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Personnels navigants, expatriés des airs « Là-haut, il n’y a qu’à se laisser porter »

Ils vous accompagnent en vacances, en voyage professionnel ou en expatriation : ce sont les Personnels Navigants Commerciaux (PNC), plus communément appelés stewards et hôtesses de l’air. Un métier souvent perçu à travers le prisme du voyage et de l’aventure, mais qui implique bien plus que cela. Pour comprendre cette profession singulière, Danielle et Fabienne, deux anciennes PNC, nous livrent les dessous de leur métier.

Le métier d'hôtesse de l'air.Le métier d'hôtesse de l'air.
Écrit par Elena Rouet-Sanchez
Publié le 23 juillet 2024, mis à jour le 23 juillet 2024

 

Danielle a commencé sa carrière très jeune, au sein d’une ancienne compagnie française*, pendant quinze ans. Mais sa vie a pris un réel tournant après les attentats du 11 septembre 2001 : « En tant que PNC, mais aussi potentielle passagère d’avion, cet événement m’a, comme tout le monde, totalement bouleversé. ». Les conséquences sur l’aviation sont notables. Pendant quatre jours, le ciel américain s’est complètement fermé, entraînant un considérable effondrement du trafic mondial. Cependant, cette crise entraîne également un réel essor de la sécurité et la sûreté de l’aviation, avec la création de professions spécialisées dans la lutte anti-terrorisme. « Après ce choc international, je me suis réorientée. Je suis désormais experte en sécurité aérienne et responsable sûreté. ». 

Fabienne a, quant à elle, forgé son expérience professionnelle au sein d’une ancienne compagnie américaine pendant treize ans*, qui a dû fermer suite à la pandémie. Après de nombreux vols transatlantiques entre l'Europe et l'Amérique, elle avoue avoir exploré toutes les facettes du métier. « Aujourd’hui, je tiens un restaurant avec mon mari. Le métier d’hôtesse de l’air a été une expérience fabuleuse. Cependant, à 53 ans et avec une fille de 20, je n’ai plus l’énergie pour exercer ce métier. ». 

 

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« Nous sommes de véritables couteaux suisses »

Emilie, 23 ans, aspire à devenir hôtesse de l’air. « L’idée d’être hôtesse de l’air a germé lorsque j’ai pris l’avion pour la première fois, au collège. J’étais tellement impressionnée par ces femmes si sûres d’elles et à la fois si attentives à chaque passager. C’est une vocation plus exigeante qu’on ne le pense. ». Chaque jour, elle porte fièrement son uniforme, les cheveux plaqués et tirés en un joli chignon, un maquillage impeccable et des ongles soignés. Sa formation de plusieurs semaines à l'ESMA de Montpellier lui permet de se doter de plusieurs cordes à son arc. « Être hôtesse de l’air, c’est aussi être infirmière, psychologue, cuisinière… nous sommes de véritables couteaux suisse ! », explique Fabienne, qui forme les futurs PNC au sein de l’établissement montpelliérain. 
« Le Cabin Crew Attestation (CCA) équivaut à un brevet national de secourisme, avec un aspect médical approfondi, complète Danielle, qui enseigne plus spécifiquement les notions de sûreté et de sécurité à l’ESMA. Les élèves apprennent notamment l’accouchement d’urgence ou la pratique du massage cardiaque, car, dans les avions, il n’y a pas toujours un médecin à bord. Il arrive même aux PNC de sauver la vie des passagers. En cas de danger vital, ou de descente d'urgence, il est crucial de savoir maintenir un massage cardiaque jusqu'à l’atterrissage. Sur mes quinze années d’expérience, j’ai par exemple dû effectuer deux ou trois massages cardiaques. ». 

 

 

Être PNC est un métier physique.

 

 

 

Être Hôtesse de l’air : un métier physique aux risques inéluctables

Être Personnel(le) Navigant(e) Commercial(e) (PNC), un métier plein de rêves et d’aventures. S’il s’agit d’une profession atypique, comprenant de nombreux avantages (le voyage ou les réductions sur les billets d’avion), il s’agit aussi d’un métier très physique. « Les personnes travaillant en restauration peuvent nous comprendre, explique Danielle. Nous restons debout à piétiner - en talons aiguilles la plupart du temps, pendant parfois 30 heures sans dormir, avec un décalage horaire conséquent. Mais une des différences notables est la pression atmosphérique : nous travaillons parfois à plus de 2.800 mètres d’altitude. L’air sec provoque des coliques, le gonflement des jambes, des varices et une fatigue bien plus importante, l’air étant plus difficilement respirable. ».

Un travail plus qu’exigeant, qui peut engendrer des problèmes de santé significatifs, comme le raconte Fabienne : « C'est l'un des métiers présentant le plus de cas de cancers de la peau. Plus un avion vole haut, moins il consomme de kérosène, ce qui lui permet de réaliser davantage d’économies. Cependant, cela rapproche l'avion des radiations. À une fréquence minime, cela n’a pas de grandes conséquences, mais nous y sommes constamment exposés. De plus, dans ma compagnie, nous passions souvent près du Groenland, ce qui augmentait notre exposition. ». 

