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Prix Nobel : s’expatrier pour l’emporter, une obligation pour les Français ?

Le mardi 3 octobre 2023, Anne L'Huillier et Pierre Agostini ont décroché le prix Nobel de physique, partagé avec le chercheur Ferenc Krausz. Les deux scientifiques français ont ainsi été félicités par la France entière, même s’ils ont dû la quitter pour s’épanouir dans leur métier… Un paradoxe habituel qui questionne sur le monde de la recherche en France.

Prix Nobel françaisPrix Nobel français
Anne L'Huillier et Pierre Agostini, deux Français prix Nobel de physique 2023
Écrit par Teddy Perez
Publié le 10 octobre 2023, mis à jour le 12 octobre 2023

Anne L’huillier comme Pierre Agostini ne se réveillent pas chaque matin en s’imaginant être lauréat.e du prix Nobel. Mais en s’expatriant à l’étranger, les deux scientifiques français ont pu poursuivre leurs différents travaux tout en dispensant des cours dans les plus prestigieuses universités du monde. Un choix payant pour leur carrière puisqu’en étudiant les mouvements ultra-rapides des électrons dans les atomes et molécules, ils ont su passionner les membres du comité Nobel lors de la cuvée 2023.

 

Chercheur, une profession voué à l’export international

Anne L'huillier et Pierre Agostini, comme des milliers de chercheurs français, ont été “contraints” à l’expatriation au fil de leur carrière. Tous les deux ont débuté leur profession au très réputé Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives de Saclay. Au CEA, ils ont alors initié leurs travaux récompensés par le Nobel de physique 2023 avant d’exporter leurs recherches à travers le monde, avec le passage obligé chez le leader américain.

Ils ne sont pas les seuls dans ce cas-là. Ferenc Krausz, chercheur austro-hongrois qui a partagé la distinction du Nobel, déploie ses principales activités professionnelles en Bavière.

 

 

Plus qu’un faux problème, s’exporter lorsque l’on est chercheur apparaît comme une nécessité. Franck Lépine, directeur de recherches au CNRS et chercheur à l’Institut Lumière Matière, a partagé ce regard lors de l’annonce des Nobel de physique 2023 : “partir est intrinsèque à la recherche”. Pas question de parler de fuite de cerveaux ni de dévaloriser les infrastructures françaises puisque, dans le domaine des impulsions attosecondes, la France possède trois laboratoires réputés à travers l’hexagone.

Ainsi, retrouver des Français vainqueurs du Nobel établis à l’étranger est un scénario qui ne cesse de se répéter dans les sciences naturelles. 2020 : l’exemple d’Emmanuelle Charpentier. Installée en Allemagne, où elle est directrice à l'institut Max-Planck de biologie de Berlin, la Française avait décroché le prix Nobel de chimie pour avoir révolutionné le domaine de l'ingénierie génétique.

Plus récemment encore, le Français, et prix Nobel de physique 2022,  Alain Aspect avait fait la tournée des médias français pour partager son travail sur l’intrication quantique. Par la même occasion, il en avait profité pour regretter le manque de moyens dans les laboratoires, combiné au manque de postes pour les jeunes. Partir à l’étranger, lorsque l’on est scientifique et jeune docteur français, c’est d’abord le moyen d’obtenir un travail.

 

 

La recherche française en déclin ?

Les Français ont la côte, mais pas la France ? Il y a un “décrochage rapide depuis une quinzaine d’années”, avouaient les auteurs d’un des rapports destinés à nourrir la loi de programmation pour la recherche (LPR) en septembre 2021.

Les années passent et la France ne cesse d'accuser du retard sur ses voisins européens. Alain Fischer, président de l’Académie des sciences, reconnaissait que les “performances françaises étaient moins bonnes en termes de publications scientifiques et d'accès à des contrats de recherche prestigieux” sur le plateau de france.info le 18 janvier 2023. Dans le classement mondial, la France est même sortie du top 10 au profit de l’Italie.

 

Pour autant, la tendance pourrait s’inverser. Chaque année depuis 20 ans, le classement de Shanghai distingue les mille plus prestigieux établissements de recherche dans la catégorie des sciences dures. En août 2023, la France connaît une belle surprise. Quatre universités du pays sont présentes dans le top 100, avec Paris-Saclay située à la 15e position mondiale. De quoi redonner de l’espoir à un secteur en demande de reconnaissance en France et porteur de nombreux talents. Les derniers Nobel en sont les parfaites illustrations.

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