Dix mois sur les routes d’Amérique du Sud avec pour point culminant une ascension à 6000 mètres d’altitude. Difficile d’imaginer que Fiona Malagutti souffre de la mucoviscidose. Et pourtant …
Partie 10 mois sur les routes d’Amérique du Sud avec son compagnon en 2019, Fiona Malagutti a fait l’expérience d’une vie itinérante loin de chez elle et de son confort. Cette expérience, qui peut paraître anodine pour certains, est loin de l’être pour la jeune femme.
Fiona Malagutti est née avec la mucoviscidose, une maladie génétique rare qui affecte les voies respiratoires et le système digestif. Une pathologie handicapante qui nécessite des soins quotidiens et une attention constante sur son état de santé.
Voyager en étant « muco »
Janvier 2019, Fiona et son conjoint Nicolas s’envolent pour le Chili. A bord d’un véhicule aménagé, ils traverseront neuf pays pour finir au Mexique, dix mois plus tard. Le couple aurait aimé voyager à pied, comme les backpackers que Fiona a rencontré lors de sa première expatriation en Australie mais c’était sans compter les 30 kilos de médicaments que la jeune femme a dû emporter avec elle. « Des cures d'antibiotiques, des associations de traitements que j'avais l'habitude de prendre. Au moins, je pouvais réagir tout de suite » nous explique la jeune femme.
Partir lorsqu’on est atteint de mucoviscidose ne s’improvise pas. La maladie doit être apprivoisée pour ne pas prendre le dessus sur le voyage. « Il est primordial de bien se connaître », constate la jeune femme, « il faut pouvoir détecter immédiatement une infection ou une dégradation de son état ». Outre les démarches pour obtenir ses médicaments pour 6 mois, Fiona a dû organiser une escale au milieu du voyage pour retourner voir son médecin au CRCM de Lyon.
Ces contraintes ne sont pas les seules à l’avoir suivie à l’autre bout du monde. Chaque journée était rythmée par deux séances d’aérosols et de kiné respiratoire. « Il fallait que je sois rigoureuse même dans des endroits paradisiaques où j’avais tout sauf envie de penser à ça » raconte la jeune femme. Impossible de faire l’impasse sur ces traitements auxquels doivent s’astreindre quotidiennement toutes les personnes atteintes de mucoviscidose.
Alors, le couple a trouvé son équilibre autour de la maladie : « Nous avions installé une sorte de routine. Tous les jours Nicolas préparait à manger pendant que je faisais mes aérosols et ma kiné respiratoire ». « C’était chacun sa corvée » sourit la jeune femme qui ne quitte jamais son optimisme.
6088 mètres d’altitude
« Notre drogue à nous, c'est le sport en plein air » témoigne la jeune femme qui ne cesse de vouloir repousser les limites de la maladie. Lors d’une escale à La Paz, après cinq mois de voyage, le couple ressent l’appel de la montagne.
Le Huayna Potosi et ses 6088 mètres d’altitude se dresse devant eux. L’expédition est lancée avec un groupe mené par un guide expérimenté. Une ascension en trois jours qui ne dispense pas Fiona de ses traitements quotidiens.
« Nous nous sommes lancés dans cette ascension avec plein d’inconnues » se souvient la jeune femme qui n’avait pris la peine de prévenir ni le groupe ni le guide de sa maladie chronique. « Je me disais qu’il fallait que je fasse de mon mieux en étant à l’écoute de moi-même » raconte-t-elle. C’est ce qu’elle fera en rebroussant chemin quelques kilomètres avant l’arrivée, alors que son compagnon atteint le sommet de ce colosse des Andes pour y brandir le t-shirt aux couleurs de leur association.
Ils ne pensaient pas que leur enfant serait un jour capable de faire ce que j’ai fait
Muco sans frontières, coup de projecteur sur la maladie
Si le virus du voyage a rapidement poussé Fiona à partir loin de chez elle, pour la plupart la mucoviscidose met un frein aux envies d’aventure. « Beaucoup de personnes malades ne vont pas oser sortir de leur zone de confort, de leur propre ville, de peur de s’éloigner de leur kiné, de leur médecin ou de leur pharmacien » constate Fiona.
Poussés par cette conclusion, Fiona et Nicolas fondent « Muco sans frontières » avant leur départ pour le Chili. L’association leur sert à partager leur expérience au plus grand nombre afin de prouver aux « muco » que tout est possible.
Lors de l’ascension du Huayna Potosi, Nicolas documente leur aventure dans un film amateur d’une dizaine de minutes. A la diffusion sur les réseaux sociaux, le résultat est là. Les partages et les commentaires fusent. « Dès les premiers messages que nous avons reçus de parents d’enfants atteints de la maladie, j’ai su que c’était gagné », raconte Fiona, l’émotion palpable dans la voix. « Cela leur redonnait de l’espoir car ils ne pensaient pas que leur enfant serait un jour capable de faire ce que j’ai fait ».
Elle aimerait que son expérience serve, elle qui n’a trouvé personne pour lui donner des conseils alors qu’elle préparait son voyage. « Si une personne recherche des informations, j’espère qu’elle tombera sur mon association et n'hésitera pas à me contacter pour apprendre de mon expérience. »
Grâce à notre association, des « muco » sont arrivés sur le Toit de l’Europe
Gravir le Toit de l’Europe
Comment continuer à faire vivre l’espoir et faire parler de la maladie une fois rentré chez soi ? Naturellement, Fiona répond : en gravissant le plus haut sommet d’Europe. Une équipe de trois « muco » se lance à l’assaut du Mont Blanc début juin 2021. Cette fois-ci encore, Fiona s’arrêtera avant le point culminant, freinée par les médecins qui, cette fois, l’accompagnent. Les deux autres arriveront au bout. Malgré une pointe de regret dans la voix, elle se félicite : « Grâce à notre association, des « muco » sont arrivés sur le Toit de l’Europe. C’est ça qu’il faut retenir ».
L’association a pour but d’« organiser des projets sportifs qui incitent les patients à pratiquer le sport à leur échelle ». Si l’ascension du Huayna Potosi ou du Mont Blanc n’est déjà pas donnée à n’importe qui, elle l’est encore moins pour tous les patients « muco ». Le prochain rendez-vous de l’association se veut ouvert à tous. Un parcours rando-trail qui se fera en équipe le 4 septembre prochain en Savoie.
Fiona en est convaincue : « le sport est une thérapie complémentaire à tout ce que nous devons faire. Je considère que je suis dans l'état dans lequel je suis aujourd'hui grâce à ma pratique intensive du sport. »
Objectif à plus long terme pour la jeune femme qui croque la vie à pleines dents : repartir avec Nicolas, et peut-être même en famille. « Nous avons du mal à nous séparer de l’envie de voyage. Nous ne voulons d’ailleurs pas nous en défaire. Etre livré à soi-même, c’est un sentiment de liberté ».
Lire : A couper le souffle, Fiona Malagutti
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