Le directeur général délégué de l’Institut français revient avec nous sur cette période charnière pour le réseau culturel français à l’étranger. Entre innovation numérique et reprise du présentiel, Erol Ok nous dépeint un Institut français plein de ressources malgré les difficultés.
Cela a été une épreuve de réaction rapide
Vous avez pris vos fonctions de directeur général délégué de l’Institut français le 20 janvier dernier. Quel bilan pouvez-vous tirer de ces premiers mois ?
Cela a été un moment particulier. Nous avons dû très vite nous adapter à la crise. Quelques semaines après mon arrivée, nous avons tous dû réfléchir à ce que nous pouvions faire pour alimenter le réseau culturel français à l’étranger, et pour leur permettre de continuer de fonctionner au mieux suivant les situations locales. Nous avons mis en place beaucoup d’outils et réfléchi, parmi nos différentes programmations, à ce qui pouvait être maintenu ou non. Cela a été une épreuve de réaction rapide. Ce moment a soudé les équipes, à Paris comme dans le réseau, autour de ce projet de maintien d’une action culturelle de la France à l’étranger.
Le numérique a beaucoup aidé
Comment le réseau des Instituts français dans le monde a vécu cette crise sanitaire mondiale ?
Il y a des situations très différentes selon les lieux. Selon leur taille ou leur fonctionnement, les Instituts français et les Alliances françaises ont plus ou moins bien supporté les effets de la crise. D’une manière générale, il y a un problème de pertes de recettes liées aux cours de français car la plupart des centres de langues ont dû fermer. L’accueil du public n’a également pu être possible dans la plupart des lieux. Nous avons essayé très vite d’identifier avec nos interlocuteurs du réseau leurs problèmes les plus immédiats pour leur faciliter le travail sur le terrain. La majorité des Instituts français et des Alliances Françaises ont tout de même pu continuer à offrir des services à leurs publics, souvent sous une forme différente : le numérique a beaucoup aidé, pour les cours de français à distance mais aussi en matière de programmation culturelle. Dans la mesure des moyens de chacun et des situations locales, il a été possible de continuer à avoir une activité vers le public.
Ces outils numériques étaient déjà disponibles mais nous les avons intensifiés et renforcés
Est-ce que cette période a permis à l’Institut français d’innover dans sa manière de diffuser et promouvoir le français et les cultures francophones ?
Cela fait plusieurs années que nous avons développé des outils et plateformes numériques pour les réseaux culturels à l’étranger, comme par exemple Culturethèque ou IF Cinéma. Ces outils numériques étaient déjà disponibles mais nous les avons intensifiés et renforcés pour qu’ils servent davantage pendant cette crise. Nous avons aussi pu lancer de nouvelles initiatives comme notre programme de soutien à destination des jeunes réalisateurs étrangers pendant le Festival de Cannes, la Fabrique des Cinémas du Monde, transformée cette année en E-Fabrique. Nous avons créé un pavillon virtuel dans le cadre du marché en ligne du film à Cannes et il a été l’un des plus fréquentés. Beaucoup d’évènements ont été transformés avec une édition en ligne et ont bien fonctionné, le programme Shoot the book !, par exemple, qui sert à faciliter l’adaptation au cinéma d’oeuvres littéraires, ou encore la diffusion dans le réseau international de la Fête de la Musique pour assurer une édition digitale. Nous continuerons à innover car, crise ou non, cela nous parait essentiel.
Nous avons également mis en place de nombreux outils et services directement au bénéfice des instituts français et alliances françaises avec par exemple des webinaires thématiques et des formations à distance que nous avons dû mettre en place en quelques semaines. Nous savions le faire, mais sans doute pas avec cette ampleur et en si peu de temps…
La question est de savoir comment nous allons collectivement rebondir et ce que nous allons garder de cette période
Est-ce que votre 10ème édition des Ateliers de l’Institut français, organisée en digital, sera l’occasion de former les équipes à ces nouvelles méthodes ?
Nous avions vite compris, avec nos ministères de référence (Europe et Affaires étrangères ; Culture) que ces Ateliers 2020 ne pourraient pas se tenir en présence physique des participants. Nous avons donc proposé un programme sur plusieurs mois avec des ateliers en ligne, des webinaires et de la formation, et retenu l’action numérique du réseau culturel comme l’un des thèmes principaux d’échange et de travail. La réflexion sur les outils est aussi importante. Nous aurons un temps fort entre du 20 au 24 juillet avec plusieurs ateliers d’échange en direct, dont certains porteront justement sur l’adaptation de réseau à la crise. Nous avons fait de ce rendez-vous annuel un exemple de ce que nous pouvions faire en peu de temps pour numériser nos services et notre offre au réseau. Ce moment doit être mis à profit pour échanger avec les agents du réseau sur leurs besoins, leur perception de la crise et de ce qui pourrait se passer ensuite. La question est de savoir comment nous allons rebondir et ce que nous allons garder de cette période. Cela sera un temps d’échange très interactif entre l’Institut Français, les ministères de tutelle et un réseau certes à distance, mais bien présent !
La magie de l’art et du spectacle tient souvent à la rencontre
Qu’en est-il de la programmation des différents évènements qui devaient se tenir ces dernières semaines et ces prochains mois ?
Certains évènements auxquels l’Institut français participe directement ont déjà été reportés par leurs organisateurs comme par exemple la Biennale d’architecture à Venise, la Biennale de la danse à Marrakech ou encore le Salon du meuble de Milan. Ces évènements se dérouleront dans un contexte plus porteur et serein. Dans le cas d’évènements que nous organisons nous-mêmes, nous avons annoncé le report de la saison Africa 2020 qui commencera en décembre 2020 (au lieu de juin). Toujours pour tenir compte du contexte international, nous allons également reporter la saison de la France au Japon et la saison croisée France Portugal. Quant aux évènements plus ponctuels, nous avons essayé de voir s’il était préférable de les reporter ou de les maintenir aux dates prévues en les adaptant, sous des formats numériques. Mais n’oublions pas que la magie de l’art et du spectacle tient souvent à la rencontre, bien physique, entre un artiste, une oeuvre et un public : nous espérons donc pouvoir bien vite retrouver cette magie à grande échelle !
Nous essayons de voir l’impact de la crise sur nos activités et celles de nos partenaires, en France comme à l’étranger
Est-ce que cette crise pourra aussi inspirer de prochains évènements ?
Au début de chaque année, nous lançons avec les IF et AF une série de débats, échanges et réflexions dans le monde entier, qui s’appelle la Nuit des idées. La prochaine thématique est en cours de sélection mais nous pensons mettre l’accent sur ce que la crise a pu transformer pour les échanges artistiques, intellectuels et culturels. Il ne s’agit pas de parler de la crise en tant que telle mais plutôt de réfléchir aux sujets qu’elle a fait émerger en termes par exemple de mobilités artistiques, de rapport au numérique et à la distance avec les oeuvres et le spectacle. De même pour les Saisons, en matière de contenu, nous allons évidemment tenir compte des thématiques qui sont apparues avec la crise. Comme la plupart des institutions en ce moment, nous essayons d’anticiper ce que cette crise pourrait changer, de manière pérenne, pour nos activités et celles de nos partenaires, en France comme à l’étranger.
Nous avons d’ailleurs imaginé avec les ministères le lancement d’une campagne de communication pour les cours de langue dans les Instituts français et les Alliances françaises. Nous voulons promouvoir l’apprentissage du français à la rentrée pour soutenir les Instituts français et les Alliances françaises qui ont besoin de ces cours. Nous devons les aider à recruter de nombreux nouveaux apprenants et élèves.