L’expatriation est une aventure exaltante, mais elle vient aussi avec son lot de défis pour la vie de couple. Contrairement à l’image classique d’une jalousie, les témoignages d’expatriés révèlent en effet une autre réalité : celle de la frustration, qui peut parfois s’exprimer sous des formes proches de la jalousie. Alors, comment ces deux émotions s’entrelacent-elles dans la dynamique conjugale à l’étranger ?
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“Il n’y avait pas de poste sur Hong Kong pour moi, je n’étais pas attractif” sur ce marché du travail, nous raconte Paul, expatrié à Hong-Kong
Pourquoi ressent-on un sentiment de jalousie dans le couple en expatriation ?
Qu’est-ce que la jalousie? C’est la peur de perdre son partenaire, nourrie par l’insécurité ou le manque de confiance. Elle peut être saine ou excessive, influençant la relation positivement ou négativement. Elle prend un autre visage en expatriation, lorsqu’un des partenaires veut quelque chose qu’il/elle n’a pas et que l’autre possède : un statut, une vie sociale et une facilité liée au travail pour s’intégrer dans le pays d’accueil.
La jalousie liée au fossé professionnel creusé
La jalousie découle souvent du fossé entre les concessions importantes faites par l’un, souvent le conjoint accompagnant, et la facilité avec laquelle l’autre s’intègre grâce à son travail et à son statut. “Il n’y avait pas de poste sur Hong Kong pour moi, je n’étais pas attractif” sur ce marché du travail, nous raconte Paul, expatrié à Hong-Kong pendant plusieurs années et depuis 1 an à Londres. ”Les conjoints d’expatriés travaillent souvent pour un salaire bas, principalement pour avoir une activité et retrouver une vie.”
Certaines conjoints d’expatriés qui ne peuvent pas travailler constatent un retour à un modèle plus traditionnel, où ils s'occupent des tâches du foyer pendant que leur partenaire se consacre à sa carrière. Dans ces cas, la frustration peut se transformer en ressentiment, se manifestant sous la forme de jalousie. Laura témoigne : “ Mon mari ne comprend pas pourquoi je râles pour des problèmes de plomberie alors qu’il gèrent des problèmes aux enjeux beaucoup plus importants!” “Tant que la personne ne l’a pas vécu, il est difficile de s’en rendre compte. Tu acceptes quand ton partenaire te dit que c’est facile en Angleterre pour trouver un job.” dit Laura.
Mon mari avait honte de moi, il voulait que je sois comme tout le monde, que je m’adapte, pour que nous soyons acceptés dans la communauté.
La jalousie liée à une différence d’intégration
Il arrive que l’un des partenaires s'adapte aisément à la culture locale, tisse des liens sociaux et s'épanouit, tandis que l'autre se sent isolé et déconnecté, souvent à cause de la barrière linguistique. “J’avais peu de vie sociale à part avec les mamans à la sortie de l’école” témoigne Paul. Il y a encore quelques années, les conjoints accompagnants hommes étaient rares, et encore plus sans travail…” se souvient-il.
Dans la sphère du couple, l’accompagnant a plus de mal à s’épanouir et s’intégrer lui demande des efforts considérables. “Pour moi, la jalousie est liée à la non-reconnaissance qui crée une distance dans le couple” résume Laura, qui connaît bien l’expatriation et vit à Londres depuis 3 ans. Surtout lorsque le conjoint qui travaille ne reconnaît pas la facilité avec laquelle il a pu s’intégrer socialement par rapport au conjoint accompagnant…Au Nigéria il y a plusieurs années, Alice* vit un choc culturel qui l’isole de la communauté française sur place. “ Mon mari avait honte de moi, il voulait que je sois comme tout le monde, que je m’adapte, pour que nous soyons acceptés dans la communauté. Lui participait à des parties de tennis, de football, de cartes et essayait de s’intégrer auprès des autres expatriés. Nous étions en décalage.” Lorsque l'insatisfaction n'est pas exprimée ni comprise, elle s'immisce lentement dans la relation conjugale. Le partenaire en déséquilibre peut manifester son malaise par des critiques, une distance émotionnelle et un repli sur soi. Un autre danger réside dans ces tensions non verbalisées, qui finissent par creuser un fossé affectif, Elles amènent chacun à vivre l'expatriation de manière isolée plutôt qu'en duo.
Certains sont frustrés d’avoir quitté leur emploi alors qu’ils ne reçoivent pas le soutien, la reconnaissance ni la compréhension de leur conjoint.
