Ils sont plus de 500 millions à vivre près d’un volcan actif. Pour réduire les risques auxquels sont exposées ces populations, Anne Fornier a créé la Volcano Active Foundation à Barcelone.
Près de 1500 volcans actifs se dressent sur la Terre. 60 d’entre eux entrent en éruption chaque année, faisant planer des menaces sur les plus de 500 millions de personnes qui vivent sous la menace directe de ces géants de feu.
Géophysicienne, Anne Fornier a créé depuis Barcelone la Volcano Active Foundation, une fondation spécialisée dans la gestion des risques volcaniques. Son principe : une éruption ne pourra jamais être empêchée, mais nous pouvons l’anticiper pour en limiter les conséquences.
Est-ce qu'on se réveille en jour en se disant qu'on veut devenir volcanologue ?
Pour ma part, ça a été tout un processus. Par le plus grand des hasards, je suis entrée en fac de géographie et me suis spécialisée en géophysique et géomorphique. J’ai été passionnée par le fait d’en apprendre plus sur ce sol que nous foulons tous les jours. Nous n’avons pas du tout idée de toutes les merveilles de notre Terre. Suite à un événement personnel, j’ai dû me rendre sur l’île de la Réunion en 1998. Par un coup du sort, j’y ai vécu en direct l’éruption du Piton de la Fournaise. J’en ai fait mon sujet de mémoire.
Il nous est impossible d’empêcher les éruptions volcaniques, par contre, il est possible d’en limiter les ravages
Comment en êtes-vous arrivée à vous intéresser à la réduction des risques de catastrophes volcaniques ?
Il y a 20 ans, je m’étais orientée sur la découverte et la recherche au niveau du monde volcanique. Je voyageais et visitais des volcans en éruption. Au fil du temps j’ai pris conscience qu’au-delà de ces volcans, il y avait des populations qui vivaient aux alentours et pour qui les risques étaient réels. Personne ne les protégeait puisque les volcanologues s’intéressaient uniquement aux mécanismes du volcan. J’ai trouvé que cela avait un sens de s’orienter sur la gestion et la prévention des risques, des désastres et des catastrophes.
Il est évident qu’il nous est impossible d’empêcher les éruptions volcaniques, par contre, il est possible d’en limiter les ravages.
A quels risques sont exposées ces populations ?
Un volcan qui entre en éruption expose à plusieurs problématiques. Il peut y avoir des coulées de laves extrêmement brûlantes qui ravagent tout sur leur passage ou des nuées ardentes, des avalanches de gaz et de cendres qui vont jusqu'à 600 km/h. S’il y a beaucoup de cendres, elles peuvent faire effondrer des maisons. Les eaux dans les nappes phréatiques peuvent être contaminées après l’éruption du fait de certains gaz. Il peut aussi y avoir des pluies acides.
Même sans entrer en éruption, un volcan actif peut exposer à différents risques. Il faut savoir qu’un volcan peut rester actif pendant 10.000 ans, sans qu’il y ait d’éruption. Dans ce cas-là, ce n’est pas forcément visible, mais, en interne, il y a des gaz qui contaminent les sols. Le volcan peut aussi engendrer de petits séismes, généralement peu violents, mais qui peuvent créer des tsunamis.
Quels sont les secteurs d’intervention de la Volcano Active Foundation ?
Nous sommes la première et la seule fondation au monde qui travaille sur les sols volcaniques. Notre action se fait sur trois grands axes.
Le premier agit sur la réduction du risque et des désastres. Nous avons une partie scientifique pour aider les scientifiques locaux et une partie pour travailler réellement sur la prévention, l'évacuation et la vulnérabilité. Par exemple, en prévenant la population sur les gestes à avoir après une éruption, en ne buvant pas l’eau directement puisqu’elle peut être acide, ou en mettant en réfléchissant l’urbanisation pour qu’elle permette d’évacuer rapidement les zones à risque.
Notre deuxième axe agit sur la divulgation et l’éducation avec des Volcano School. Nous enseignons à des enfants et des adultes les spécificités du monde volcanique.
