Travailler depuis l’étranger : ces expatriés qui jonglent avec le décalage horaire

Travailler depuis l’étranger n’est pas une révolution en soi, ce mode de travail alternatif tendant à se démocratiser de plus en plus ces dernières années. L’obligation de travailler à distance en raison de l’émergence et de la propagation du Covid-19 à partir de début 2020 n’y est bien entendu pas pour rien. Face au développement du télétravail et l'envie grandissante des employés d'effectuer leurs missions dans un cadre qui les fait rêver, les entreprises s'adaptent de plus en plus et sont à présent moins fermées à cette option. Selon une étude menée par la start-up française Remoters en 2021, 35% des chefs d'entreprise français sont prêts à envisager la possibilité du télétravail depuis l'étranger. Toutefois, une grande majorité y reste largement défavorable, ce modèle n'étant pas applicable à tous les postes.

Besoin de changement d’air, de s’éloigner de la vie de bureau, envie de baigner dans une nouvelle culture tout en gardant un lien professionnel avec la France, voire avec d'autres pays… Tant de raisons, non exhaustives, qui poussent certains Français à faire le choix non seulement de l’expatriation mais aussi de devenir un membre à part d’une entreprise, fonctionnant à un rythme différent des autres employés, ou de se lancer en tant qu’indépendant. Beaucoup de ces travailleurs au goût prononcé pour l’étranger doivent cependant faire face à une contrainte particulière non négligeable, parmi tant d'autres  : un décalage horaire conséquent.  

Espagne: le phénomène des digital nomads en plein essor

Une promotion du télétravail à l’étranger pour attirer des personnes de tous horizons

Certaines destinations, comme la Dominique, Dubai ou encore l'Estonie, n’hésitent pas à en faire la promotion pour inviter des travailleurs du monde entier à venir télétravailler sur leurs terres. Ce mode de fonctionnement se voit ainsi attribuer un cadre légal dans nombre d’entre elles. Le Mexique a notamment mis en place un système de visas de six mois renouvelables jusqu’à une durée maximale de quatre ans.  

C’est ce que confirme Julien, professeur indépendant basé au Mexique, qui enseigne à des élèves des quatre coins du globe. Lui-même n’a pas cherché à bénéficier d’un tel visa, prévoyant notamment d’aller poser ses valises dans un futur proche du côté de l’Asie ou de l’Océanie. « Ce visa « digital nomad » n’est pas aisé à obtenir car il faut justifier d’un salaire minimum pour l’obtenir, ce que je ne pouvais prouver au moment de mon arrivée. Je pourrais le demander maintenant mais cela ne m’intéresse pas, car j’ai pour projet d’aller m’installer ailleurs, soit quelque part en Asie, soit en Australie », nous explique-t-il. 

Le télétravail depuis l’étranger, un univers qui nécessite de l’organisation

Malgré tous les avantages et l’enrichissement qu’il retire de son expérience au Mexique, Julien soulève certains inconvénients non négligeables. « C’est compliqué à gérer, il faut être extrêmement bien organisé. Il faut jongler avec différents fuseaux horaires car j’ai des élèves au Chili, à Tenerife, en France et à Singapour », poursuit le Français. Il n’oublie cependant pas les bons côtés qui font l’attrait de ce mode de travail :  « L’avantage du télétravail depuis l’étranger dans mon cas est que je suis du matin. Je me lève très tôt le matin et abat ma charge de travail très tôt également, de manière à avoir mes après-midi libres. Je n’ai plus de déplacement, plus de frais de véhicule ».

Basée à Bali où elle opère en tant que rédactrice web freelance, Soraya partage l’avis de Julien, et va même plus loin. « Depuis Bali, j'ai 6 heures d'avance sur la France. Cela a finalement facilité l'organisation de mon travail : les matinées sont dédiées aux missions de rédaction et aux tâches qui nécessitent beaucoup de concentration et de créativité et les après-midi sont consacrés aux meetings, interviews, échanges et emails. D'une certaine façon, je pense que le décalage horaire a contribué à améliorer ma productivité », relate-t-elle. Et de poursuivre : « Je pense qu'il est indispensable de s'équiper d'outils qui facilitent la gestion du décalage horaire. J'utilise notamment le site Time Zone Converter qui me permet d'identifier en un coup d'œil les plages horaires communes les plus adaptées. Calendly est aussi très utile pour trouver des créneaux et bloquer des rendez-vous facilement en limitant les allers-retours de mail. Je pense qu'il est aussi important d'être très clair sur ses horaires de travail, sur ses disponibilités et sur son degré d'adaptabilité ». 

Le télétravail depuis l’étranger, un système qui ne peut pas convenir à tout le monde ?

Pour Soraya, une fois les questions de l’organisation et de l’adaptabilité réglées, la plus grande difficulté vient d’ailleurs. « Avec les bons outils, il est aujourd'hui très simple de travailler sur des fuseaux horaires différents. Mais cela dépend aussi de l'importance du décalage horaire et des exigences de l'employeur ou des clients. J'ai rencontré certains freelance et entrepreneurs qui devaient travailler de nuit pour s'adapter au fuseau horaire de leurs clients : cela impactait clairement leur qualité de vie et ça ne semblait pas être une solution durable », développe-t-elle.

Au-delà des contraintes d’horaires et d’entreprises, vivre à l’étranger engendre également des problèmes juridiques et administratifs auxquels les expatriés ne pensent pas forcément. La situation du télétravail depuis un autre pays étant relativement nouvelle, les cas de figure inédits sont susceptibles de survenir à n’importe quel instant, et la réponse au problème n’est pas forcément présente en ligne. Pour Charlotte, résidente aux Etats-Unis depuis plusieurs années, les choses n’ont pas été simples lorsqu’en 2021 une entreprise prend contact avec elle pour lui proposer un emploi à distance à temps partiel. Bémol : l’entreprise n’avait pas de branche sur le sol américain. « Les questions de savoir comment cela allait se mettre en place, en termes de contrat de travail, et où j’allais devoir payer mes impôts, ont commencé à se poser », décrit-elle. Comme tout modèle, le télétravail depuis l'étranger présente des avantages et des inconvénients, le tout reste de s'y lancer bien préparé et bien renseigné.