La jalousie liée au manque d’anticipation et de préparation
Beaucoup d’expatriés ont voulu l’aventure. Ils ont privilégié l’aventure, l’ouverture pour les enfants en se disant qu’ils vont se débrouiller sur place. Finalement, ils sont frustrés d’avoir quitté leur emploi alors qu’ils ne reçoivent pas le soutien, la reconnaissance ni la compréhension de leur conjoint. Laura avait le “sentiment de pas être comprise donc ça générait des disputes”
“La jalousie est une conséquence d’une expatriation qui n’a pas été bien anticipée" nous partage, quant à elle, Sonia, expatriée depuis plusieurs années en Asie, puis à Londres. Elle crée un grand déséquilibre dans le couple “tu deviens femme de” souligne Marie, serial expatriée et depuis un an à Londres. Pour Marie, “La jalousie est liée à l’effort que la vie m’a demandé, les énormes concessions faites et la facilité avec laquelle mon mari a avancé et qu’il n’a pas vraiment reconnu. “
La jalousie liée au tempérament naturel de l’individu, exacerbée en expatriation
De tempérament jaloux, ou avec l’habitude de se comparer aux autres avec envie, l’expatriation peut exacerber la nature jalouse des individus. Car oui, certains n’ont pas encore trouvé satisfaction dans leur vie ou ne sont jamais satisfaits.. “Si tu as trouvé ta raison d’être, il n’y a pas de raison d’être jaloux. “ sourit Sonia. "Si l’autre ne te soutient pas du tout, les difficultés arrivent”. Les non-dits peuvent aussi accentuer les différences de valeurs dans le couple et générer de la jalousie.
“quelle va être l’implication des deux conjoints dans l’éducation des enfants ?” “Qui va aller à la crèche, qui va gérer la nounou ?” “Tout doit être étudié en amont” partage Laura.
Prévenir et transformer la frustration en moteur de rééquilibrage
Les conversations à avoir avant le départ
Le rôle du conjoint moteur de l’expatriation est crucial. Un dialogue ouvert et empathique est nécessaire sur les expériences quotidiennes de chaque partenaire. "Il faut que le couple soit solide avant de partir” dit Sonia. L’éloignement des amis et de la famille est dur à supporter et aller en France à un coût. Nous nous sentons prisonniers de l'île ou presque prisonniers” souligne Laura. “Les maris ne se rendent pas compte, il y a tout à reconstruire pour la conjointe.”
Plusieurs sujets doivent être abordés en amont : “Est-ce que cette expatriation va nous rendre plus heureux ?” “Est-ce que l’aspect financier ou la carrière sont les priorités?” “quelle va être l’implication des deux conjoints dans l’éducation des enfants ?” “Qui va aller à la crèche, qui va gérer la nounou ?” “Tout doit être étudié en amont” partage Laura. Une nuance pour Marie : “Nous ne mesurons pas en partant les implications qu’une vie à l’étranger peut avoir sur la suite.” “Maintenant, les femmes sont plus à même de prendre une décision éclairée” dit Laura. Elles peuvent négocier un travail à distance ou refuser l’expatriation pour continuer leur carrière.
nous ne sortons jamais de notre zone de confort, elle s’’étend. J’ai étendu mes zones de confort monstrueusement et j’ai appris à vivre dans l’inconfort.
Une fois en expatriation, réévaluer la situation et soi-même
Il est important de revoir l’accord de départ. Surtout s'il y a eu l’arrivée d’un enfant ou tout autre changement. Il est tout aussi important pour tous les deux, d’être ouverts à cette discussion. Selon Marie, il est possible de revoir l’accord quand il est équitable : mais après “nous n’avons plus rien à négocier si nous avons déjà quitté notre travail et que la discussion doit recommencer”
Il est nécessaire de se remettre en question et d’accepter la situation telle qu'elle est pour passer à l’action. “Si nous décidons de rester dans le pays d’accueil, que faire alors?” Souvent, le choix de ne pas travailler est lié à l’expatriation avec des jeunes enfants. À cause du coût de la vie élevé, il est souvent difficile d’avoir un mode de garde abordable. Quand les enfants sont plus autonomes, c’est le moment de se poser des questions sur le sens de sa vie et de se prendre en main.
Et là, tout s’éclaire, la jalousie s’estompe pour Marie : “Je revis depuis que j’ai un job. “Je fantasmais l’idée d’être mère au foyer mais en réalité, je n’avais aucune envie de faire des gâteaux.” “nous ne sortons jamais de notre zone de confort, elle s’’étend. J’ai étendu mes zones de confort monstrueusement et j’ai appris à vivre dans l’inconfort.” Témoigne Marie. “Chacun doit se prendre en main et être maître de son destin”, souligne Laura.
La persévérance est clé pour trouver un travail , il faut se faire accompagner et ne pas s’isoler : prendre coach en recherche d’emploi, s’inscrire à des clubs en recherche d’emploi et faire du networking. La clé est de comprendre qu’il ne s’agit pas de jalousie, mais du désir d’une vie sociale aussi épanouissante que celle du partenaire. L’autonomie est recherchée, mais l’adaptation à ce nouvel environnement reste un défi qu’il faut relever.
Plus qu'un simple désir de contrôler l'autre, la frustration traduit une difficulté à se sentir à sa place dans un cadre inconnu.
Comprendre ses frustrations et y voir un besoin d’équilibre
Les frustrations révèlent un besoin d'équilibre. Lorsque les expatriés se retrouvent face à une grande frustration qui peut sembler être de la jalousie, la situation est souvent le reflet d'un besoin plus profond. Plus qu'un simple désir de contrôler l'autre, la frustration traduit une difficulté à se sentir à sa place dans un cadre inconnu. Plutôt que de percevoir cette frustration comme une menace pour le couple, il est possible de l'envisager comme une opportunité de réajuster la relation et de renforcer la complicité. En fin de compte, l’expatriation n'est pas un parcours individuel, mais une aventure partagée.
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