui de la primaire des Républicains. Les débats ont été fructueux et ont pu se dérouler de façon respectueuse.

Nous avions adopté une base programmatique que chaque candidat a enrichi par ses propositions. La primaire a permis une réelle émulation des propositions. Yannick Jadot a par exemple repris l’idée d’ISF climatique qui avait été proposée par Éric Piolle. Une proposition qui a justement pu émerger grâce à ce processus démocratique. 

Organiser une primaire qui amène une compétition interne est toujours risqué, mais les écologistes ont tous conscience de la gravité de la situation et de la nécessité de se rassembler. Les trois principaux concurrents sont unis derrière la candidature de Yannick Jadot et ont des postes clés dans la campagne. Sandrine Rousseau préside le conseil politique, Delphine Batho coordonne les porte-parole et Éric Piolle aura un rôle plus important dans les prochaines semaines. 

 

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