La troisième partie est la Volcano Care qui agit sur la préservation de la biodiversité dans les écosystèmes volcaniques. Ces sols sont les plus fertiles au monde et abritent de nombreuses espèces endémiques. Cette organisation agit aussi sur la préservation et la conservation du patrimoine immatériel des populations vivant sur ces sites volcaniques. Il y a en effet toute une culture liée à des rites ancestraux dans des îles comme Hawaï, l'île de la Réunion, ou d'autres îles ou pays comme le Mexique. Cet héritage culturel doit être préservé.
Où sont menées vos actions ?
La Volcano Active Foundation agit au niveau international. Volcano School est pour l'instant présente sur le sol espagnol. Nous travaillons pour la réduction des risques et des désastres principalement en Afrique et au Mexique. Nous sommes par exemple, présents au Congo depuis début juin et l’énorme éruption du Nyiragongo. Avec Volcano Care, notre volonté est de travailler sur la mise en place de sites de permaculture au Nord-Kivu, au Mexique et en Colombie. Notre volonté est d’obtenir davantage de subventions afin de nous étendre le plus possible.
Même en étant loin d’une éruption, nous pouvons avoir des répercussions
Est-ce important d'être sensibilisé aux risques des volcans uniquement si l'on vit à côté de l’un d’entre eux ?
En 1815, l’éruption du volcan Tambora, en Indonésie, a envoyé dans les stratosphères des cendres et des aérosols qui ont agi comme un bouclier autour de la Terre et ont empêché les rayons du soleil de pénétrer directement. Ce phénomène a refroidi la surface de la Terre de 1,3°C.
Cela fait 200 ans que nous n’avons pas vécu d’éruption d’une telle force. Mais il est important de se rendre compte que même en étant loin d’une éruption, nous pouvons avoir des répercussions.
Peut-on prédire de telles éruptions ?
Nous pourrions être capables de les prédire si tous les volcans avaient un système de monotorisation. Or, 60% des volcans actifs n’ont pas de système de surveillance au sol. Même si nous pouvons surveiller les volcans par satellite en observant leur déformation, nous savons qu’il est nécessaire d’étudier les gaz qui sont émis par le volcan pour pouvoir prédire si celui-ci va entrer en éruption.
Le but de la Volcano Active Foundation est de prévenir sur le risque et anticiper les problèmes. Nous militons pour que des capteurs soient mis sur les volcans, qu’il y ait une politique de prévention des risques concrète, que des volcanologues soient formés et que des moyens soient mis dans toutes ces actions.
Quel est le lien entre l'activité volcanique, le réchauffement climatique et la montée des océans ?
Une éruption semblable à celle du Tambora en 1815, fait baisser les précipitations, refroidit la planète, ce qui impacte les récoltes. Les historiens travaillant sur cette éruption ont rapporté qu’en 1816, il y a eu un manque de récoltes et une famine. Effectivement, les volcans peuvent influer directement sur les variations climatiques. Dans ce cas-là, le refroidissement de la planète peut aussi modifier fortement le niveau de la mer.
Y a-t-il des super volcans qui pourraient entrer en éruption bientôt et qui seraient problématiques ?
Le terme de super-volcan désigne un volcan dont la chambre magmatique, le réservoir de magma, est à peu près cent fois plus important qu'un volcan normal. Parmi les plus connus, un se trouve aux Etats-Unis, celui de Yellow Stone, et un en Europe, le Campi Flegrei, juste à côté du Vésuve. Les volcans sont classés sur une échelle de 1 à 8. Le Vésuve est un volcan de type d’éruption 5. Le Campi Flegrei est classé 8. Il est aujourd’hui tout plat, à force d’avoir explosé, et s’étend sous la mer et sous la ville de Naples. Ce volcan est actif et pourrait donc entrer en éruption, dans un temps relativement long, mais nous pourrions imaginer qu’il entre en éruption dans 10 ans. Il y a actuellement des fumeroles qui sortent sous Naples et d’autres problématiques liées à des gaz. L’éruption d’un tel volcan pourrait avoir un grave impact économique sur l’Europe, entraîner des perturbations climatiques, et avoir bien d’autres conséquences…
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La Fondation a ouvert un centre multiculturel et une boutique à Barcelone. Tout ce qui y est vendu sert à maintenir la fondation et les actions, suite au manque de rentrée d’argent et de subventions du fait de la crise sanitaire.