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Julien Laurençon de Procens : « Notre objectif est la circularité »

Julien Laurençon dans le podcast Demain & Durable d'Antoine GrégoJulien Laurençon dans le podcast Demain & Durable d'Antoine Grégo
Écrit par Caroline Chambon
Publié le 28 avril 2021, mis à jour le 28 avril 2021

En Argentine, Julien Laurençon a fondé une startup spécialisée dans l’élevage des Black Soldier Flies. Dans son podcast Demain & Durable, Antoine Grégo revient sur cette initiative verte et originale.

 

16 millions. C’est le nombre de tonnes de déchets alimentaires produites en Argentine chaque année. Aujourd’hui, alors que les constats alarmistes sur la dégradation des sols et de la biodiversité ne se comptent plus, Julien Laurençon et François Nolet se sont lancés dans une solution potentielle à ces problèmes.

Il y a quelques années, à la faveur d’une rencontre en Argentine, ils ont fondé Procens, une startup qui se spécialise dans l’élevage des Black Soldier Flies, des mouches aux particularités étonnantes. Production de fertilisant et substitut à la farine animale, ils ont pensé à tout pour sauver l’environnement. Dans son podcast Demain & Durable, Antoine Grégo s’est entretenu avec Julien Laurençon. Motivations, processus, avenir : le co-fondateur de Procens livre son parcours dans le détail.

 

Lorsqu’il débarque en Argentine, Julien Laurençon n’a aucune idée de ce qui l’attend. Là-bas, il rencontre François Nolet, venu réaliser « une étude sur la possibilité de lancer l’industrie des insectes en Argentine », raconte-t-il. « Ça a été le coup de foudre », poursuit-il. Le Français et le Belge décident de lancer leur propre projet. Procens est née.

 

Proposer une alternative à la farine animale, nocive pour l’environnement

« Adapter nos entreprises à la nature » : bien qu’originale, leur idée est étonnante de simplicité. Ils commencent à élever, dans des conditions précises, des mouches Black Soldier. Pourquoi cette sorte de mouches précisément ? Elles ont la particularité d’avoir un cycle de croissance et de consommation des déchets particulièrement rapide, de 14 jours. « Pour un ver de terre, nous sommes sur un cycle d’entre six mois et un an », explique Julien. Ils récoltent les oeufs produits par leurs mouches, qui deviennent par la suite des mini-larves. « Nous inoculons la micro-larve obtenu dans un déchet alimentaire. En s’alimentant, elle va accumuler de la protéine animale, qui est de très bonne qualité. », poursuit-il.

La larve est ensuite déshydratée, jusqu’à obtenir une farine contenant environ 50% de protéines. « Nous visons à substituer cette farine à la farine de poisson, qui est largement utilisée et n’est pas durable, dans l’alimentation animale », continue Julien. L’objectif poursuivi est de fournir aux éleveurs des alternatives, encore peu présentes. « Il y a bien le soja, mais il est majoritairement produit de façon non durable : érosion des sols, utilisation de produits chimiques… », se lamente-t-il.

 

Black Soldier Flies
Des mouches "Black Soldier"

 

Contribuer à la biodégradation et à la régénération des sols

L’autre objectif de Procens, c’est la circularité. Après le processus de bioconversion effectué par la larve, reste une matière biodégradée pouvant être utilisée comme fertilisant. Sur le point de signer un contrat à long-terme avec le producteur de frites surgelés McCain, ils utilisent leurs résidus de pelures de pommes de terre comme élément principal de l’alimentation des larves. Avec, dans le viseur, l’idée de proposer à McCain le fertilisant obtenu pour le substituer aux fertilisants chimiques. « Nous lançons une campagne de tests avec eux pour voir comment utiliser notre fertilisant dans leurs cultures de pommes de terre, qui ne sont pas très durables pour le moment ».

A l’avenir, Julien et François espèrent lancer leur projet à l’échelle industrielle, avec un objectif de traitement de 30 tonnes de déchets par jour. Une initiative qui permettrait de proposer une alternative à la farine animale utilisée sur le marché, et un moyen de participer à la régénération des sols.

 

Logo de Procens
Le Logo de Procens

 

Un parcours atypique : l’histoire d’un homme d’affaires qui a tout plaqué

Anti-système dans sa jeunesse, Julien finit par entrer dans le monde des affaires, après une formation en école de commerce. Alors qu’il s’est installé à Singapour pour le travail, il décide de partir réaliser une retraite silencieuse à Bali. Là-bas, il est pris par l’envie de voyager et de changer de vie. S’ensuit un tour du monde d’un an, durant lequel il visite 18 pays. Cette escapade ne lui suffit pas, il décide de quitter son travail.

Il se rend pour la première fois en Argentine en 2016, où il fait du bénévolat pour des associations locales. Il y retournera peu de temps après pour y vivre, et l’aventure Procens commencera alors. Le podcast retrace le parcours de ce Français qui a dit un jour « retrouver son enfant intérieur », porté par une envie de connexion avec lui-même, « avec la nature, et avec les autres », comme il l’explique.

 

Julien Laurençon et François Nolet
Julien Laurençon et François Nolet 

 

L’Argentine, grenier du monde et victime de la dégradation de la biodiversité

Cet entretien a également été pour Julien l’occasion de revenir sur l’Argentine, véritable « grenier du monde », champion de l’agriculture et de l’élevage bovin. Pourtant, cette productivité a un coût non-négligeable, en matière d’assèchement des sols et de perte de la biodiversité. C’est cette envie de contribuer à l’inversion de la balance qui anime Julien.

Pour l’instant, les deux partenaires n’ont pas exploré toutes les pistes possibles. « La larve vivante peut être commercialisée, car beaucoup d’animaux s’en nourrissent », explique Julien, avant de poursuivre : « Il y aurait aussi la possibilité de l’alimentation humaine, mais nous avons décidé de ne pas commencer par cela ».

A l’arrivée, le bilan est impressionnant : « En deux semaines, pour chaque tonne de déchets, nous obtenons 250 kilos de larves fraîches et 400 kilos de matière biodégradée », conclue-t-il.