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Massoud Pezeshkian élu président en Iran, une bonne nouvelle pour l'Occident ?

Le candidat réformateur Massoud Pezeshkian a été élu président d’Iran le 5 juillet 2024 face à l’ultraconservateur Saeed Jalili. Prêtant serment fin juillet puis investi le 5 août, il tend déjà une main vers l’Occident et semble souhaiter sortir l’Iran de l’isolement. Que va changer son arrivée à la tête du pays pour l’UE et la France ?

Massoud Pezeshkian élu président en IranMassoud Pezeshkian élu président en Iran
Massoud Pezeshkian élu président en Iran
Écrit par Capucine Canonne
Publié le 16 juillet 2024, mis à jour le 16 juillet 2024

 

 

“C’est un changement significatif, non pas de la politique islamique, mais de la façon de faire. Une élection de changement, mais dans la continuité”. 

 

Le 5 juillet 2024, Massoud Pezeshkian est élu avec 53,6% des suffrages exprimés à la présidence de l’Iran au second tour, face à ultraconservateur Saeed Jalili. L’élection a lieu près de 2 mois après le décès accidentel en hélicoptère du président de la République Islamique Ebrahim Raïssi, et un an avant les prochaines élections, initialement prévues. 

La mort du dirigeant de 63 ans pouvait-elle faire bouger les lignes ? “Au niveau politique, à priori non. La République islamique a des défauts mais elle est bien organisée” nous expliquait, en mai dernier, Bernard Hourcade, directeur de recherche émérite au CNRS, ancien Directeur de l’Institut Français de Recherche en Iran de 1978 à 1992. Nous l’avons à nouveau interrogé sur l’arrivée à la présidence de Massoud Pezeshkian : “C’est un changement significatif, non pas de la politique islamique, mais de la façon de faire. Une élection de changement, mais dans la continuité”. 


 

Comment interpréter les réactions à la mort d’Ebrahim Raïssi en Iran et ailleurs ?


 

C’est un bon musulman et ce n’est pas un révolutionnaire. Il est opposé à tout ce qui pourrait être négatif pour son pays, ce qui lui confère une vision plutôt réformatrice

 

 

Carte du monde et de l'Iran

 

 

 

Massoud Pezeshkian , un candidat réformateur mais non dissident

Massoud Pezeshkian est un chirurgien cardiologue de 69 ans et un député très respecté en Iran. Il a également une expérience gouvernementale, ayant été ministre de la santé entre 2001 et 2005. “C’est un bon musulman et ce n’est pas un révolutionnaire. Il est opposé à tout ce qui pourrait être négatif pour son pays, ce qui lui confère une vision plutôt réformatrice ” analyse Bernard Hourcade. 

 

 

Le choix se fait entre Saeed Jalili “un idéologue très radical et qui promettait des jours sombres pour la société iranienne” -  et “une personnalité moins connue et charismatique mais qui représente la solution la moins pire pour l’avenir”. 

 

Selon le directeur de recherche, Massoud Pezeshkian a surtout été élu par le rejet des Iraniens pour le régime et parce que le camp adverse s’est divisé : “Les conservateurs ont eu du mal à se mettre d’accord, ce qui a valu un second tour en faveur de Massoud Pezeshkian. Mais il faut noter aussi un taux de participation au premier tour de 40%, ce qui montre clairement un rejet pour la République Islamique du peuple qui n’est pas allé voter en majorité.” Au second tour, il y a 50% de participation. Le choix se fait entre Saeed Jalili “un idéologue très radical et qui promettait des jours sombres pour la société iranienne” - commente Bernard Hourcade - et “une personnalité moins connue et charismatique mais qui représente la solution la moins pire pour l’avenir”. 

Le candidat élu n’est pas aussi proche avec le guide suprême du pays, Ali Khamenei, que son prédécesseur. Rappelons que les pouvoirs du président iranien sont limités et son rôle est d'appliquer les grandes lignes politiques fixées par le guide suprême. Mais, au vu de la situation actuelle très fragile de l’Iran - crise économique, mouvements de liberté après la mort de Mahsa Amini, guerre de Gaza, menace pour la sécurité du pays  - le temps des concessions est nécessaire. “Il faut sauver le régime et, pour cela, il faut des réformes modérées. Le guide suprême en a conscience. ” commente Bernard Hourcade. 

 

 

Le guide suprême de l'Iran
Ali Khamenei, Guide suprême de la République Islamique

 

 

Les Etats-Unis attendent de voir, dans un climat tendu avec la guerre de Gaza. Et puis….qui peut parler en pleines élections américaines ?” commente Bernard Hourcade.

 

 

Les conséquences de l’élection iranienne sur les relations internationales 

Le nouveau président a clairement affiché la priorité de lever les sanctions économiques qui écrase la population. Il vient d’ailleurs de nommer comme premier conseiller le ministre iranien des Affaires étrangères Mohammed Dschawad Sarif, qui avait notamment signé l’accord sur le nucléraire en 2015. “Cet accord avait apporté une bouffée d’oxygène à la société iranienne à l'époque, avant que Donald Trump  ne le déchire  rappelle le Directeur de recherche. 

L’ouverture vers l’Europe et les Etats-Unis est donc affichée. Si Massoud Pezeshkian tend la main aux Occidentaux, il s’est empressé de déclarer maintenir des relations solides avec la Chine et la Russie. Comment réagissent les Américains et les Européens ? Lundi 15 juillet, les États-Unis déclarent ne s'attendre à aucun changement dans leurs relations avec l'Iran après l'élection de Massoud Pezeshkian, laissant pour le moment peu de place à une reprise de dialogue. “Les Etats-Unis attendent de voir, dans un climat tendu avec la guerre de Gaza. Et puis….qui peut parler en pleines élections américaines ?” commente Bernard Hourcade. Même chose en Europe à l’heure où les élections européennes s’achèvent tout juste, la Commission européenne est encore en sursis. La porte-parole de la Commission, Nabila Massral, a félicité M. Pezeshkian pour son élection, déclarant que les 27 membres de l'UE étaient "prêts à s'engager avec le nouveau gouvernement conformément à la politique d'engagement critique de l'UE". De son côté, la France n’est pas en capacité de prendre la parole, en pleine crise politique et en l’absence d’un gouvernement clair. 

Néanmoins, l’investiture de Massoud Pezeshkian n’aura lieu que le 5 août 2024. Il proposera dans la foulée des ministres qui peuvent être approuvés - ou non - par le Parlement. “Nous y verrons plus clair en septembre 2024” conclut Bernard Hourcade. 

 

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