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Prendre soin de sa santé mentale en expatriation

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Écrit par Nathalie Lecomte
Publié le 5 septembre 2019, mis à jour le 5 septembre 2019

Vivre à l’étranger nous confronte parfois à un changement radical et inattendu. On sous-estime souvent l’aspect déstabilisant et la force émotionnelle de la rupture avec nos codes familiers, ajoutés au stress normal de l’éloignement. Le pays d’accueil devient un lieu où l’on est plus vulnérable face à l’adversité. L’impact accru des situations imprévues met à l’épreuve la solidité psychique et peut alors mener à une crise. 

 

La santé mentale est une condition fondamentale pour se réaliser et surmonter les tensions de la vie. Or, l'expatriation vient bouleverser notre équilibre personnel et familial en accélérant nos transformations identitaires. L’effort d’adaptation peut alors avoir des répercussions psychiques survenant parfois après un certain temps et avec ampleur. Les causes peuvent être variées allant du simple décalage horaire, des conditions locales particulières (forte chaleur, humidité, grand froid…), des risques sanitaires spécifiques assortis d’infrastructures précaires, de la personnalité, des antécédents psychiatriques, au choc culturel (alimenté par des différences économiques et socioculturelles considérables, le stress de la perte des repères, la solitude…). 

 

Le séjour à l’étranger peut aussi déclencher une pathologie psychiatrique jusqu'alors passée inaperçue comme pour cette jeune femme installée en Thaïlande : une fragilité préexistante s’est déclarée. Elle a décompensé (épisode de désorganisation psychique) pour la première fois lorsqu’elle s’est frottée à une réalité bien différente de son quotidien. Elle avait l’impression de ne plus être elle-même. Avec son mari, elle a dû faire faire face à ce moment de déstabilisation inédit et transitoire puis veiller à ce qu’il ne s’installe pas dans la durée.

 

La crise psychique peut prendre des formes diverses et trouve généralement sa source à la croisée de difficultés adaptatives liées à un stress trop important. Ainsi, un sentiment d’enfermement ; un vécu d'inhospitalité ; une grosse fatigue ; se sentir observé, persécuté ou discriminé ; une anxiété massive pouvant aller jusqu’à la confusion ou des attaques de panique ; des manifestations somatiques (du corps) insolites; une humeur déprimée persistante ; des hallucinations ; des propos délirants ; un sentiment que le monde environnant est étrange, une exaltation … sont autant de signes qui doivent alerter.


D’ailleurs, une personne ayant un trouble mental préexistant et stabilisé est parfois plus vigilante qu’un voyageur qui connaîtrait moins bien ses limites. Malgré cela, ce trouble peut s’exacerber ou se réactualiser pour diverses raisons (stress, arrêt momentané ou pérenne du traitement, médication non disponible dans le pays, absence de suivi régulier…). Les antécédents  psychiatriques, y compris lointains, doivent donc retenir l’attention.  


Pour prévenir une décompensation psychopathologique, il s’agit non seulement d’évaluer en amont les prédispositions mais aussi d’anticiper la qualité de l’encadrement local. Bien préparer son expatriation (durée, but…) et les moyens que l’on se donne pour y arriver permet de mieux apprécier si le moment est opportun, sachant qu’un séjour à l’étranger n’est pas vraiment indiqué pour se remettre d’un épisode dépressif avéré. 

 

Comment faire face et se rétablir?

Souvent, on constate des consultations tardives face à des signes imputés un peu vite au mal du pays. Le soutien de l’entourage (amis, famille, collègues) devient primordial pour reconnaître la détresse mentale d’un proche et la réduire. Associé à une meilleur connaissance de soi, à l’adaptation progressive et au fait de s’engager dans les activités de la communauté d’accueil, il aide à passer le cap.

Accepter l’état de fragilité lié à la situation migratoire et déstigmatiser son impact psychique permet aussi de porter un regard plus juste sur ce qui nous arrive. Rien n’est figé. On peut toujours retrouver un équilibre. D’abord en étant attentif à ce qui ne va pas. Ensuite, en s’autorisant à parler de sa souffrance et en osant demander le soutien de proches ou d’un professionnel comme on le ferait naturellement pour un mal de dents. 

 

Selon la sévérité de la situation, on peut aussi recourir localement à des professionnels (Réseau Psy Expat). Heureusement, la décompensation psychique est rare. En cas d’urgence psychiatrique, une prise en charge thérapeutique immédiate se fera dans le pays d’accueil pour stabiliser l’état. Puis le retour au pays d’origine s’imposera pour faire régresser les symptômes. On sera alors vigilant à ce que la personne y participe activement afin de reprendre pied dans son milieu familier et la réalité à laquelle elle a été initialement conditionnée.

 

Le nombre de  rapatriements sanitaires psychiatriques est loin d’être négligeable. En premier lieu, viennent les pathologies délirantes aiguës, puis les troubles de l’humeur et enfin les troubles anxieux. S’y ajoutent l’abus de substances (drogues, alcool) et les troubles addictifs. La dimension psychologique d'une expatriation est souvent négligée et peut se compliquer sur le long terme dans certains cas. Pourtant les expats semblent peu se préoccuper, avant leur départ, de potentiels problèmes psychologiques les concernant, eux ou leur famille. Cependant, prendre en considération ces aléas du séjour ne doit pas occulter pas les aspects enrichissants, constructifs et positifs à retirer d’une telle expérience. 

 

nathalie lecomte
Publié le 5 septembre 2019, mis à jour le 5 septembre 2019