Il existe très peu de recherches sur les risques pour la santé auxquels sont exposés les personnels navigants. La dernière de Harvard Flight Attendant Health Study, qui remonte à 2018, observait un taux de cancer du sein 50 % plus élevé que dans la population générale, un taux de mélanome de 200 % plus élevé et un taux de cancer de la peau environ 300 % plus élevé

 

 

Steward ou hôtesse de l'air, un métier de passion.

 

 


Hôtesse de l’air ou steward, un métier de passion et de sacrifices

Une journée typique d’une hôtesse de l’air (ou d’un steward),  est rythmée par des rotations de plusieurs jours, avec des allers-retours incessants entre différentes destinations. « Nous avons deux jours de repos consécutifs par semaine, mais ce n’est ni nécessairement le week-end, ni nécessairement en France, précise Danielle. À la fin du mois, il peut nous être accordé quatre jours d’affilés de repos pour que nous puissions rentrer chez nous, mais cela dépend de la compagnie. ». 

Alors comment allier sa vie professionnelle et personnelle ? Être PNC nécessite la recherche d’un équilibre, mais aussi quelques sacrifices sur le plan personnel. Fabienne insiste là-dessus, bien que cela ne soit pas toujours évident. Mais parallèlement, elle souligne l’importance d’avoir une famille et un point d’ancrage pour maintenir cet équilibre : « Si vous commencez jeune, vous sortirez probablement pendant vos rotations à l’étranger. C’est très épuisant mais c’est ce que font tous les jeunes PNC au début. Mais lorsque vous atterrissez, il est aussi essentiel d’avoir un point d’ancrage : une famille, un ami, un conjoint ou une conjointe, ou même un chat ! ». 

Un défi quotidien qui entraîne malheureusement de nombreuses absences : des anniversaires, mariages, Noël, Nouvel An… « Il est donc crucial d’avoir l’esprit d’équipe, afin de se soutenir pendant ses moments douloureux, loin de nos proches. Et se dire aussi que les retrouvailles ne seront que plus belles. ». 

 

 

Les hôtesses de l'air, les expatriés des airs.

 

 

 

Expatriés des airs, entre urgences et moments magiques 

 

J'étais persuadée qu'il s'agissait de mes derniers instants.

 

S’il existe en France plus de 25.000 PNC pour vous accompagner durant vos voyages, c’est aussi pour toute la richesse du métier, qui est ponctué de moments intenses et inoubliables. Fabienne se souvient d’un vol en particulier, où elle pensait ne jamais s’en sortir. « J’étais en classe économique lorsque mes collègues et moi-même avons senti comme une odeur de brûlé électrique, que les passagers n’ont pas tardé à constater également. ». Alors que la panique commence à s’installer à bord de l’avion, l’équipage tente de rester soudé et professionnel. « Nous cherchions la flamme, en vain. Je suis partie chercher mon ami en classe affaires, persuadée qu’il s’agissait de mes derniers instants. Nous sommes tous allés en première classe, qui était inondée d’une épaisse fumée noire. ». Le cockpit ne répond plus. La panique monte, même au sein de l’équipe des PNC, qui tente tant bien que mal de garder son calme. « Nous décidons d’entrer - c’était avant les attentats du 11 septembre, il était donc accessible. Les pilotes avaient des masques à oxygène sur la tête. Ils nous indiquent que c’est l’APU, un système de batterie qui donne de l’électricité à l’avion, qui a pris feu. Un court-circuit sans flamme. Nous réalisons une descente d’urgence à Chicago. ». Une fois au sol, les pompiers prennent en charge les passagers, encore sous le choc. Une histoire qui finit bien, Fabienne a vraiment cru qu'elle n'en sortirait pas indemne.

 

Les passagers me confient leurs secrets comme ils les confieraient à un ange.

 

Danielle se rappelle d'un incident similaire où elle redoutait que le pare-brise de l'avion ne se brise complètement. Cependant, elle préfère se remémorer les merveilleux moments. « Être PNC permet de créer une relation privilégiée avec les voyageurs, confie-t-elle. Lorsqu’ils montent à bord d’un avion à plus de 10.000 mètres d’altitude, ils s’en remettent au personnel de bord. Il m’est donc souvent arrivé de recueillir des confidences personnelles. Je trouve merveilleux le fait de pouvoir échanger avec des inconnus sur des problématiques profondes, à travers les cieux. Ils me confient leurs secrets comme ils les confieraient à un ange. Ainsi, ils se sentent plus légers, totalement déconnectés de la lourdeur du monde réel et de ses contraintes. Là-haut, il n’y a qu’à se laisser porter ! ». 
Ce sentiment de légèreté et de déconnexion du sol et du monde réel, Danielle l’a également éprouvé en tant qu’hôtesse de l’air. « Après avoir perdu ma fille aînée, décédée d’un cancer, j’avais le sentiment d’être moins lourde lorsque je décollais. Peut-être que je me sentais aussi plus proche d’elle ? ».

 


*Pour des raisons de confidentialité, les compagnies de Fabienne et Danielle ne peuvent être nommées. 

Elena rouet-sanchez
Publié le 23 juillet 2024, mis à jour le 23 juillet 2024
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